Toutes les victimes des violences en Côte d’ivoire ont droit à la justice

30/11/2004
Communiqué

La FIDH exprime à nouveau sa plus vive préoccupation devant l’aggravation des événements qui ont secoué la Côte d’Ivoire depuis la reprise des combats entre l’armée ivoirienne et les Forces nouvelles le 4 novembre dernier, suite à l’attaque aérienne commise par les forces gouvernementales.

Depuis cette date, les bombardements et les combats au sol qui ont fait rage dans les territoires contrôlés par les forces nouvelles, les émeutes anti-françaises conduites à Abidjan par les « jeunes patriotes » et la réaction démesurée de l’armée française qui s’est déployée dans la capitale économique, ont multiplié le nombre des victimes civiles, sans qu’aucune des parties n’ait jugé nécessaire de condamner réellement toutes les violations des droits élémentaires des populations.
Lors de la répression des manifestations d’Abidjan le 9 novembre, les forces françaises ont en effet tiré à balles réelles par hélicoptère et au sol sur les manifestants installés sur les deux ponts de la lagune Ebrié et aux abords de l’hôtel Ivoire, dans le quartier résidentiel de Cocody. Ces tirs auraient fait, selon une série de sources concordantes, une soixantaine de morts et plus d’un millier de blessés. Pour l’instant, la France n’a cessé de minimiser l’ampleur de la tragédie provoquée par la brutale intervention de ses forces armées. Ces actions militaires ont outrepassé largement le mandat confié à ces dernières par les Nations unies.
La FIDH condamne fermement l’ensemble des actions contraires au rétablissement de la paix dans le pays commises par les protagonistes du conflit ivoirien, dont les unes ont violé les accords de Marcoussis et d’Accra III et les autres la mission confiée aux forces d’interposition étrangères par les Nations unies :
 Le refus des Forces Nouvelles de désarmer, en contravention avec les accords signés par leurs dirigeants.
 Les attaques de l’armée ivoirienne contre les principales agglomérations du Nord de la Côte d’Ivoire.
 L’attaque de l’armée ivoirienne sur la position militaire française de Bouaké, provoquant la mort de 9 soldats français
 L’attaque à l’arme lourde du palais présidentiel par l’armée française le 8 novembre.
 La violence des manifestations xénophobes des « jeunes patriotes » et les exactions commises contre les communautés étrangères installées à Abidjan.
 L’intervention des forces françaises à Abidjan, en violation de leur mandat, et le caractère tragiquement sanglant de cette intervention.

La FIDH souligne à nouveau que la répétition des attaques menées contre les populations civiles résulte de l’impunité quasi absolue dont ont bénéficié ces dernières années et bénéficient encore tous les auteurs de crimes internationaux et violations graves des droits de l’Homme perpétrés en Côte d’Ivoire. La FIDH rappelle que pourtant l’impératif de justice pour les victimes de tels crimes avait été identifié par trois commissions internationales onusiennes, dans les accords de Marcoussis, et par le Conseil de sécurité lui-même, comme une condition indispensable à la réussite de la transition et à la prévention de tels crimes. La FIDH rappelle aux autorités ivoiriennes, qui n’ont pas condamné les exactions commises par les « jeunes patriotes », comme aux forces rebelles dont la responsabilité est engagée, ainsi qu’à toutes autres parties intervenantes, notamment à l’armée française, que leur comportement actuel engage leur responsabilité pénale et qu’elles auront à rendre compte de leurs actes devant la justice.

La FIDH, qui s’est alarmée de la course aux armements que se sont livrées les parties en conflit, se félicite de l’embargo sur les ventes d’armes à toutes les parties, décidé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1572 du 15 novembre 2004.
La FIDH demande à toutes les parties ivoiriennes de respecter strictement cet embargo et de cesser de se réarmer. Elle demande à toutes les parties au conflit, ivoiriennes comme étrangères, de protéger les populations civiles et de condamner les exactions commises par leurs forces.

La FIDH demande également :

· Au gouvernement ivoirien
  D’œuvrer à ce que toute la lumière soit faite sur les circonstances de l’attaque contre la position française de Bouaké
  De respecter les engagements pris au titre des Accords de paix de Marcoussis et d’Accra III
  De condamner publiquement les exactions commises par les « jeunes patriotes », de poursuivre les auteurs de telles violations, et d’assurer la protection des communautés étrangères installées dans les zones qu’il contrôle.

· Aux forces rebelles
  De se conformer strictement et sans délais aux accords de paix, notamment en s’engageant dans le processus de désarmement et de démobilisation de ses combattants
  De sanctionner les auteurs de violations des droits de l’Homme faisant parties de leur rang commises contre la population civile

· A l’Onuci
  De s’acquitter pleinement du mandat qui lui a été confié en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies par la résolution 1528 (2004) du Conseil de sécurité, notamment en accélérant la mise sur pied d’une commission d’enquête sur la violation du cessez-le-feu et en assurant la protection des civils

· A la France
  De faire toute la lumière sur les raisons pour lesquelles ses forces d’intervention ont détruit l’ensemble des moyens militaires d’un pays souverain avec lequel elle n’est pas en guerre
  D’ouvrir dans les plus brefs délais une enquête sur le comportement inadmissible de ses forces armées et de poursuivre les coupables de la sanglante répression menée à Abidjan.

· Au Conseil de sécurité
  De saisir la Cour pénale internationale (CPI) sur l’ensemble des crimes perpétrés en Côte d’ivoire depuis la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002, la nécessité de cette saisie devenant plus urgente que jamais depuis la dernière accélération de la crise ivoirienne. En outre, la FIDH demande au Procureur de la CPI de s’exprimer publiquement sur son éventuelle saisine par le gouvernement de la Côte d’Ivoire.
  De mettre immédiatement en place une Commission internationale d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur l’ensemble des violences commises en Côte d’Ivoire depuis le 4 novembre dernier

La FIDH demande enfin à l’Union africaine et aux Nations unies de déployer toute l’énergie nécessaire pour parvenir à un règlement négocié du conflit ivoirien, responsable de souffrances de plus en plus grandes pour les populations civiles, en particulier pour les dizaines de milliers de réfugiés dans les pays limitrophes, et de plus en plus menaçant pour la sécurité de la sous-région. La FIDH leur demande également d’appeler tous les Etats voisins de la Côte d’Ivoire à la plus stricte neutralité dans ce conflit.

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