L’arbitraire comme norme et 37 ans de dictature

08/06/2004
Rapport

Un ancien Premier Ministre togolais, rencontré par les
chargés de mission de la FIDH a aujourd’hui un regard
pessimiste sur l’évolution politique de son pays.

Pour lui, "les
choses piétinent depuis 1990. Des reculs ont succédé aux
avancées et vice-versa mais, aujourd’hui, le recul est plus
prononcé que les avancées... Nous sommes dans une
période de récession démocratique" conclut-il. Certes
précise-t-il, "ceux qui gouvernent passeront mais, avant de
passer, ils vont veiller encore à mettre en place les
dauphins... Avant de partir, il mettra ses fils."

A la suite d’une mission internationale d’enquête effectuée à Lomé du 7 au 14 février 2004, la FIDH publie un rapport « Togo : l’arbitraire comme norme et 37 ans de dictature ».

Ce rapport présente un bilan alarmant de la situation des droits de l’Homme au Togo : torture systématique dans les commissariats en toute impunité, justice aux ordres du pouvoir, prisons surpeuplées, opposants et presse sous étroite surveillance, élections tronquées ... La violence est omniprésente au Togo, érigée en véritable système de gouvernement.

La dictature en place depuis 37 ans ne supporte pas la moindre contestation, que cette dernière soit le fait de défenseurs des droits de l’Homme, de la presse ou d’opposants politiques. Pour ce faire, la justice devient son bras zélé, le code de la presse est modifié dans un sens plus répressif et la société civile est inlassablement contrôlée.

Aujourd’hui, plus de dix ans après l’arrêt de toute coopération avec le régime du Président Eyadéma, l’Union européenne a décidé d’ouvrir des consultations avec les autorités togolaises en application de l’article 96 de l’Accord ACP-CE de Cotonou. Pour l’Union européenne, conformément à l’article 9 de cet Accord, le respect des institutions démocratiques, des droits de l’Homme et de l’État de droit doivent constituer des éléments essentiels de l’Accord de partenariat.

Aussi, le 14 avril 2004, le Togo a pris 22 engagements, à satisfaire dans un délai de six semaines à douze mois, visant à promouvoir un climat démocratique et l’Etat de droit dans le pays. La mission de l’union européenne présente du 3 au 5 juin au Togo pour faire le suivi de ces engagements a déclaré que c’était « beaucoup trop tôt pour faire un bilan ».

La FIDH confirme que si les délais octroyés par l’Union européenne peuvent permettre au Togo de remplir certains de ses engagements, il faudra évaluer sur une période plus longue la réelle volonté des autorités nationales à réformer le pays vers un respect inconditionnel des droits de l’Homme et être particulièrement vigilent quant aux éventuelles déclarations d’intention.

Et à cet égard, depuis le 14 avril, force est de constater que les informations en provenance du Togo ne sont guère encourageantes :

 des heurts violents ont opposé étudiants et forces de l’ordre sur le campus de l’université de Lomé le 30 avril dernier. Ce même campus a été fermé le 2 mai. Six étudiants ont été condamnés à 18 mois de prisons ferme. Ils réclamaient l’allocation de l’aide de l’Etat pour le financement de leurs études.

 des condamnations allant de 1 à 7 ans de prisons contre dix militants de l’Union des Forces du Changement (UFC) qui avaient contesté les résultats des élections présidentielles de 2003 ;

 le refus des trois principaux partis d’opposition, y compris celui de Gilchrist Olympio le leader de l’opposition, de participer au dialogue national auquel le Gouvernement togolais s’était engagé estimant que le cadre de ce dialogue n’était ni structuré ni transparent.

En ce début de mois de juin, une première mission de l’Union européenne se rend au Togo pour observer la façon dont le Gouvernement de ce pays œuvre pour respecter ses engagements. Pour la FIDH, l’Union européenne ne peut se contenter de déclarations d’intention ou de réformes de façade. Elle se doit d’obtenir des autorités togolaises le respect de ses engagements quant à l’amélioration de la situation des droits de l’homme et du respect des principes démocratiques et notamment :

 l’ouverture d’enquêtes systématiques et indépendantes sur toutes les allégations de torture l’incorporation de l’incrimination de la torture dans le code pénal togolais conformément aux normes internationales ;

 la libération des prisonniers d’opinion et la fin des détentions prolongées sans jugement ;

 l’application de la Déclaration des Nations unies de 1998 sur les défenseurs des droits de l’Homme ;

 l’abolition de la peine de mort ;

 la révision du code de la presse ;

 la transmission de rapports périodiques aux organes régionaux et internationaux de protection des droits de l’Homme.

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