Fer brésilien : rapport FIDH révélant les abus dans la chaîne d’approvisionnement

Ian Cheibub

Açailândia, Paris, 24 février 2022 — La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et Justiça nos Trilhos ont publié aujourd’hui un rapport sur les atteintes aux droits humains et à l’environnement associées à la chaîne de valeur du fer et de l’acier provenant des mines du corridor de Carajás au Brésil. Il met en lumière la façon dont des géants de l’industrie tels qu’Arcelor Mittal ou TataSteel s’approvisionnent en fer dans des mines brésiliennes où les droits humains et l’environnement sont bafoués, et comment l’acier qu’ils produisent finit dans les biens de consommation vendus dans le monde entier.

Le rapport est disponible en portugais et en anglais.

Le rapport, intitulé Heavy metal, émet des recommandations à l’intention de Vale, S.A., des acheteurs et des autres entreprises de la chaîne d’approvisionnement, les alertant sur les atteintes aux droits et à l’environnement endémiques dans les mines de fer brésiliennes et les incitant à examiner et à agir en fonction de leurs obligations de diligence raisonnable en matière de droits humains. Le rapport est publié le lendemain de la publication par l’Union européenne (UE) de sa directive sur le devoir de vigilance des entreprises, qui établit de nouvelles règles pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans les chaînes de valeur mondiales.

Le fer brésilien provenant du corridor de Carajás est transformé et utilisé par diverses industries mondiales, notamment dans les secteurs de la construction, de l’automobile ou de la technologie. Les chaînes d’approvisionnement en fer et en acier sont longues, complexes et opaques, ce qui fait qu’il est difficile de tenir les entreprises tout au long de la chaîne de production responsables des impacts sur les droits humains et l’environnement qui se produisent aux niveaux inférieurs de leurs chaînes d’approvisionnement.

« Le fer et l’acier du corridor de Carajás sont entachés d’atteintes aux droits humains et à l’environnement. Les multinationales qui s’approvisionnent en fer de Carajás doivent examiner de près leurs chaînes d’approvisionnement et s’attaquer à ces violations. Elles ne peuvent pas continuer à s’appuyer sur des fournisseurs comme Vale – responsable d’effondrements répétés et meurtriers de barrages – sans soulever la question des droits humains »

a déclaré Maria Isabel Cubides, chargée de programme au bureau mondialisation et droits humains de la FIDH.

Le projet du Grand Carajás – qui s’étend du sud-est du Pará à la ville de São Luís, capitale du Maranhão, dans l’est de l’Amazonie – est « l’un des plus grands viviers de minerai de fer du commerce mondial » selon une publication récente de l’Observatoire des conflits miniers au Brésil. Et il est en proie à de graves problèmes, notamment « la déforestation, l’accaparement des terres, les conflits dans les campagnes et les violations à l’encontre des populations autochtones ». L’expansion et l’intensification des activités extractives – combinées à des négligences en matière de diligence raisonnable – génèrent de graves impacts environnementaux et menacent les droits humains.

Le Brésil est le premier exportateur mondial de minerai de fer. Si, entre de janvier àet septembre 2021, deux tiers des exportations de minerai de fer de Carajás ont été exportés en Chine et en Malaisie, des entreprises européennes comme Arcelor Mittal et TataSteel font partie des plus importants acheteurs privés.

« Le minerai de fer qui est extrait au Brésil ne peut pas être commercialisé au prix de morts et de l’appauvrissement des populations. Il n’est pas non plus acceptable que les droits de la nature soient niés pour que les entreprises, les acheteurs de fer et d’acier et les autres parties prenantes puissent en bénéficier et voir leurs profits augmenter chaque année. Malheureusement, c’est une réalité que nous vivons »

a déclaré Larissa Santos, de Justiça nos Trilhos.

L’Union européenne vient de publier une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises, qui introduit de nouvelles règles sur la manière dont la durabilité doit être intégrée dans les stratégies commerciales à long terme. Elle comprend à la fois des règles de diligence raisonnable obligatoires pour les entreprises afin de limiter les abus en matière d’environnement et de travail dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises. Les expériences de Piquiá de Baixo (voir plus bas) et d’autres communautés négativement impactées par le corridor de Carajás devraient informer les législateurs de l’UE lorsqu’ils décident des exigences d’une telle loi, afin qu’elle prévienne efficacement les impacts humains et environnementaux au bout des chaînes d’approvisionnement en minéraux.

Le 25 janvier 2022, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a annoncé qu’elle allait ouvrir des discussions d’adhésion avec six pays, dont le Brésil. Ce pays tente depuis plus de dix ans de s’aligner sur les instruments de l’OCDE afin de devenir membre à part entière, ce qui lui apporterait d’énormes avantages économiques et politiques. Ces avantages ne devraient pas être accordés si le Brésil n’améliore pas son bilan en matière d’environnement et de droits humains, comme le montre le rapport publié aujourd’hui.

Contexte

Depuis 2010, la FIDH et Justiça nos Trilhos (JnT), collaborent pour dénoncer les violations des droits humains de l’industrie sidérurgique dans la communauté de Piquiá de Baixo (Maranhão, Brésil), l’une des nombreuses communautés du corridor de Carajás qui ont subi les effets négatifs de l’activité minière. À partir d’une étude d’impact sur les droits humains publiée en 2011, la FIDH et Justiça nos Trilhos ont documenté et dénoncé les impacts de l’industrie sidérurgique sur les droits humains à la santé, à un environnement sain, à un logement adéquat, à la vie, à l’intégrité physique, à l’information et à la participation, et à l’accès à la justice. Huit ans plus tard, un rapport de suivi a dénoncé la persistance des violations des droits humains dues aux actions et omissions des acteurs publics et privés, y compris Vale S.A.

Nos organisations ont à plusieurs reprises exhorté la communauté internationale, notamment le rapporteur spécial des Nations unies sur les déĉhets toxiques, à faire pression sur le Brésil et les entreprises responsables, en demandant des réparations immédiates. En septembre 2020, le rapporteur spécial des Nations unies sur les déchêts toxiques, Marcos Orellana, a présenté son rapport au Brésil devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Il a souligné le besoin d’allouer des ressources pour la réinstallation de la communauté de Piquiá de Baixo et a exhorté le gouvernement, Vale et d’autres entreprises à fournir des réparations pour "ce qui ne peut être décrit que comme des crimes environnementaux et occupationnels" contre la communauté, qui selon son prédécesseur, Baskut Tuncak, a été « empoisonnée pendant des décennies ».

En novembre 2020, la FIDH et Justiça nos Trilhos ont mené une campagne de sensibilisation internationale pour attirer l’attention sur l’impact toxique de l’activité minière. La vidéo de la campagne a été visionnée par des millions de personnes et partagée par des milliers de personnes à travers le monde, avec le hashtag #AnInvitationToPiquia.

Contacts presse

FIDH : Eva Canan | +33 6 48 05 91 57 | ecanan@fidh.org | http://twitter.com/EvaCanan

Justiça nos Trilhos : Larissa Santos | +55 99 99205 44 11 | larissasantos@justicanostrilhos.org | https://justicanostrilhos.org/

Lire la suite