La FIDH saisit le Comité pour l’Elimination de toutes les formes de discrimination raciale d’une demande de procédure d’urgence concernant les lois antiterroristes en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Allemagne.

Paris, le 6 mars 2002.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) en accord avec ses organisations affiliées, Liberty (GB), le Centre for Constitutional Rights (Etats-Unis) et l’Internationale Ligua für Menschenrechte (Allemagne), a saisit le 4 mars le Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale (CERD) d’une demande de procédure d’urgence pour trois cas. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis et l’Allemagne, trois Etats parties à la Convention Internationale pour l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination Raciale (ICERD) ont adopté des législations dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme international qui contiennent de violations graves de l’ICERD.

L’Anti-Terrorism Act en Grande-Bretagne et l’USA Patriot Act aux Etats-Unis, présentent des formes similaires de violations graves de la CIERD. Ces deux textes permettent en effet aux autorités de chacun de ces Etats de détenir pour une longue période ou une période indéterminée des non-ressortissants et ce, en l’absence de charge, sur la simple suspicion de leur participation à des activités terroristes ou de liens avec des organisations terroristes. Une telle détention pour une durée indéterminée, sans aucune charge, est arbitraire, en violation de l’article 9 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). De plus, cela constitue une violation du principe de présomption d’innocence ainsi que des droits à un procès équitable et indépendant, inclus dans l’article 14 du PIDCP. Nous avons de sérieuses raisons de considérer qu’une telle détention constitue une atteinte à la dignité humaine ainsi qu’à l’intégrité physique et mentale de l’individu et représente en conséquence un traitement dégradant, cruel et inhumain en violation de l’article 7 du PIDCP.

Les dérogations invoquées par le gouvernement britannique de rticle 4 du PIDCP ne sont pas valides. En effet, ces droits sont indérogables conformément à l’article 4.2 du PIDCP et à l’interprétation du Comité des droits de l’Homme (Commentaire général 29 de l’article 4) En outre, les lois américaine et britannique constituent une violation de l’article 26 de l’ICCPR dans la mesure où elles créent une discrimination sur la base des origines nationales.

Le troisième cas soumis au Comité est relatif à des formes sérieuses de non-respect des droits de l’homme de non-ressortissants en Allemagne, inhérentes à la législation antiterroriste allemande. Parmi les mesures adoptées, l’immigration et l’asile peuvent être refusés sur la simple suspicion de l’appartenance à un groupe terroriste ou d’une participation à des activités terroristes. Loin de répondre effectivement à une potentielle menace terroriste, la mesure ne fait que fermer la porte aux étrangers. L’insistance sur les étrangers postulant à la résidence ou à l’asile en Allemagne exacerbent par ailleurs les préjudices potentiels parmi la population allemande. Les mesures constituent également une sérieuse limitation du droit d’asile. En tant que telle, la législation anti-terroriste en Allemagne a entraîné des violations sérieuses de la CIERD, ce qui requiert une réaction du CERD sous la forme d’une procédure d’urgence.

Le droit d’asile est par ailleurs protégé par l’article 3 du CAT et l’article 7 de l’ICCPR qui garantit qu’aucun candidat au droit d’asile ne peut se voir refuser ce droit lorsqu’il est susceptible de subir des actes de torture ou des traitements inhumains en cas de retour dans son pays. Une telle norme a valeur de Jus Cogens et est applicable en toutes circonstances, y compris la lutte contre le terrorisme. La législation allemande ne comporte aucune précision à cet égard. Elle devrait limiter la possibilité de refuser l’asile pour ces raisons spécifiques. Priver les non-ressortissants de la jouissance d’une norme de Jus Cogens constitue une sérieuse violation de la CIERD.

Par conséquent, la FIDH exhorte le CERD à :

 exprimer ses préoccupations aux Etats concernés leurs recommandant l’abolition de ces mesures ;
- soulever la question auprès de tous les autres organes de protection des droits de l’homme concernés par la question, particulièrement le Comité Contre le Terrorisme établi sous les auspices du Conseil de Sécurité ;
- désigner parmi ses membres un rapporteur spécial pour suivre les situations similaires de violation de la CIERD en réaction aux menaces terroristes, avec mandat pour consulter le Président du Comité afin d’initier la procédure d’urgence quand cela s’avère nécessaire, et pour assurer le suivi des décisions prises dans ce domaine.

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