Le 19 octobre 2005 débutera le procès de l’ancien président irakien et de sept autres anciens membres du régime devant le Tribunal pénal irakien. Le tribunal, compétent pour juger les auteurs des crimes commis entre 1968 et 2003, sera chargé d’examiner plus de douze situations impliquant l’ancien règime irakien. Le procès s’ouvrira sur l’analyse de la responsabilité de Saddam Hussein et des services de sécurité de l’Etat dans le meurtre de plus de 140 chiites à Dujail et la destruction massive de propriétés suite à la tentative d’assassinat à son encontre en 1982.
La FIDH et la HRDOI ont inlassablement appelé au jugement de Saddam Hussein et des principaux membres de son gouvernement. A cet égard, le fait qu’ils comparaissent aujourd’hui devant la justice en Irak pour des crimes internationaux est, outre le symbole, un premier pas positif. Le Statut du Tribunal pénal irakien s’inspire en partie du Statut de la Cour pénale internationale en ce qui concerne notamment la définition des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Il reprend également en substance les principes généraux du droit pénal tels qu’adoptés par 120 Etats à Rome le 17 juillet 1998. Il en va ainsi de l’absence d’immunité quelle que soit la fonction occupée par la personne poursuivie, le principe de la responsabilité du supérieur et l’imprescriptibilité des crimes.
Cependant, la FIDH et la HRDOI réitèrent leurs inquiétudes quant à la capacité du Tribunal pénal irakien de garantir l’application des normes internationales en matière du droit à un procès équitable, indépendant et impartial et à garantir les droits des victimes à la justice et à la réparation.
La FIDH et la HRDOI sont, en effet, préoccupées qu’aucune des recommandations formulées par les organisations non gouvernementales [1] quant à l’Autorité provisoire de la Coalition du 10 décembre 2003, établissant le Statut du Tribunal spécial irakien, n’ait été prise en compte dans la Loi 10 de 2005 ratifiée par le Conseil de la présidence en septembre 2005 afin d’apporter des améliorations au Tribunal pénal irakien. Le Statut du Tribunal pénal irakien maintient la plupart des dispositions du Statut du Tribunal spécial irakien, bien qu’insistant sur une plus large utilisation du droit pénal procédural irakien.
La FIDH et la HRDOI sont tout particulièrement préoccupées par les point suivants :
1. Le Tribunal pénal irakien doit garantir le droit à un procès équitable
La FIDH et la HRDOI sont très préoccupées par le fait que le Tribunal pénal irakien puisse être dans l’incapacité de respecter les normes internationales des droits de l’Homme quant à l’équité. Étant donné le contexte sensible dans lequel le Tribunal pénal irakien essayera d’atteindre son mandat, la FIDH et la HRDOI considèrent comme essentiel que les normes internationales telles que définies à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques soient respectées.
Celles-ci incluent que l’accusé :
1.Soit informé rapidement et en détails dans une langue qu’il comprend de la nature et de la cause des accusations retenues contre lui ;
2.Ait le temps et les ressources nécessaires à la préparation de sa défense et ait accès à un avocat de son choix ;
3.Soit jugé dans les meilleurs délais ;
4.Soit jugé en sa présence et qu’il ait le choix de se défendre seul ou par le biais d’un avocat de son choix ; soit informé, si il n’a pas recours à une assistance juridique, de ce droit ; et ait une assistance juridique assignée, dans le cas où les intérêts de la justice le requierent, et sans qu’il ait à payer s’il n’a pas les ressources suffisantes ;
5.Les personnes témoignant contre lui ou en sa faveur soient examinées dans les mêmes conditions ;
6.Ait droit à l’assistance gratuite d’un interprète s’il est dans l’incapacité de comprendre ou de parler la langue utilisée au tribunal ;
7.Ne soit pas contraint à témoigner contre lui ou à se déclarer coupable.
2. Le Statut du Tribunal pénal irakien ne fait aucune référence aux droits des victimes
La procédure énoncée dans le Statut ne garantit pas les droits des victimes quant à la participation, la protection et la réparation. Dans ce contexte, la FIDH rappelle que 19 avocats et experts irakiens représentant 11 organisations irakiennes de défense des droits de l’Homme se sont réunis les 27 et 28 mai 2005 pour une table ronde [2] sur la Cour pénale internationale et ont confirmé « la nécessité pour l’Irak de rejoindre le consensus international en soutenant la Cour pénale internationale dans sa campagne pour l’avènement d’une justice internationale afin de mettre un terme à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, et pour permettre aux victimes d’obtenir réparation pour les graves violations des droits de l’Homme ».
3. L’application du droit pénal irakien par le Tribunal pénal irakien risque de systématiser le recours à la peine de mort [3]
La FIDH et la HRDOI sont extrêmement préoccupées par le nombre croissant de condamnations à mort prononcées par les tribunaux irakiens ces derniers mois et la récente exécution de 3 personnes en septembre 2005. La FIDH exprime une fois de plus son opposition à la peine de mort, en toute circonstance et en tout lieu. La FIDH et la HRDOI considèrent que l’article 30 (a) et (b) du Statut du Tribunal pénal irakien concernant la peine de mort est en totale contradiction avec la notion de dignité et de liberté de la personne. La FIDH et la HRDOI rappellent qu’aucune juridiction pénale internationale contemporaine, y compris la Cour pénale internationale, n’autorise la peine capitale. La FIDH demande au Tribunal pénal irakien de respecter ses obligations internationales notamment au titre de l’article 6(4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié en 1971 et de s’abstenir d’appliquer la peine capitale.
Alors que le Tribunal pénal irakien est partiellement fondé sur la procédure pénale interne irakienne et que le code irakien prévoit une participation directe des victimes en tant que « parties civiles » dans les procédures pénales, la FIDH et la HRDOI demandent au Tribunal pénal irakien d’accepter la participation des victimes et leurs représentants dans les procédures actuelles.