LETTRE OUVERTE A l’attention de M. Joseph Kabila, Président de la République Démocratique du Congo

16/06/2004
Communiqué
RDC

LETTRE OUVERTE
A l’attention de M. Joseph Kabila, Président de la République Démocratique du Congo

Paris, Genève, le 16 juin 2004

Monsieur le Président,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, ont été informées de l’arrestation le 7 juin 2004, de M. Robert Numbi Ilunga, Président de l’ONG Les Amis de Nelson Mandela pour la défense des droits de l’Homme (ANMDH), et de MM. Rodolphe Mafuta, Kally Kalala et Lems Kalema, respectivement président de l’ONG Bana Kalamu, président et membre de l’ONG Bana Matonge.

Les quatre responsables d’ONG ont été détenus quatre jours en garde à vue, alors que le délai légal est de 48 heures, dans la cave de l’immeuble de la Direction de la police judiciaire des parquets, dans des conditions particulièrement précaires : local exiguë, sans aération et surpeuplé (présence d ?hommes, de femmes et d ?enfants dans la même cellule).

Après avoir été entendus le 10 juin par le magistrat avocat général et après avoir été notifiés des charges « d’incitation à la révolte » et de « destruction méchante » (article 112 du code pénal), ils ont été transférés le 11 juin 2004 à la prison centrale de Kinshasa.

Ces personnes sont détenues sur la base d’une plainte déposée par M. Martin Matabia Hayala, qui les a accusées d’avoir commandité les destructions qui ont eu lieu sur un terrain dans le quartier de Matonge II, sur lequel ce dernier érige illégalement une construction privée.

L’ONG des Amis de Nelson Mandela pour la défense des droits de l’Homme, qui est connue pour son action en faveur de la défense des droits de l’Homme en RDC, est intervenue en tant que médiatrice auprès des autorités à la demande des ONG Bana Kalamu et Bana Matonge qui sont des associations de défense des droits des citoyens de la ville de Kinshasa. Les accusations portées contre ces responsables d’ONG paraissent d’autant plus infondées que le dossier évoluait favorablement auprès de différentes autorités telles que le Gouverneur de la ville de Kinshasa, le Bourgmestre de la Commune de Kalamu et surtout le Vice-Président de la République en charge de la commission économique et financière.

L’Observatoire est préoccupé par l’arrestation et les conditions de détention de MM. Robert Numbi Ilunga, Rodolphe Mafuta, Kally Kalala et Lems Kalema. Par ailleurs, selon les indications fournies par les personnes qui ont pu s’entretenir avec eux, les prévenus n’ont à aucun moment été informés de leurs droits et n’ont pas eu accès à leurs avocats, dans la mesure où ceux-ci ont refusé de payer la rançon qui leur était réclamée pour pouvoir rencontrer leurs clients.

Ces faits s’inscrivent en contradiction avec la Constitution de transition de la République démocratique du Congo (RDC) et avec les instruments régionaux et internationaux des droits de l’Homme, notamment les articles 20 alinéa 2 et 3 et 21 alinéa 4 de la Constitution selon lesquels les personnes doivent être immédiatement informés de leurs droits, dont celui d’être entendu en présence d’un avocat ou d’un défenseur judiciaire de son choix.

L’Observatoire exprime son inquiétude quant à cette violation du droit de la défense et demande aux autorités de la République Démocratique du Congo :

garantir l’intégrité physique et psychologique de MM. Robert Numbi Ilunga, Rodolphe Mafuta, Kally Kalala et Lems Kalema et garantir leur droit à un procès juste et équitable dans les plus brefs délais, afin que les charges pesant contre eux soient abandonnées et qu’ils soient libérés au plus vite ;
se conformer aux dispositions de la Constitution de transition de la République démocratique du Congo (RDC) et de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l ?Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1, qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international" et son article 9 qui dispose qu ? "[a]fin de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international (?) [d]e disposer d’un recours effectif et de bénéficier d’une protection en cas de violation de ces droits".
Plus généralement, l ?Observatoire demande aux autorités de la République Démocratique du Congo de se conformer instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme liant la République Démocratique du Congo.

Nous vous prions d ?agréer, Monsieur le Président de la République, l ?expression de notre plus haute considération.

Sidiki KABA Eric SOTTAS
Président de la FIDH Directeur de l ?OMCT

Copies à :
Mme Marie-Madeleine Kalala, Ministre des Droits Humains
M. Honorius Kisimba Ngoy, Ministre de la Justice
M. Vital Kamerhe, Ministre de la presse et information ?Porte parole du gouvernent

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