Lettre ouverte à l’attention de M. Idriss DEBY, Président de la République du Tchad

Monsieur le Président,

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale
contre la torture (OMCT) a été informé de l’arrestation, le 9 février 2004, de M. Tchanguiz Vathankha, directeur de la radio privée " Brakoss " à Moissala. M Tchanguiz Vathankha a été torturé lors de sa détention par la police locale. Selon le médecin de l’hôpital de Moissala qui l’a examiné, son état de santé est critique car les coups reçus à la tête, aux jambes et au thorax ont provoqué entre autres, une hémorragie à l’œil et plus particulièrement des dommages à la rétine.

M. Tchanguiz Vathanka, iranien d’origine installé au Tchad depuis de nombreuses années, diffuse des émissions relatives aux droits de l’Homme sur radio " Brakoss ". Selon les informations reçues, M.
Tchanguiz Vathankha a été arrêté suite à la diffusion sur les ondes de la radio de l’interview de M. Saleh Kebzabo, chef du parti de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UMDR), sur la situation socio-économique au Tchad. Plus généralement, la radio " Brakoss " diffuse régulièrement des émissions critiques, dénonçant notamment les atteintes au droits de l’Homme perpétrées par les
autorités tchadiennes.

Détenu à la prison de la préfecture de Moissala, où tout soin médical lui a été refusé, M. Tchanguiz Vathankha a été remis en liberté le 11 février 2004, 48 heures après sa détention. La radio a, quant à elle, été fermée sur ordre de M. Douba Dalissou, préfet du Bahr Sara puis réouverte le 16 février mais avec un programme limité.

L’Observatoire exprime sa plus vive inquiétude quant aux atteintes à l’intégrité physique et psychologique de M. Tchanguiz Vathankha. L’Observatoire note que les actes qu’il a subis ainsi que les
restrictions portées aux activités de la radio "Brakoss " participent d’une stratégie de musellement des médias indépendants par les autorités tchadiennes. L’Observatoire rappelle à cet égard la fermeture dont avait fait l’objet la radio FM Liberté du 21 octobre au 17 décembre 2003, à la suite d’un arrêté du ministère de la Sécurité publique et de l’Immigration. Ces faits portent atteinte à l’article 6 (b) de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, qui dispose que " Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres [...] conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ".

L’Observatoire prie les autorités tchadiennes de :

- veiller à ce qu’une enquête exhaustive, indépendante et impartiale concernant les allégations de tortures subies par M. Tchanguiz Vathankha, soit ordonnée, afin que leurs auteurs soient dûment sanctionnés ;
- mettre un terme à toute forme de harcèlement visant Monsieur Tchanguiz Vathankha en raison de son activité de défense des droits de l’Homme ;
- garantir, au plus vite, le rétablissement de l’intégralité des programmes de la radio " Bakross " ;
 se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme et plus particulièrement à son article 1, qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international" et son article 6(b) précité ;
 plus généralement, se conformer aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme liant le Tchad.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.

Sidiki KABA Président de la FIDH

Eric SOTTAS Directeur de l’OMCT

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