Arabie saoudite : libérer la militante des droits des femmes Salma al-Shehab

Ed Hinchliffe

29 août 2022. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et 34 organisations signataires appellent la communauté internationale à faire pression sur les autorités saoudiennes afin qu’elles libèrent immédiatement et sans condition Salma al-Shehab, universitaire et militante des droits des femmes, récemment condamnée à 34 ans de prison pour avoir tweeté des messages en faveur des droits des femmes et du respect des droits fondamentaux. C’est la peine de prison la plus longue jamais prononcée à l’encontre d’un·e militant·e pacifique pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression en Arabie saoudite. Cette décision est le signe d’une détérioration alarmante de la situation des droits humains dans le pays.

Âgée de 34 ans et mère de deux enfants, Salma al-Shehab est hygiéniste dentaire et poursuit ses études de doctorat à l’Université de Leeds au Royaume-Uni, où elle résidait avant sa détention. Elle a été arrêtée le 15 janvier 2021 alors qu’elle était en vacances en Arabie saoudite, et a été placée à l’isolement à la suite de longs interrogatoires qui ont duré neuf mois et demi, avant d’être déférée devant le tribunal pénal spécialisé (SCC) – une juridiction utilisée comme instrument de répression pour réduire au silence les voix dissidentes dans le royaume. Salma al-Shehab appartient à la minorité musulmane chiite du pays, victime depuis longtemps de la répression du gouvernement.

Le 9 août 2022, la Cour d’appel pénale spécialisée a condamné Salma al-Shehab à 34 ans de prison, à l’issue d’un procès manifestement inéquitable, suivi d’une interdiction de voyager de la même durée. Parmi les accusations portées à son encontre figuraient « le soutien à celles et ceux qui cherchent à troubler l’ordre public » et la publication de tweets « troublant l’ordre public », dans le cadre de posts publiés sur son compte dans lesquels elle exprimait son soutien aux personnes prisonnières politiques, notamment à la militante des droits des femmes Loujain al-Hathloul. La condamnation imposait également la fermeture de son compte Twitter et la désactivation de son numéro de téléphone.

Salma al-Shehab a été condamnée en vertu des lois extrêmement sévères relatives à la lutte contre la cybercriminalité et contre le terrorisme en vigueur dans le royaume. Certaines de leurs dispositions, formulées en termes vagues, criminalisent l’exercice des droits à la liberté d’expression, d’association et de rassemblement pacifique en Arabie saoudite. En mars 2022, 14 mois après avoir été placée en détention, la militante avait été condamnée à six ans de prison, mais sa peine a été rallongée en appel et constitue la plus longue peine de prison jamais infligée à un·e militant·e pacifique en Arabie saoudite. Cette décision peut faire l’objet d’un nouvel appel devant la Cour suprême.

Nous condamnons fermement l’arrestation arbitraire et la condamnation illégale de Salma al-Shehab, qui marquent un pas de plus dans la répression contre la liberté d’expression en Arabie saoudite. Contrairement aux déclarations des autorités relatives aux droits humains, notamment aux droits des femmes et aux réformes juridiques, les véritables partisan·es de la réforme – les militant·es réclamant le respect des droits fondamentaux – sont toujours pris·es pour cibles impitoyablement et réduit·es au silence, victimes de lois répressives utilisées pour pénaliser leur activisme et l’expression pacifique de leurs opinions.

La condamnation injuste de Salma al-Shehab fait suite à la récente visite du Président des États-Unis Joe Biden en Arabie saoudite, et à l’accueil à Paris de Mohammed Ben Salman, prince héritier saoudien, et de fait chef d’État, par le Président français Emmanuel Macron. Comme nous étions nombreux·ses à le souligner avant le déplacement de Joe Biden, ces rencontres au plus haut sommet de l’État, sans qu’aucun prérequis n’ait été fixé de manière ferme, n’ont fait qu’encourager la détermination du royaume à commettre davantage de violations.

Alors que les appels de la communauté internationale à établir la responsabilité des dirigeantes saoudiens se sont faits plus discrets, notamment en ce qui concerne le meurtre de Jamal Khashoggi commandité par l’État en 2018, les autorités ont repris leurs vieilles habitudes en matière de répression, caractéristiques des pratiques courantes du règne du prince héritier depuis 2017. Par exemple, l’arrestation arbitraire et la détention de personnes exerçant pacifiquement leurs droits fondamentaux ; les très longues peines de prison infligées à des dissident·es pacifiques à la suite de procès manifestement iniques ; les interdictions de se déplacer imposées de manière arbitraire aux militant·es qui ont purgé leur peine ; la privation délibérée de soins médicaux et des services administratifs défaillants pouvant entraîner le décès des détenu·es ainsi que les conditions inhumaines des centres de rétention auxquelles sont confrontés les travailleur·ses migrant·es et leurs familles, sont autant de pratiques auxquelles le royaume a recours.

Pendant ce temps, les autorités saoudiennes ont procédé à 120 exécutions depuis le début de l’année – deux fois plus que dans toute l’année 2021. Parmi celles-ci, 81 hommes ont été exécutés le 12 mars 2022, ce qui constitue la plus grande exécution de masse au cours des dernières décennies.

Seule une pression constante exercée par la communauté internationale sur les autorités saoudiennes pourra engendrer des progrès significatifs vers un respect total des droits humains et des libertés dans le pays. Nous appelons donc la communauté internationale, notamment les États dont l’influence diplomatique est déterminante, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, à faire pression sur les autorités saoudiennes afin qu’elles libèrent immédiatement et sans condition Salma al-Shehab et annulent sa condamnation, et qu’elles libèrent également toutes les autres personnes détenues actuellement dans le royaume pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux.

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  • Co-signataires

    1. ACAT-France
    2. Access Now
    3. ALQST for Human Rights 
    4. Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB)
    5. Amnesty International 
    6. ARTICLE19
    7. Danish PEN
    8. Democracy for the Arab World Now (DAWN)
    9. Electronic Frontier Foundation 
    10. English PEN
    11. European Centre for Democracy and Human Rights (ECDHR)
    12. European Saudi Organisation for Human Rights (ESOHR)
    13. FEMENA
    14. Freedom House
    15. The Freedom Initiative
    16. Freedom Now
    17. Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
    18. Human Rights First
    19. Human Rights Foundation (HRF)
    20. Human Rights Sentinel
    21. IFEX
    22. The International Campaign for Freedom in the United Arab Emirates (ICFUAE)
    23. International Federation for Human Rights (FIDH), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
    24. International Service for Human Rights (ISHR)
    25. MENA Rights Group
    26. Peace Action 
    27. PEN America
    28. PEN International 
    29. Project on Middle East Democracy (POMED)
    30. Red Line for Gulf (RL4G)
    31. Scholars at Risk
    32. SMEX (Social Media Exchange)
    33. The Tor Project
    34. Vigilance for Democracy and the Civic State 
    35. World Organisation Against Torture (OMCT), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

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