OTAN... EN EMPORTE LE SECURITAIRE !

Par Christophe Gardais

Le prochain sommet de l’OTAN à Strasbourg de début avril
génère comme c’est maintenant la tradition son contre-sommet : nous allons
assister à une véritable surenchère de la bêtise obsessionnelle du contrôle de
tout sur chacun : à l’escalade de l’armement répondant celles des
précautions limitant provisoirement les libertés. Dans sa diéologie, ce sommet
ne fait que renforcer la thèse de civilisations en guerre les unes contre les
autres et inconciliables : vieux schéma miteux de la lutte perpétuelle
issu de Hegel.

Sur le terrain à Strasbourg, on assiste à un quadrillage militaire qui voit
le rétablissement provisoire du contrôle intérieur aux frontières françaises
depuis le 20 mars et jusqu’au 5 avril : rappelons juste que les accords de
Schengen les proscrivaient depuis 1985.

On va assister à un quasi-bouclage du centre-ville et de la zone du Palais
des Congrès où sont prévus quelques 50000 barrières équivalentes à autant de
check-points et où chacun sera malgré lui envisagé s’il y circule sous l’angle
d’un suspect potentiel ; si vous aviez des intentions touristiques pour cette
période : oubliez-les car ils seront fermés. Interdiction de respirer ou
de circuler ? Les deux mon colonel ! « Bouge-pas et montre patte
blanche, citoyen ! » : tel pourrait être le mot d’ordre des
vérificateurs d’identité par l’armée pendant cette période qui va congeler
l’activité d’une ville sous l’effet d’une ambiance de loi martiale.

Le pire est peut-être que les résidents eux-mêmes devront arborer un badge
attestant de cet état civil. Toute la panoplie d’une occupation semble là, du
permis de circuler à la ligne rouge qu’on ne franchit pas : car toute
occupation est d’abord celle d’un terrain du point de vue militaire.

D’autre part, les signes distinctifs des pacifistes sont prohibés :
ainsi de Christian Grosse, membre du secrétariat de la section du Parti
communiste du bas-Rhin, qui a vu la police débarquer chez lui et retirer ses
drapeaux arc-en-ciel frappés de la mention « No to NATO » ; voir pour
les intéressés le lien suivant http://panier-de-crabes.over-blog.com/article-29357917.html
.

Il est, après ces considérations, effarant de constater qu’une institution
encline à la force militaire transporte aisément avec soi dans une ville où
elle campe un quasi-état de guerre.

Vers quel modèle pourrait évoluer ce type société à l’avenir ? Eh bien,
ce peut être une sorte d’enfer décrit par Mike Davis dans son opuscule Au delà
de Blade Runner : une société quadrillée par des systèmes de surveillance
divers, notamment de caméra, et équipés de milices privées quadrillant les
différents secteurs et sécurisant les quartiers huppés des grandes villes. Ce
modèle existe déjà figurez-vous : à Los Angeles, sur laquelle porte le
travail de l’auteur. Cela donnerait une société de cloisons étanches, de
caissons sécurisés imperméables à l’agitation du monde extérieur et à la misère
qui y règne : une société d’enclaves finalement où l’on se heurterait à
des murailles. Esseulées, quelques zones d’expression libre subsisteraient,
anonymes.

Ajoutez à cela le fantasme de l’émeute : bien pratique considération
permettant d’établir des populations à risque et de les ethniciser. Ce besoin
de créer une menace ou un ennemi potentiellement violent, légitime dans sa
paranoïa un pouvoir à avoir recours à cette même violence.

Voilà donc vers où nous ont mené les dérives sécuritaires : sombre
tableau.

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