Pétition pour le jugement des responsables du génocide au Guatemala

13/02/2007
Communiqué
en es fr

Pétition à l’appel de :

 Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture et de la Peine de Mort (ACAT)
 Agronomes et Vétérinaires sans Frontière (AVSF)
 Amnesty International
 Collectif Guatemala
 Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD)
 Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH)
 Secours Catholique
 Caritas France

Le 29 décembre 1996 la signature des accords de paix, mettait fin, au Guatemala, à un conflit interne long de 36 ans. Ce conflit, d’une extrême violence, a conduit à l’assassinat de 200 000 personnes dont 45 000 sont toujours portées disparues [1]. 660 massacres ont été répertoriés, et 400 villages totalement anéantis [2]. Ces exactions massives ont été essentiellement perpétrées par les régimes militaires au pouvoir à l’encontre de la population indigène maya. La majorité des crimes ont été commis entre 1978 et 1985, période à laquelle se sont succédés les gouvernements de Roméo Lucas Garcia, Efraín Ríos Montt et Mejía Victores.

Depuis 1999, plusieurs plaintes ont été déposées par des associations de victimes, au Guatemala, en Espagne, et devant la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Après de longues années d’impunité pour les bourreaux, d’attaques et de harcèlement des plaignants au Guatemala, les autorités judiciaires espagnoles, face à l’inaction du système judiciaire guatémaltèque, ont lancé en juillet dernier plusieurs mandats d’arrêt internationaux, et transmis aux autorités guatémaltèques des demandes d’extradition à l’encontre de sept personnes exerçant les plus hautes responsabilités dans la chaîne de commandement afin qu’elles soit jugées en Espagne pour génocide, torture, disparition forcée et exécutions extra-judiciaires.

Or, le Général Ríos Montt, l’un des principaux accusés, bénéficie jusqu’à aujourd’hui de puissants appuis politiques et militaires au Guatemala, raison pour laquelle il n’a jamais été inquiété : il s’est officiellement porté candidat à la députation lors des prochaines élections générales. Les dépôts de candidature seront ouverts le 2 mai prochain, et le Tribunal Suprême Electoral les validera dans le courant de l’été. A cette date, il bénéficiera de 4 ans d’immunité parlementaire : si les plaintes, au Guatemala et en Espagne, ne connaissent pas d’avancées majeures, il risque ainsi de n’être jamais inquiété, ni au Guatemala, ni en Espagne, et les millions de victimes du conflit, de ne jamais recevoir la réparation morale qu’ils réclament depuis tant d’années.

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M. le Président,

Conformément aux conclusions et recommandations de la Commission d’Eclaircissement Historique (CEH), aux Accords de paix, et aux traités internationaux ratifiés par le Guatemala sur l’imprescriptibilité du crime de génocide, l’Etat guatémaltèque est dans l’obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour juger, sur son territoire ou à l’étranger, les responsables intellectuels présumés des crimes contre l’Humanité, et actes de génocide commis dans le pays entre 1978 et 1985. La réalité de ces crimes a été confirmée par la CEH, le REMHI, et la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, dans son verdict prononcé sur le cas massacre de Plan de Sanchez, verdict accepté publiquement, pour la première fois, sous votre gouvernement.
En juin 2001, conformément aux recommandations de la CEH, l’Association Justice et Réconciliation (AJR), qui regroupe les témoins de 23 massacres commis entre 1978 et 1983, a porté plainte contre les hauts responsables des gouvernements militaires du général Romeo Lucas García (1978-1982) et du général Efraín Ríos Montt (1982-1983). Depuis cette date, ces plaintes, pourtant dûment alimentées, n’ont jamais abouti, l’institution judiciaire bénéficiant de faibles moyens et étant soumise aux pressions politiques du gouvernement précédent.
Sous votre gouvernement, et malgré la présence en son sein de Franck La Rue, ancien président de CALDH, assesseur juridique des parties civiles, et de Rigoberta Menchù, partie civile dans la plainte similaire déposée en Espagne, force est de constater que les plaintes n’ont jamais connu de procédure d’instruction efficace. En lieu et place de la justice, les victimes se sont heurtées à un mur d’impunité, quand elles n’ont pas été l’objet de multiples menaces et violations des droits de l’Homme.
Le 6 octobre 2005, la justice espagnole s’est déclarée compétente pour instruire les crimes universels commis par les hauts responsables des gouvernements de Roméo Lucas Garcia, Efraín Ríos Montt, et Humberto Mejía Victores. Le 19 juin 2006, une commission rogatoire dirigée par le juge Pedraz a été reçue au Guatemala. Des mandats d’arrêt internationaux ont été émis à l’encontre de Angel Anibal Guevara, Germán Chupina, Humberto Mejía Victores, Pedro García Arredondo, Donaldo Alvarez, Benedicto Lucas García et Efraín Ríos Montt. La justice espagnole a aussi transmis aux autorités compétentes guatémaltèques des demandes d’extradition concernant les mêmes personnes.
Depuis, l’instruction de ces dossiers est bloquée par les recours abusifs formulés par la défense des accusés. Ceux-ci avaient déjà empêché la commission rogatoire espagnole de rencontrer les accusés et les parties civiles en juin dernier. Aujourd’hui, les différents recours entravent le processus judiciaire La stratégie semble consister à gagner du temps jusqu’à la validation des candidatures aux prochaines élections générales, qui garantirait l’immunité à certains candidats mis en cause.
Ainsi, la très probable candidature d’Efraín Ríos Montt à la députation, le principal inculpé, laisse craindre à l’ensemble des victimes guatémaltèque du conflit interne et des citoyens soucieux des droits humains dans le monde, une immunité de plusieurs mois, voire de plusieurs années en cas d’élection. Cela rendrait extrêmement difficile toute réparation morale pour les millions de Guatémaltèques victimes de la politique de terre brûlée, laisserait béants les stigmates du conflit dans la société guatémaltèque, et condamnerait le Guatemala à la perpétuation de l’impunité.
Pour toutes ces raisons, nous, citoyens et organisations solidaires du peuple guatémaltèque, vous demandons instamment de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour qu’Efraín Ríos Montt et les autres personnes accusées soient arrêtées et jugées au Guatemala ou extradées en Espagne dans les meilleurs délais, c’est-à-dire avant le dépôt des candidatures aux prochaines élections générales au Guatemala, qui garantirait l’immunité aux inculpés se portant candidats.
Par ces actes, le Guatemala entrerait dans une nouvelle ère historique, celui du chemin vers la justice et la réconciliation d’un peuple avec son histoire.

Veuillez agréer, M. le Président, l’expression de notre plus haute considération,

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