Résolution sur les entreprises transnationales, les accords de libre échange, le modèle de développement : impact sur les droits humains

28/05/2013
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en es fr

Résolution adoptée par le 38e Congrès de la FIDH

Présentée par l’Institut Latino-américain pour une Société et un droit Alternatifs (ILSA), le Collectif des Avocats « José Alvear Restrepo » (CCAJAR), le Comité permanent pour la défense des droits de l’Homme (CPDH) et l’Organisation féminine populaire (OFP) de Colombie.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), lors de son 38ème Congrès mondial, à Istanbul en Turquie du 23 au 27 mai 2013, face à l’impact des entreprises transnationales, des accords de libre échange, modèle de développement sur la situation des droits humains ;

  • Rappelant que le 37è Congrès de la FIDH réuni à Erevan en avril 2010 avait adopté une résolution sur « l’impunité des crimes environnementaux et des violations des droits de l’Homme liés aux entreprises et/ou aux traités de libre échange » ; 
  • Considérant que différentes organisations membres de la FIDH, d’Asie, d’Afrique et des Amériques, réunies en juillet 2012 ont adopté la Déclaration de Lima sur les droits de l’Homme et les entreprises ;
  • Constatant que peu de progrès ont été réalisés dans le droit international visant à juger, sanctionner les délits environnementaux et les violations des droits de l’homme générés par les entreprises et apporter et apporter réparation aux victimes, et cela malgré l’adoption des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains à l’ONU en juin 2011 ;
  • Concluant que les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains ne résolvent pas la question de la responsabilité incombant aux entreprises pour les violations des droits humains, se limitant à établir des lignes directrices d’application volontaire ;
  • Reprenant le rapport du Secrétariat général de l’ONU A/HCR/21/12 de juillet 2012 qui signale la tendance à supplanter les normes obligatoires du droit international relatives aux droits humains par des principes d’application volontaire, officialisant ainsi le renoncement du système des Nations Unies de légiférer dans le but d’enquêter, juger, sanctionner et réparer les violations des droits humains impliquant les entreprises multinationales et autres agents privés de la mondialisation économique ;
  • Affirmant que les principes et codes de conduite à caractère volontaire et les mécanismes de plaintes ou d’enquêtes habilités par les instances financières internationales ou par des instances de mondialisation économique telles que l’OCDE, sont clairement insuffisants pour une véritable protection des droits humains et l’accès à la justice des communautés affectées par l’action des entreprises multinationales ou dans le cadre de projets de développement ou suite aux traités de libre-échange ;
  • Constatant que nombre de gouvernements ont accentué la pratique de la criminalisation des protestations légitimes contre des projets miniers et énergétiques, d’infrastructures ou agricoles en lien avec le capital multinational ;
  • Constatant que les organisations de la société civile et les communautés rapportent et dénoncent de manière de plus en plus fréquente des situations et des cas de violations des droits humains ou des crimes environnementaux imputables aux entreprises multinationales ;
  • Constatant qu’il est de plus en plus clair que les engagements des États en vertu des traités de libre échange et de protection des investissements représentent un risque imminent pour les droits humains et l’environnement des populations, peuples et communautés ;
  • Soulignant que l’autodétermination des peuples est un droit inaliénable qui comprend le libre choix du modèle de développement économique ou social, conformément à leurs propres projets culturels et de bien-être, et que, fréquemment, les actions des entreprises transnationales et les engagements acquis dans le cadre de certains accords commerciaux portent atteinte à ce droit ;

Nous appelons les États à :
 Réglementer les activités des entreprises transnationales qui se situent sous leur juridiction, y compris lorsqu’elles opèrent à l’étranger, exerçant ainsi leurs obligations extra-territoriales en matière de droits humains ;

 Renforcer les mécanismes juridiques et judiciaires de protection des droits relatifs à l’environnement, au travail, aux services publics, à la santé, à l’alimentation, au territoire, à la consultation préalable, à l’accès à l’information et à l’autodétermination, dans le respect rigoureux des obligations relatives aux droits civils et politiques, y compris les mesures de suspension des activités des entreprises à l’origine de violations des droits humains ;

 Assurer et faciliter l’accès à la justice des victimes de violations des droits humains commises par les entreprises, en levant les obstacles pratiques et juridiques à l’exigibilité du droit à la vérité, à la justice et à la réparation intégrale, y compris dans les pays d’origine des entreprises ;

 Respecter les principes de transparence et de participation des communautés, en incorporant dans les législations nationales des normes qui permettent d’évaluer l’impact des projets d’investissement sur les droits humains, garantissant que les projets ne pourront pas être mis en œuvre sans la consultation préalable des communautés affectées et sans le consentement libre, préalable et informé des communautés autochtones concernées ;

 Prévenir et sanctionner les expulsions forcées de communautés pour cause de projets de développement financés par des capitaux nationaux ou multinationaux sur leurs territoires ;

 Adopter et appliquer les Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits humains présentés par la Rapporteure spéciale dans les situations de communautés appauvries par les actions des entreprises transnationales ou par les effets de projets de développement impliquant la perte de leurs moyens de subsistance ;

 Protéger la liberté d’expression, de manifestation et de réunion pacifique des défenseurs des droits humains et de ceux qui organisent ou manifestent publiquement contre des projets d’investissement et ne pas avoir indûment recours au droit pénal, civil ou administratif à leur encontre ;

 Promouvoir l’élaboration de normes au niveau international et régional en vue d’établir des cadres juridiques contraignants pour la protection des droits humains dans le cadre des activités des entreprises, y compris des mécanismes visant à rendre effective leur responsabilité pour les violations commises ;

 Appliquer les mesures conservatoires rendues par les organes de protection des droits humains ainsi que les recommandations du Conseil des droits de l’Homme et des organes des traités des Nations Unies relatifs aux entreprises et droits humains ;

Nous appelons l’ONU à :
 Adopter une feuille de route en vue de la discussion et l’adoption d’une Déclaration sur les entreprises et les droits humains qui aille au-delà des principes volontaires et soit cohérente avec le cadre des obligations juridiques des États en vertu des traités sur les droits humains auxquels ils sont parties ;
 Créer un nouveau groupe de travail de l’ONU, avec un mandat renforcé sur la question des droits humains et les entreprises multinationales, afin d’entreprendre des études et examiner des cas en la matière, fournir des recommandations, dans le but que les États mènent à bien leur devoir de protéger les droits dans la pratique, y compris en-dehors de leur territoire, et améliorent l’accès des victimes à la justice.

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