Condamnation de l’ancien Président mauritanien et de 8 membres de son directoire

31/12/2003
Communiqué
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La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Association mauritanienne des droits de l’Homme sont extrêmement préoccupées par la condamnation à caractère clairement politique de Mohamed Khouna Ould Haïdalla, ancien chef de l’Etat de Mauritanie, et de 8 de ses proches et collaborateurs, le 28 décembre 2003.

Le 23 novembre 2003, deux semaines après la victoire vivement contestée de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, président sortant, aux élections présidentielles de Mauritanie, 15 opposants politiques ont été inculpés pour
« attentat ayant pour but de détruire ou de changer le régime constitutionnel, commission d’actes exposant la Mauritanie à une déclaration de guerre et à des représailles, intelligence avec une puissance étrangère ».

Leur procès, qui s’est ouvert le 1er décembre 2003, a été caractérisé par de nombreuses violations du droit à un procès équitable : refus des visites des familles avant et pendant le procès, rejet de la demande d’audition des 35 témoins à décharge, refus de soulever les exceptions, absence de parole aux prévenus après les plaidoiries, restriction du temps de parole des avocats de la défense ou encore expulsion des avocats de la défense pendant l’audience. Ainsi, les avocats de la défense ont quitté le tribunal lors de l’audience du 15 décembre, après que l’un d’entre eux ait été expulsé par la force. La FIDH et l’AMDH étaient présentes à l’audience par le biais du « Collectif des avocats étrangers pour la défense du Président Ould Haidallah et ses compagnons », constitué le 28 novembre par un collectif d’organisations de défense des droits de l’Homme, parmi lesquelles ces deux organisations, ainsi que l’ONDH et la RADDHO, membres de la FIDH au Sénégal, et le Collectif des familles des détenus.

Le Ministère Public avait requis des peines de 10 à 20 ans de travaux forcés à l’encontre des 15 détenus. Le 28 décembre 2003, la Cour criminelle de Nouakchott a condamné Mohamed Khouna Ould Haidalla, Ismail Ould Amar, Ely Ould Sneiba, Devaly Ould Cheine et Sidi Mohamed Ould Haidalla à 5 ans d’emprisonnement avec sursis, à une amende exécutoire de 400.000 UM et à la privation des droits civiques et politiques telle que définie par l’article 36 du code pénal pendant cinq ans. Elle a également condamné Mohamed Yehdhih Ould Breidileil, Haba Ould Mohamed Vall, Sidi El Moctar Ould Horam Ould Babana et Mohamed El Hacen Ould Lebate à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et 200.000 UM d’amende exécutoire. Les six autres détenus ont été acquittés. Le Parquet général a immédiatement formé un pourvoi en cassation, suivi, le 30 décembre, par le Collectif d’avocats qui a assuré la défense des accusés.

La FIDH et l’AMDH rappellent que les personnes condamnées au titre de l’article 36 du code pénal portant privation des droits civiques et politiques sont inéligibles et que la double peine est appliquée pour la première fois par la justice mauritanienne. Nos organisations estiment que ces condamnations, intervenues en flagrante contradiction avec les instruments internationaux relatif au droit à un procès équitable, visent uniquement à étouffer le droit de participer librement à la vie politique, garanti notamment par l’Article 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifié par la Mauritanie, et par l’Article 10 de la Constitution mauritanienne de 1991.

La FIDH et l’AMDH considèrent que ces condamnations témoignent d’une déficience de l’administration de la justice et particulièrement d’un défaut flagrant d’indépendance du pouvoir judiciaire, qui caractérise encore une fois l’éloignement de la Mauritanie d’un Etat de droit.

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