CHRONIQUE D’UNE ELECTION TRUQUEE

10/10/2000
Rapport

Publication, le 13 octobre 2000, d’un rapport de mission internationale d’enquête, sur l’exercice des libertés fondamentales au Kirghizistan, dans le contexte de la préparation des élections présidentielles du 29 octobre 2000

La mission, qui s’est rendue au Kirghizistan du 2 au 14 septembre 2000, a pu rencontrer des représentants des autorités kirghizes, des candidats d’opposition aux élections et de nombreux représentants de la société civile (médias et ONG). Elle s’est rendue à Bichkek, la capitale, et dans la région de Talas, fief du plus important parti d’opposition (Ar-Narmy), où des fraudes massives ont été observées lors des dernières élections parlementaires.

La mission " a mis en évidence un processus de contrôle des élections présidentielles visant à la réélection du président sortant. Ce verrouillage du processus électoral se traduit par la neutralisation des principaux candidats au moyen de diverses mesures juridiques ou judiciaires, à l’encontre des candidats eux-mêmes et des organisations et médias soutenant une société civile alternative ".

Les candidats d’opposition, lorsqu’ils ne font pas l’objet de poursuites judiciaires " pré-fabriquées ", dont le but est de les rendre inéligibles, sont soumis à des tests arbitraires de connaissance du kirghize par une Commission linguistique ad hoc, visant clairement à éliminer les candidats les plus gênants, dans un pays où le russe prévalait il y a encore peu de temps.

L’accès des candidats aux médias est d’autre part des plus inéquitable : les chaînes de télévision et les journaux indépendants subissent censures, pressions fiscales et condamnations judiciaires, afin de les empêcher de couvrir les campagnes des candidats d’opposition. Certains d’entre eux sont rachetés par des proches du pouvoir ou encore voient arriver parmi eux de nouveaux cadres dirigeants jugés plus " conformistes ".

Par ailleurs, tout laisse craindre que les ONG indépendantes ne seront pas autorisées à observer le déroulement du scrutin. Aussi, de nombreuses fraudes ont d’ores et déjà été décelées lors du recueil de signatures en faveur des candidats et certains citoyens, connus pour être partisans de l’opposition se sont vus confisquer leurs passeport, ce qui les prive de leur possibilité de voter.

Enfin, de façon plus générale, les ONG de défense des droits de l’Homme font l’objet d’actes de harcèlement constants ; c’est le cas du Comité kirghize des droits de l’Homme (KCHR) dont le président, Ramazan Dyryldaev, a du fuir son pays, étant poursuivi pour non exécution d’une décision de justice, en représailles à ses activités de défense des droits de l’Homme.

Tout semble ainsi concourir à la réélection du Président actuel, Askar Akaev. Il est à souligner, et c’est là un élément majeur, que cette partie qui semble jouée d’avance profite du concours sans failles d’un système judiciaire largement inféodé au pouvoir et soumis aux exigences présidentielles.

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