UN BILAN ACCABLANT

A l’issue de la réunion du G 8 à Gênes, force est de constater le bilan accablant, sur la forme et sur le fond, de ce rendez-vous manqué.
Qu’il s’agisse de l’organisation pratique et logistique, et notamment des modalités d’encadrement des manifestants, de l’ordre du jour et de ses résultats, et de la légitimité même d’un sommet à 8 portant sur des problèmes touchant l’ensemble de la communauté internationale, la FIDH déplore l’incapacité - ou le manque de volonté - du G 8 à faire face de façon appropriée aux défis posés par la mondialisation.

1. Sur la répression des manifestations :

La FIDH condamne avec force les violations des droits de l’Homme commises par la police italienne et demande qu’une enquête indépendante et impartiale soit ouverte afin de faire toute la lumière sur les abus perpétrés par les forces de l’ordre.
La FIDH condamne l’usage de la violence, de quelque côté qu’elle provienne ; néanmoins, elle ne peut s’empêcher de constater qu’après Seattle, Prague, Québec et Göteborg, la tendance vers une criminalisation des protestations sociales se confirme, en violation directe du droit d’association et de manifestation pacifique reconnu par la communauté des Etats.

La FIDH est extrêmement préoccupée par la réaction des forces de l’ordre à l’encontre des manifestants, et notamment par le raid de quelques 200 policiers au quartier général du Forum Social de Gênes. Cette descente, particulièrement violente, a fait 66 blessés. 92 militants anti-G8 ont été interpellés. La FIDH a au demeurant saisi l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des droits de l’Homme à ce sujet.
Au total environ 180 personnes ont été arrêtées lors des raids de la police. Les témoignages recueillis par la presse et d’autres ONG attestent de l’usage disproportionné de la force par les policiers italiens à la fois envers les manifestants et les journalistes sur place.
La FIDH tient les autorités italiennes pour directement responsables des mauvais traitements subis par les manifestants.

2. Sur l’avancée des travaux et le contenu de la Déclaration finale :

La FIDH déplore l’insuffisance des mesures proposées à l’issue du sommet dans les domaines de la lutte contre la pauvreté, de l’annulation de la dette des pays en développement, des lignes directrices des agences de crédit à l’exportation dans le domaines des droits de l’Homme....
Les chefs d’Etats et de gouvernements ont reconnu leur " désaccord sur le protocole de Kyoto " sur la réduction des gaz à effet de serre et ne sont parvenus qu’à un accord minimal sur sa ratification.
La FIDH prend acte de la création d’un fonds thérapeutique contre le HIV/sida, le paludisme et la tuberculose qui devrait être opérationnel dès la fin de l’année mais constate que les sommes allouées sont finalement beaucoup moins importantes que prévues.

La FIDH déplore la médiocrité de la Déclaration finale, dont les termes vagues et peu opérationnels ne constituent qu’une pétition de principe indigne d’une réunion de ce niveau.

Pas d’avancées sur les agences de crédit à l’export
Dans une lettre ouverte datée du 17 juillet, la FIDH avait demandé aux membres du G8 d’intégrer les droits de l’Homme dans les principes directeurs des agences de crédit à l’export (agences qui garantissent les risques liés aux investissements étrangers).
La FIDH prend acte du refus du G-8 d’élargir aux droits de l’Homme les critères contenus dans ces principes directeurs en se contentant de références aux normes environnementales, pourtant insuffisantes à garantir à elles seules l’objectif de développement durable pour tous que s’est assigné la communauté internationale. Les membres du G-8 se sont donnés jusqu’à la fin de l’année pour aboutir, au sein de l’OCDE, à une recommandation sur ce thème.
La FIDH souhaite que cette recommandation aille " au delà du mandat d’Okinawa " et qu’elle prenne en compte l’impact des activités de ces Agences de crédit à l’export sur les droits de l’Homme.

La FIDH relève enfin l’ironie de la Déclaration soutenant l’initiative " tout sauf les armes " en faveur des Pays les Moins Avancés, alors même que les agences de crédit à l’export des pays du G8 sont les principales garantes des ventes d’armes vers ces mêmes pays.

3. Sur la légitimité des réunions du G 8 :
La FIDH s’étonne que des sujets affectant l’ensemble de la communauté internationale, et nécessitant par conséquent la tenue de débats au sein d’instances multilatérales telles que les Nations Unies, soient traités par les seules grandes puissances. Une telle façon de procéder va à l’encontre de l’objectif d’ouverture proclamée en début de Déclaration.
Si la FIDH se félicite que les chefs d’Etats et de gouvernements aient reconnu la nécessité d’instaurer un " débat public ouvert sur les défis importants " et qu’ils se soient déclarés en faveur d’un " large partenariat avec la société civile ", elle reste sceptique quant à la volonté politique réelle de consulter, autrement que pour la forme, les mouvements de la société civile. Elle note en outre qu’il aura fallu le décès d’un manifestant pour que cette prise de conscience ait lieu. La société civile aura ainsi payé au prix fort sa revendication légitime d’être entendue .

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