« un véritable crime contre l’humanité » à Gaza

Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les camps de réfugiés avec des
milliers d’enfants, la façon dont ils sont bombardés m’apparaît comme un
véritable crime contre l’humanité.

Ce terme, vous osez le prononcer ? C’est la disproportion qui vous
choque, entre les roquettes palestiniennes et une offensive terrestre
massive ?

C’est l’ensemble du comportement. C’est naturellement la disproportion, vous
avez raison de le souligner...Une terre densément peuplée, la plus dense du
monde probablement, sur laquelle on frappe avec des instruments militaires qui
ne peuvent pas faire la différence entre les militaires et les civils.
D’ailleurs il n’y a pas de militaires, il n’y a que des civils à Gaza - des
militants peut-être, mais sûrement pas une armée.

Donc c’est une armée, l’une des plus puissantes du monde, qui s’attaque à
une population qui n’a vraiment pas de défense. Ca, c’est typiquement un crime
de guerre.

A quoi peut aboutir cette offensive ?

C’est le plus grave. On a bien l’impression que une fois de plus des
militaires essayent de mettre un terme à l’activité de guérilla. Nous avons vu
que dans tous les cas de figure récents dans le monde, que ce soit le Vietnam,
la Tchétchénie ou quoique ce soit d’autre, il n’y a pas de solution militaire.
La solution c’est la négociation.

Ce qui se passe en ce moment au Caire est extrêmement important. Il faudrait
que les dirigeants israéliens se rendent compte qu’à ne pas accepter une
négociation et un cessez-le-feu, et une négociation pour la paix, ils font un
tort immense à leur pays, et aussi à leur armée. Tsahal avait la réputation
d’être une armée honorable. Elle ne l’est plus lorsqu’elle frappe sur des gens
sans défense.

C’est également le spectre de l’échec en 2006 au Liban qui revient, et
pourtant de nombreuses résolutions depuis de nombreuses années, ont été prises
notamment au Conseil de Sécurité de l’ONU, mais jamais appliquées pour quelles
raisons selon vous ?

Parce que l’Etat d’Israël, depuis des décennies, a réussi à berner sa
population. A faire croire à sa population que l’Etat était en danger, que sa
sécurité était à chaque instant menacée, et que pour cela il ne fallait ne
tenir aucun compte de ce que pense la communauté mondiale, et s’assurer en tout
cas de l’appui de l’Etat évidemment le plus puissant à l’heure actuelle, les
Etats-Unis. Nous ne pouvons qu’avoir un espoir, c’est qu’avec l’arrivée au
pouvoir de Barack Obama, les Etats-Unis cesseront d’apporter un soutien
inconditionnel et dramatique à un Etat qui continue à violer les résolutions
internationales.

Mais le choix de la violence, provient du fait que la blessure de la seconde guerre
mondiale et de la Shoah n’est pas refermé...

Oui, c’est évidemment ce qui permet à un gouvernement qui lui n’a plus rien
à voir avec cette Shoah, et qui n’est plus composé de victimes potentielles de
cette Shoah... que ce gouvernement puisse s’appuyer sur ce souvenir dramatique,
auquel nous sommes tous extraordinairement sensibles, moi tout le premier.
C’est l’horreur, absolue commise par les nazis. Mas cela ne doit pas permettre
à un Etat d’Israël, actuellement le plus puissant de la région, de violer
impunément toutes les règles internationales.

Vous êtes très sévère avec l’Etat d’Israël, Stéphane Hessel... Jusqu’à
maintenant le chemin vers la paix c’était deux Etats côte à côte, un Etat
Palestinien et un Etat Israélien. Est-ce encore possible, ce partenariat avec
les Palestiniens ?

C’est la seule solution. Elle est rendue de plus en plus difficile, au fur
et à mesure que s’accumulent de part et d’autre, soit le mépris et
l’humiliation, soit la haine. Il faut que cette accumulation cesse le plus vite
possible, et alors, au nom de ce que l’histoire nous a appris sur la
possibilité du pardon - nous l’avons éprouvé, nous européens, et dans d’autres
pays, en Afrique du Sud aussi - il faut avoir hâte que cette possibilité de
pardon et de solidarité dans un Proche-Orient pacifique puisse être
rétablie.

Stéphane Hessel est un diplomate, ambassadeur, ancien résistant et déporté
français, qui a notamment participé à la rédaction de la Déclaration
universelle des Droits de l’Homme de 1948.

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