La FIDH demande aux pays du G-8 d’intégrer les droits de l’Homme dans les principes directeurs des Agences de crédit a l’export

La question de la réforme des Agences de crédit à l’export (ACE) est plus que jamais d’actualité, alors que s’ouvre à Gênes, dans quelques jours, le prochain sommet du G-8 .
Les gouvernements du G-8 s’étaient en effet donné jusqu’à 2001 pour étudier cette question. Alors que le volet environnemental semble avoir avancé, au prix de longues années négociations, la frilosité des Etats à s’attaquer à une réforme en profondeur des ACE est patente.

La FIDH condamne cette inertie et considère que la question du respect de l’environnement ne saurait être envisagée indépendamment de la problématique plus générale du développement durable, et en premier lieu des droits de l’Homme : ceux-ci doivent figurer au cœur des lignes directrices des ACE, actuellement en discussion.
L’une des caractéristiques les plus frappantes de la mondialisation est la schizophrénie croissante des Etats ,qui, d’un côté, promeuvent le développement durable par le biais de leurs agences de développement, et de l’autre, au travers de leurs politiques commerciales ou économiques, pratiquent le nivellement par le bas.
Cette schizophrénie est manifeste pour les pays industrialisés : le fonctionnement de leurs agences de crédit à l’export en offre un des exemples les plus frappants.
Celles-ci brassent chaque année plusieurs milliards de dollars d’argent public afin d’assurer les entreprises exportatrices contre les principaux risques politiques et commerciaux inhérents aux investissements étrangers.
Ces dernières années, les ACE des pays de l’OCDE ont garanti près de 10% du commerce mondial, ce qui représente près d’un demi milliard de dollars en exportation par an.
Les ACE représentent la part la plus importante de la dette publique des pays en développement. En 1996, un quart de la dette totale des PVD était due à des ACE. Le soutien apporté par ces agences de crédit à l’export est nettement supérieur aux investissements annuels de la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement.
Des années de mobilisation de la société civile ont conduit, non sans peine, à une amélioration sensible des activités des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, ainsi que des entreprises multinationales. Un nombre croissant de normes et de principes dans les domaines des droits de l’Homme et de l’environnement sont désormais en vigueur, bien que leur mise en œuvre donne lieu à des résultats inégaux.
La FIDH regrette que l’exigence croissante de transparence, de responsabilité et de respect des droits de l’Homme, portée par la société civile, peine à atteindre les agences de crédit à l’export : de fortes résistances au sein de ces agences et de gouvernements clefs tels que la France, de l’Allemagne ou l’Espagne n’y sont pas étrangères.
Alors que la FIDH se félicite des tentatives de réforme initiées par le G-8 et le groupe de travail de l’OCDE sur les crédits export, elle déplore la faiblesse des propositions avancées jusqu’ici : alors que la définition de principes directeurs en matière environnementale semble avancer, rien de semblable ne voit le jour dans le domaine des droits de l’Homme ou des droits sociaux.

La FIDH regrette notamment :

 Que les approches proposées se limitent aux questions environnementales
 Que celles-ci ne soient pour l’instant assorties d’aucun caractère contraignant, ce qui limite grandement leur impact
 Que les pays qui promeuvent activement les droits de l’Homme et les standards environnementaux dans d’autres lieux (au premier rang desquels l’Allemagne, la France ou l’Espagne) se montrent réticents à appliquer ces même principes aux activités des ACE.

La FIDH est d’avis que les activités des ACE doivent être conformes aux principes fondamentaux en matière de droits de l’Homme et que les principes directeurs de ces entités doivent intégrer largement la question du respect des droits humains, et notamment des droits économiques, sociaux et culturels, particulièrement menacés par les opérations ayant reçu l’appui des ACE. La nécessité de conférer à ces principes directeurs un caractère contraignant est de première importance.
La FIDH demande aux autorités compétentes, qu’elles soient nationales ou internationales, d’œuvrer pour l’intégration d’une référence explicite aux instruments en matière de droits de l’Homme dans les principes directeurs en discussion. Les ACE, en tant qu’agences nationales publiques ou semi-publiques, ne sauraient être exonérées de l’obligation de conformité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par leurs pays respectifs.
En effet, le droit international des droits de l’Homme offre le seul cadre cohérent permettant de s’assurer que les projets ayant reçu l’appui des ACE s’inscrivent dans une logique de développement durable et de respect des droits humains pour tous.

A cette fin, la FIDH recommande :

1. L’intégration, dans les Principes directeurs et les conditionnalités des ACE, d’une référence explicite aux principes fondamentaux en matière de droits de l’Homme tels que définis dans les instruments internationaux de référence (Déclaration universelle des droits de l’Homme, Pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques...)
2. La mise en place d’un mécanisme indépendant de contrôle afin d’évaluer le respect, par les ACE, de ces principes directeurs. Ce mécanisme permettrait ainsi d’opérer une sélection des différents projets afin d’écarter ceux dont l’impact néfaste sur les droits humains serait démontré.
3. Le recrutement de personnel disposant d’une compétence en matière de droit international des droits de l’Homme afin d’apprécier la conformité des opérations des ACE au regard des normes internationales en matière de droits de l’Homme.
4. La mise en place d’une procédure obligatoire d’Etude d’Impact sur le Développement Social (Social Development Impact Assessment ) intégrant une dimension " droits de l’Homme ", aux côtés de la procédure d’Etude d’Impact sur l’Environnement déjà envisagée.
5. L’arrêt du soutien apporté par les ACE aux exportations d’armement, à celles de matériel et d’équipement utilisés à des fins militaires ou pouvant être utilisées pour réprimer la population civile.
6. La mise en place d’un mécanisme de filtrage permettant d’empêcher l’implication des ACE dans des pays où les droits humains sont massivement bafoués et dans lesquels la nature même de l’investissement effectué est de nature à encourager les violations constatées.
7. La mise en place d’un mécanisme institutionnalisé de consultation de la société civile, tant au sein de l’OCDE que dans les pays où sont réalisés les projets garantis par les ACE.
8. L’adoption d’une politique claire de diffusion de l’information et d’accès public aux documents, concernant notamment les documents relatifs à l’impact environnemental, social et droits de l’Homme des projets ayant reçu l’appui des ACE, à charge pour les entreprises exportatrices de démontrer le caractère confidentiel des informations commerciales si elles s’opposent à la diffusion des informations concernées.
9. La mise en place d’une procédure indépendante d’appel permettant aux populations directement affectées par un projet ayant reçu l’appui des ACE de faire entendre leurs doléances et déposer plainte auprès d’une entité indépendante, dans la ligne du Panel d’Inspection de la Banque mondiale.
10. L’annulation des créances détenues par les ACE sur les pays les plus pauvres.
11. L’adoption d’une clause imposant aux exportateurs bénéficiaires une obligation de transparence quant aux paiements à destination des gouvernements nationaux.
12. Plus généralement, la FIDH demande que les ACE s’assurent que leurs entreprises clientes obéissent aux mêmes principes de responsabilité et de respect des droits humains.

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