Une très courte fenêtre d’espoir pour la paix au Soudan

Jérôme Tubiana

Paris - Nairobi - Khartoum, 30 novembre 2021 : Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et son organisation membre soudanaise, l’African Centre for Justice and Peace Studies (ACJPS) analysent les enjeux en matière de justice et de lutte contre l’impunité dans le pays depuis le début de la transition en 2019, sur la base de nouveaux épisodes de violence documentés au Darfour.

Ce rapport, intitulé "Retards et dilemmes : De nouvelles violences au Darfour et des efforts de justice incertains dans le cadre de la transition fragile du Soudan", est issu d’une mission d’enquête menée en janvier et février 2021 par la FIDH et ses partenaires dans différents endroits du Soudan, notamment au Darfour et à Khartoum.

Le rapport souligne l’augmentation de la violence au Darfour depuis la transition de 2019, notamment dans le Darfour occidental, historiquement le plus pacifique des états du Darfour. Ces nouveaux épisodes violents se traduisent par des attaques des forces de sécurité contre des civils et des manifestants non armés, ainsi que des affrontements entre communautés et entre forces de sécurité rivales. Nombre de nos interlocuteurs darfouris ont décrit la violence continue au Darfour, illustrant que la chute de Bachir n’a pas entraîné de changement en dehors de Khartoum. De nouvelles violences ont rapidement échappé au contrôle du gouvernement, et le récent coup d’État du 25 octobre est susceptible d’alimenter davantage les tensions et violences au Darfour.

Depuis 2019, les efforts des autorités de transition en faveur de la justice et de la lutte contre l’impunité au Soudan, notamment la mise en œuvre de l’accord de paix de Juba, ont été lents, en raison des tensions et des divisions préexistantes entre les acteurs politiques et militaires. La multiplicité des dispositions relatives à la justice, tant dans le cadre de l’accord qu’en dehors de ce cadre, a donné lieu à des interprétations contradictoires, notamment sur la question cruciale de la coopération avec la Cour pénale internationale (CPI). Les progrès ont également été compromis par des divergences de positionnement entre les signataires de l’accord, et plus généralement entre les acteurs politiques des États centraux et ceux des périphéries. Ces divisions ont contribué au coup d’État militaire d’octobre 2021, qui risque de mettre un terme aux réformes de la justice.

En ce moment critique, alors que les forces de sécurité conjointes ne cessent de réprimer violemment les manifestations civiles pacifiques, et malgré le retour au pouvoir du Premier ministre Hamdok, après avoir été évincé par les militaires du pays, des mesures doivent être prises pour protéger les droits humains et réaliser une transition pacifique et juste au Soudan.

"Les aspirations du peuple soudanais à la paix et à la justice, notamment au Darfour, doivent enfin être prises en compte sans plus attendre. Les efforts déjà entrepris dans ce sens doivent être renforcés dans le cadre d’une transition pacifique menant à un retour à un régime civil avec la tenue d’élections"

Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

Le Soudan doit reprendre de toute urgence sa transition, en mettant fin aux actes de violence et de répression en cours, en libérant tous les prisonniers politiques du pays et en poursuivant les responsables des violations des droits humains. Nos organisations appellent à la mise en place rapide d’une enquête régionale ou internationale indépendante sur les violations des droits humains commises depuis le coup d’État militaire du 25 octobre 2021.

La communauté internationale doit apporter un soutien concret à une transition démocratique dirigée par des civils et exhorter les autorités de transition à donner la priorité à la paix et à la justice au Darfour et à la mise en œuvre de l’accord de paix de Juba. Sinon, le slogan de la révolution "liberté, paix et justice" restera une promesse non tenue.

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