LA JUSTICE INTERNATIONALE AU CŒUR DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, vient de rendre officielle la requête du gouvernement de la RDC signée par le Président Joseph Kabila en date du 3 mars dernier le saisissant des crimes commis sur son territoire depuis le 1er juillet 2002, date de l’entrée en vigueur du statut de la CPI.

La FIDH et ses organisations membres en RDC, l’ASADHO, la Ligue des électeurs et le Groupe Lotus se félicitent de cette saisine en ce qu’elle marque l’engagement des autorités de la RDC en faveur de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves et démontre qu’il ne saurait y avoir de transition démocratique sans que soit garantie le droit fondamental des victimes à un recours effectif.

La FIDH, l’ASADHO, la Ligue des électeurs et le Groupe Lotus rappellent en ce sens que la CPI est la première juridiction pénale internationale à reconnaître et garantir le droit des victimes à participer, à être représentées et à recevoir réparation. Les organisations signataires soulignent qu’elles entendent user de ces prérogatives en accompagnant et soutenant les victimes congolaises devant les juridictions nationales compétentes et la CPI.

La FIDH, l’ASADHO, la Ligue des électeurs et le Groupe Lotus rappellent en effet que la CPI est complémentaire des juridictions nationales, les Etats gardant la responsabilité première dans les enquêtes et poursuites des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis sur leur territoire ou par leurs nationaux. Ainsi, la saisine par l’Etat congolais de la CPI est une avancée remarquable mais ne représente pas, loin s’en faut, la fin de l’impunité.

Le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, a rappelé dans sa Communication relative à certaines questions de politique générale concernant le Bureau du Procureur que la CPI ne poursuivra que "ceux qui ont la plus grande responsabilité dans les crimes en cause" ce qui pourrait "créer une sorte d’espace d’impunité à moins que les autorités nationales, la communauté internationale et la Cour n’allient leurs forces de travail pour garantir que tous les moyens nécessaires sont mis en oeuvre pour traduire en justice les autres auteurs de crimes."

La FIDH, l’ASADHO, la Ligue des électeurs et le Groupe Lotus rappellent que conformément à l’article 27 du Statut de la CPI aucune immunité ne peut faire obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité pénale individuelle pour les crimes les plus graves que sont ceux relevant de la compétence de la CPI.

La nouvelle de la saisine de la CPI par les autorités de transition de la RDC représente un espoir extraordinaire pour les victimes des crimes odieux, cet espoir ne doit pas être déçu.

La FIDH, l’ASADHO, la Ligue des électeurs et le Groupe Lotus recommandent par conséquent

I - Aux autorités congolaises de transition

 1. D’adopter de toute urgence le projet loi de mise en œuvre du Statut de la CPI - tel qu’élaboré en juillet 2003 par la Commission Permanente de Réforme du droit congolais - incluant la définition des crimes conformes au Statut de Rome, les principes généraux du droit pénal et les mesures de coopération entre l’Etat congolais et les organes de la CPI ;
 2. De consulter les associations congolaises oeuvrant dans la promotion et la défense des droits de l’Homme afin de leur permettre de faire des observations sur le projet de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI ;
 3. De ratifier l’Accord sur les privilèges et immunité de la CPI permettant de garantir aux officiels et au personnel de la Cour certains privilèges et immunités nécessaires au fonctionnement efficace de la CPI.

II - Aux organes de la CPI

Au Greffe
 4. D’informer - en temps utile - les victimes de leurs droits à être représentées, à être protégée, à participer à la procédure et à demander réparation devant la CPI ;
 5. D’élaborer, en temps utile et en amont de l’ouverture d’une enquête par le procureur, un programme spécifique de protection des victimes et des témoins, et de toute autre personne à laquelle la déposition des témoignages peut faire courir un risque.

Au Bureau du Procureur
 6. De mettre en œuvre une stratégie pénale régionale liant les responsabilités pénales individuelles des auteurs de crimes commis en RDC et dans certains pays limitrophes à cette dernière, et en particulier en République centrafricaine.

Aux Bureaux du Greffe et du Procureur
 7. D’assurer une coordination efficace de leurs activités et de leur communication publique sur la situation en RDC en prenant un soin particulier par rapport aux informations destinées aux victimes et aux témoins.

III - Aux experts de la mission d’audit opérationnel du système judiciaire de la RDC mise en place par la commission européenne

 8. D’analyser et faire des recommandations sur la capacité des autorités judiciaires nationales d’enquêter et poursuivre les auteurs présumés des crimes de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité à la lumière de l’article 17 du Statut de la CPI et du principe de complémentarité qui gouverne les relations entre la CPI et les juridictions nationales.

IV - A la communauté internationale

 9. De soutenir, conformément à la résolution 1468 du Conseil de sécurité du 20 mars 2003, la mise sur place par l’ONU d’un Groupe d’experts pour élaborer des "recommandations sur d’autres moyens d’aider le gouvernement de transition de la République démocratique du Congo à régler la question de l’impunité" pour les crimes commis avant le 1er juillet 2002 sur l’ensemble du territoire de la RDC.
 10. De privilégier en ce sens, la mise en place d’une juridiction pénale spéciale à caractère international garantissant les droits fondamentaux à un procès équitable et le droit des victimes à un recours effectif.

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