« Délit de solidarité » Stigmatisation, répression et intimidation des défenseurs des droits des migrants

Publication du rapport de l’Observatoire pour la protection des défenseurs
des droits de l’Homme sur les aidants aux sans papiers : "Délit de
solidarité"

Souhayr Belhassen

par Souhayr Belhassen

Les citoyens qui viennent en assistance aux migrants ne peuvent en aucun cas
être considérés comme des délinquants. Les délinquants, ce sont les
trafiquants. Les citoyens - lorsqu’ils aident les étrangers en situation
irrégulière - défendent le droit à la dignité. Pour la FIDH, et conformément à
l’article 1 de la déclaration universelle des droits de l’Homme :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les
autres dans un esprit de fraternité. ». Mais nous avons en France
l’article L 622-4 § 3 du Code pénal qui, en l’état de sa formulation, fait que
lorsqu’on aide un étranger, on est un délinquant sauf dans un cas et sous
réserve d’une condition.

 Le cas vise les situations ou l’acte reproché répondait à un « danger
actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité
physique de l’étranger ».

 La condition est que les moyens employés soient proportionnés à la gravité
de la menace ! »

Pour nous, c’est ça, l’indignité ! Que veulent dire « des moyens
proportionnés à la gravité de la menace » ? Bien sur les passeurs, les
trafiquants d’être humains doivent être poursuivis. Cette infamie doit être
sévèrement combattue et réprimée !! Ce que la FIDH dénonce ici, c’est
l’existence d’un délit de solidarité. Contrairement à ce que dit le
Gouvernement, OUI il existe un délit de solidarité en droit francais dès lors
que ces conditions injustes et injustifiées ne sont pas remplies.

Cette disposition du Code pénal date de 1938 et a survécu à toutes les
étapes de l’histoire et à toute les formation politiques ! C’est une disposition
qui n’a rien à faire dans un pays comme la France. Comme l’a très justement dit
Thomas Hammarberg, le Haut Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de
l’Europe, « La France est un pays important en Europe. Les autres pays
suivent son exemple. Elle devrait montrer la voie. »

Ce que la FIDH veut dénoncer, c’est la profonde schizophrénie de la
politique française concernant les aidants, qui, en droit international, sont
des défenseurs des droits de l’Homme puisqu’ils se mobilisent pour le droit et
la dignité des autres individus.

En effet, la France, sur le plan international, se mobilise, à juste titre,
pour la protection des défenseurs - aux Nations unies, à Bruxelles. Ici et la.
Insuffisamment, peut-être, mais c’est tout de même la ligne officielle. Les
défenseurs sont protégés en droit international. La France se veut en première
ligne de ce combat. Mais, dès lors qu’il s’agit de garantir les droits humains
des étrangers en France, c’est l’article L 622-4 § 3 qui ressort... On peut dès
lors effectivement parler de schizophrénie, ou pour le moins de
double-langage.

Bien sûr, la France n’est pas la Birmanie, ni la Colombie, ni la Syrie, ni
l’Ouzbékistan ou la Russie... mais les mesures et pratiques en vigueur créent
en France un climat de stigmatisation et de dissuasion des citoyens qui
souhaitent défendre les droits des étrangers en situation irrégulière. C’est
d’autant moins compréhensible et acceptable que les étrangers se trouvent dans
des situations de plus grande vulnérabilité.

Notre préconisation est simple. Cette disposition est contraire aux
obligations internationales de la France en matière de protection des
défenseurs des droits de l’Homme. Nous considérons donc que cet article doit
être amendé et mis en conformité avec la Déclaration des Nations unies de 1998
sur les défenseurs des droits de l’Homme. Nous demandons par ailleurs l’arrêt
des poursuites pénales contre les personnes ayant fourni une assistance
humanitaire aux étrangers sans papiers, ainsi que la fin des garde-à-vues et
des poursuites contre les personnes ayant pris la défense d’étrangers
reconduits à la frontière dans des conditions indignes.

Nous lançons cet appel aux autorités françaises et nous saisissons de ce
rapport les instances et mécanismes de protection des droits de l’Homme aux
niveaux international et européen.
__ Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH__ (discours prononcé lors de la
conférence de presse du 11 juin 2009)

En vidéo :

Sihem Ben sédrine : Chargée de mission de la FIDH et
de l’OMCT, co-auteure du rapport : Délit de solidarité

Philippe Lioret : Réalisateur du film Welcome

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