Algérie : Aggravation de la peine du journaliste Ihsane El Kadi

23/06/2023
Appel urgent
Zoheir Aberkane / Radio M

Nouvelles informations
DZA 001 / 0423 / OBS 020.1
Condamnation /
Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire
Algérie
23 juin 2023

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir sur la situation suivante en Algérie.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de l’aggravation de la peine du journaliste arbitrairement détenu Ihsane El Kadi, membre fondateur et directeur du pôle éditorial de la web radio Radio M et du site d’informations en ligne Maghreb Émergent, deux médias indépendants. Fervent défenseur du droit à la liberté d’expression en Algérie et dans les pays du Maghreb, il a exprimé à plusieurs reprises son soutien au mouvement pacifiste pro démocratie du Hirak, et a été condamné par le passé pour avoir exprimé ses opinions critiques envers le régime.

Le 18 juin 2023, la Cour d’appel d’Alger a condamné Ihsane El Kadi à sept ans de prison, dont cinq ans ferme en appel pour « réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande », « pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité nationale et au fonctionnement normal des institutions » (Articles 95 et 95 bis du Code pénal algérien, respectivement), aggravant ainsi sa peine de cinq ans de prison, dont trois ans ferme, prononcée en première instance. Les avocats de M. El Kadi ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, Ihsane El Kadi était toujours arbitrairement détenu à la prison d’El Harrach à Alger.

L’Observatoire rappelle qu’Ihsane El Kadi a été arbitrairement arrêté le 24 décembre 2022. Le lendemain, les locaux d’Interface Médias, société éditrice des médias Radio M et Maghreb Emergent, ont été mis sous scellés, en dehors de toute procédure judiciaire et avant même qu’une enquête ne soit officiellement ouverte.

Le 12 mars 2023, le procès de M. El Kadi s’est ouvert devant le Tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. Lors de cette audience, le tribunal a décidé de tenir le procès en visioconférence sans en informer au préalable ni le prévenu, ni ses avocats, qui ont refusé cette modalité et ont demandé le report de l’audience afin qu’il puisse y assister en personne. Le juge a finalement ordonné le report du procès au 26 mars 2023, sans donner suite aux prétentions de la défense mais en invoquant l’absence de plusieurs témoins et du représentant de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), qui s’est constituée partie civile contre Interface Médias, alors que les deux médias incriminés ne dépendent pas légalement de cette instance. De nombreuses autres irrégularités et entorses ont été constatées par les avocats de la défense tout au long de la procédure.

Au cours de l’audience du 26 mars 2023, à laquelle un observateur international mandaté par l’Observatoire a assisté, celui-ci a pu constater que, malgré la présence de M. El Kadi au sein de la salle d’audience, il n’a pas disposé du temps nécessaire afin de s’exprimer sur son dossier. Lors de cette audience, le Procureur a requis cinq ans de prison, ainsi que l’interdiction d’exercer les fonctions de dirigeant de médias à l’encontre de M. El Kadi, peine à laquelle il n’a finalement pas été condamné.

Le 2 avril 2023, le Tribunal de Sidi M’hamed a condamné en première instance Ihsane El Kadi à une peine de cinq ans de prison, dont trois ans ferme, assortie d’une amende de 700 000 dinars (environ 4 726 Euros). Le Tribunal a également prononcé la dissolution d’Interface Médias ainsi que la confiscation des biens saisis, assorties d’une amende de 10 millions de dinars (environ 67 524 Euros), et imposé un million de dinars (environ 6 752 Euros) de dommages et intérêts pour l’ARAV. Ihsane El Kadi et le parquet ont interjeté appel de cette décision.

L’Observatoire rappelle également que suite à son arrestation, Ihsane El Kadi a été directement visé par le Président algérien Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier l’a traité sur les antennes de la télévision publique de « khabardji » (expression populaire infamante de la langue algérienne désignant un « informateur » ou un « mouchard » collaborant avec l’ennemi). Cette accusation, qui ne figure pas dans son dossier d’instruction, constitue une atteinte manifeste au principe de l’indépendance de la justice.

L’Observatoire rappelle enfin que la condamnation d’Ihsane El Kadi intervient dans un contexte de rétrécissement de l’espace civique et de répression de toutes les voix dissidentes dans le pays, marqué par des attaques systématiques des autorités aux droits à la liberté d’association, de réunion et d’expression, en réaction notamment au soulèvement populaire du Hirak qui a débuté en février 2019.

L’Observatoire dénonce la condamnation et l’aggravation en appel de la peine prononcée à l’encontre d’Ihsane El Kadi qui ne visent qu’à le sanctionner pour ses activités légitimes en tant que journaliste et défenseur des droits humains.

L’Observatoire appelle les autorités algériennes à annuler la condamnation d’Ihsane El Kadi, à le libérer immédiatement, et à mettre un terme à toutes poursuites et actes de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre ainsi qu’à celle de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités algériennes en leur demandant de :

 Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien être psychologique d’Ihsane El Kadi, et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains en Algérie ;

 Libérer immédiatement et inconditionnellement Ihsane El Kadi, sa détention étant arbitraire en ce qu’elle ne semble viser qu’à le sanctionner pour l’exercice légitime de ses activités de défense des droits humains et de son droit à la liberté d’expression ;

 Annuler la condamnation d’Ihsane El Kadi et mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre ainsi qu’à celle de tou·tes les défenseur·es des droits humains dans le pays, et garantir qu’ils et elles puissent mener leurs activités légitimes de défense des droits humains en toute liberté, sans entrave ni peur des représailles ;

 Garantir le droit d’Ihsane El Kadi à un procès équitable tout au long de la procédure à son encontre ;

 Garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’expression dans le pays, conformément aux dispositions du droit international des droits humains, et notamment à l’article 19 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques.

Adresses :

◦ M. Abdelmajid Tebboune, Président de l’Algérie, Email : president@el-mouradia.dz, Twitter : @TebbouneAmadjid
◦ M. Aïmene Benabderrahmane, Premier Ministre de l’Algérie, Twitter : @pm_gov_dz, @BAbderrahmane_A
◦ M. Brahim Merad, Ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales de l’Algérie, Email : contact@interieur.gov.dz, Twitter : @interieur_dz
◦ M. Abderrachid Tabi, Ministre de la Justice de l’Algérie, E-mail : contact@mjustice.dz
◦ M. Lazhar Soualem, Ambassadeur, Représentation Permanente de la République d’Algérie aux Nations Unies à Genève, Suisse, E-mail : contact@mission-algeria.ch
◦ M. Ali Mokrani, Ambassadeur de la République d’Algérie à Bruxelles, Email : info@algerian-embassy.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques algériennes dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 23 juin 2023

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
· E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
· Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
· Tel OMCT : + 41 22 809 49 39

Lire la suite