Info Birmanie, la Ligue des droits de l’Homme et la FIDH dénoncent l’accord intervenu entre Total et Sherpa

30/11/2005
Communiqué

Info Birmanie, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) prennent note qu’un accord est intervenu entre l’entreprise Total, l’association française Sherpa et huit citoyens birmans qui avaient porté plainte contre Total devant les juridictions françaises pour « séquestration ». Ces personnes affirment avoir été victimes de travail forcé à l’occasion de la construction du chantier gazier de Yadana, en Birmanie.

Cet accord, dont les termes exacts n’ont pas été rendus publics, vise à mettre un terme définitif à la procédure judiciaire engagée en 2002 par les huit plaignants, avec le soutien de l’association Sherpa. Il prévoit l’indemnisation des plaignants et le financement de projets humanitaires en faveur des réfugiés birmans vivant sur la frontière birmano-thai, en échange du retrait des plaintes.

Info Birmanie, la LDH et la FIDH considèrent qu’il relève du choix exclusif des victimes de décider si elles souhaitent poursuivre l’action judiciaire engagée ou négocier un accord avec l’entreprise poursuivie. Toutefois, Info Birmanie, la LDH et la FIDH regrettent vivement que le communiqué de presse rendu public conjointement ce jour par Total et l’association Sherpa, entérine en réalité la version de Total sur son absence de responsabilité pour les faits qui lui sont reprochés. Malheureusement, à travers ce communiqué de presse, Sherpa apparaît cautionner cette version des faits.

Plus grave encore, le Président de l’association Sherpa précise qu’il s’agit d’un « accord exemplaire (qui) préfigure, pour l’avenir, ce que pourrait être la résolution de ce type de situation ». Quel type de situation ? Il se réfère par là aux « difficultés liées aux conditions auxquelles un groupe industriel se trouve parfois confronté lorsqu’il opère dans certains pays en voie de développement ».

Cette formulation est trompeuse car elle assimile la situation birmane à celle de tout autre pays en développement. L’investissement en Birmane est critiquable non pas parce que la Birmanie est un pays en voie de développement, mais parce que les violations des droits de l’Homme y sont massives et systématiques - y compris un recours généralisé au travail forcé. L’investissement de Total en Birmanie est d’ailleurs remis en cause par l’ensemble des démocrates birmans, y compris leur chef de file, Aung San Suu Kyi, dont l’assignation à résidence a été prolongée d’un an avant hier par les généraux birmans.

En juin dernier, l’Organisation internationale du travail (OIT) a relevé que le travail forcé dans ce pays « persistait dans ses pires formes » et s’est dite « particulièrement alarmée par l’intention prêtée au gouvernement de poursuivre ceux qu’il accuse de présenter de fausses plaintes sur le travail forcé et les mesures d’intimidation apparente prises envers les plaignants (...) La Commission d’application des normes de l’OIT a estimé que les membres tripartites [travailleurs, employeurs et gouvernements] doivent maintenant revoir dans l’urgence leurs relations avec le Myanmar - y compris en matière d’investissements directs ou par le canal des entreprises de l’Etat et de l’armée » [1].

Info Birmanie, la LDH et la FIDH rappellent qu’elles demandent le retrait pur et simple de Total de Birmanie parce que cet investissement représente un soutien politique et financier à la junte : les investissements dans des secteurs comme le gaz sont sous le contrôle des militaires, les revenus qu’ils génèrent passent nécessairement pas leurs mains, et ces revenus ne contribuent pas au développement du pays au bénéfice de la population birmane [2]
. A cet égard, plusieurs entreprises multinationales se sont récemment retirées de Birmanie afin de ne pas se rendre complices de violations des droits de l’Homme.

Info Birmanie, la LDH et la FIDH sont indignées par cet accord qui fait abstraction des responsabilités dans la perpétration de graves violations des droits de l’Homme au profit d’une transaction financière permettant ainsi au groupe Total de s’acheter une bonne conduite.

Contact presse : Karine Appy - 01 43 55 12 14 / 01 43 55 25 18

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