Deuxième visite du Procureur de la Cour pénale internationale en Colombie : L’administration de la justice colombienne sous surveillance

A l’occasion de la visite cette semaine du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, en Colombie, la FIDH et ses organisations membres en Colombie réitèrent leur appel pour que les victimes des crimes graves de la compétence de la CPI obtiennent justice.

La visite du Procureur de la CPI en Colombie a pour objectif de recueillir des informations sur les « enquêtes et procédures visant des militaires et des politiciens en Colombie, y compris des membres du Congrès qui auraient joué un rôle dans les crimes commis par les paramilitaires et les milices ». [1] Le Procureur essayera, en particulier, d’obtenir des renseignements sur le sort des 15 paramilitaires démobilisés dans le cadre de la loi « justice et paix » et extradés vers les Etats-Unis en mai 2008. En outre, l’équipe du Procureur de la CPI tentera de vérifier les allégations selon lesquelles les groupes armés colombiens, coupables de crimes graves, bénéficieraient de l’appui de réseaux internationaux.

La FIDH a dénoncé l’extradition aux Etats-Unis des 15 paramilitaires colombiens, parmi lesquels les principaux chefs, dont les commandants bien connus Carlos Mario Jiménez alias « Macaco », Salvatore Mancuso, Diego Fernando Murillo alias « Don Berna » et Rogrido Tovar alias « Jorge 40 ». Le gouvernement colombien, en les extradant pour qu’ils soient jugés pour trafic de stupéfiants aux Etats-Unis, s’assure ainsi de leur impunité en Colombie, où ils risquent de ne jamais être jugés pour les crimes contre l’humanité qui leur sont imputés. [2] C’est sur ce sujet que porte la communication transmise hier par la société civile colombienne, avec le soutien de la FIDH, au Procureur de la CPI.

La FIDH et ses organisations membres soulignent que ces extraditions entravent les enquêtes en cours contre près de 100 parlementaires ou ex parlementaires pour leurs relations avec les paramilitaires et l’implication de militaires dans des massacres. Elles ont d’ailleurs dénoncé les diverses tentatives du Président Uribe de porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire en dénigrant le travail de la Cour Suprême de Justice, qui a été à l’initiative de la mise en examen de ces parlementaires. [3] Nos organisations expriment, en outre, leur préoccupation face aux récentes décisions de non lieu prises par le Procureur général de la Nation concernant certains parlementaires ayant renoncé à leur mandat et ainsi à la compétence de la Cour suprême.

La FIDH et ses ligues membres en Colombie ont également, à de nombreuses reprises, mis en lumière les insuffisances de la loi « justice et paix », censée garantir le jugement des chefs paramilitaires, mais qui fait fi des obligations internationales de la Colombie en matière de droits des victimes à un recours effectif et à la justice, et de répression des crimes contre l’humanité. [4]

Les organisations soulignent, comme elles l’ont fait encore hier lors de la réunion de la société civile colombienne avec le Procureur de la CPI, qu’en se soustrayant ainsi à ses responsabilités pénales, le gouvernement colombien démontre son manque de volonté de poursuivre les plus hauts responsables des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis en Colombie. Face à cette situation, la FIDH et ses ligues membres en Colombie insistent sur la pertinence, la nécessité et l’urgence pour le Procureur de la CPI d’ouvrir une enquête sur les crimes relevant de la compétence de la CPI commis en Colombie depuis le 1er novembre 2002.

La FIDH et ses organisations membres en Colombie continueront, comme elles le font depuis 2005, d’alimenter régulièrement l’analyse approfondie effectuée par le Bureau du Procureur de la CPI de la situation en Colombie avec des informations sur la justice colombienne, dans le cadre du principe de complémentarité entre la CPI et les juridictions nationales.

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