Restaurons la paix : enrayons la violence dans l’est de la RDC

STRINGER / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Paris - Kinshasa – Nairobi, le 1er août 2022. Le 26 juillet 2022 en République démocratique du Congo (RDC), les manifestations qui se sont étendues à plusieurs villes du Nord-Kivu ont dégénéré en attaques contre le personnel des Nations unies. Elles ont fait au moins 19 mort·es et 61 blessé·es, tant parmi le personnel que parmi les manifestant·es. Le 31 juillet, deux militaires de la Brigade d’intervention de la force Monusco ont ouvert le feu à Kasindi, tuant deux personnes. Horrifiées, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres condamnent cette violence inqualifiable, ces atteintes contre cette force des Nations unies ainsi que le comportement des responsables des tirs quelques jours plus tard. La désescalade et le dialogue sont les seules voies possibles pour enrayer la violence et restaurer la paix.

Lire aussi la note sur l’état de la situation des droits humains dans le pays, près d’un an avant la fin du premier mandat du Président Félix Tshisekedi en 2023.

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres en République démocratique du Congo (RDC), l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho), le Groupe Lotus et la Ligue des électeurs condamnent fermement les violences commises à l’encontre des populations dans l’est du pays. Elles appellent le gouvernement congolais, les partenaires internationaux et la société civile à se mobiliser pour lutter contre l’impunité des responsables des violations perpétrées et le retour de la paix dans la région.

Face aux événements du 26 juillet 2022, nos organisations demandent la mise en place, dans les plus courts délais, de la commission d’enquête mixte transparente pour établir la vérité au sujet du meurtre des trois soldats de la paix, mais aussi de mener une enquête conjointe avec le gouvernement congolais concernant l’origine des tirs ayant tué une quinzaine de civil·es lors des manifestations. Nous affirmons également avec la plus grande fermeté la nécessité d’établir la responsabilité des événements de Kasindi par le biais de l’ouverture immédiate d’une enquête.

Nos organisations soutiennent l’appel au calme lancé par les organisations congolaises de la société civile, qui intervient dans un contexte de défiance à l’égard des forces étrangères. Alors que le plan de retrait progressif et échelonné de la Monusco a été signé en septembre 2021, nombreux·ses sont celles et ceux qui accusent l’organisation internationale d’inefficacité dans la lutte contre des dizaines de groupes armés locaux et étrangers qui déstabilisent la région depuis près de 30 ans.

Nous exprimons notre vive préoccupation et notre incompréhension devant la décision prise, en juin 2022, par les dirigeant·es de la communauté d’Afrique de l’Est (EAC) de créer une nouvelle force régionale pour combattre les groupes armés en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Placée sous commandement militaire du Kenya, elle devrait être opérationnelle dans les semaines à venir. Loin d’apporter une solution durable, les réponses militaires précédemment apportées ont à chaque fois démontré leur incapacité à rétablir la paix. Elles ont au contraire contribué à aggraver l’insécurité, le sentiment de défiance et la situation des droits humains dans l’est de la RDC. Rappelons que les premières victimes de ces violences qui perdurent sont toujours les populations civiles.

« La société civile et les populations locales redoutent la réouverture des plaies de l’occupation et veulent mettre fin aux cycles d’intervention d’armées étrangères qui, sous couvert de rétablir la paix, ont conduit dans le passé à des cycles de violence à l’égard des populations civiles. », a déclaré Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH.

« Aujourd’hui, la priorité doit être de briser le cycle de l’impunité par la mise en place d’enquêtes approfondies et indépendantes, pour faire toute la lumière sur les violations subies par les populations, identifier leurs auteur·es et situer les responsabilités »

Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH

Sans plus attendre, le gouvernement congolais doit prendre la mesure de ses responsabilités. L’état de siège instauré dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, administrées depuis mai 2021 par l’armée, semble être un échec. Loin de rétablir le calme, la situation s’est dégradée et de nombreux cas d’abus et de violations des droits fondamentaux et libertés publiques continuent d’être commis par toutes les parties aux conflits .

Nos organisations expriment leurs inquiétudes face à l’inadéquation des réponses apportées par l’État congolais et la persistance de l’activité de groupes armés - les Forces démocratiques alliées (ADF) et les combattants de la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco) - et la résurgence des attaques du Mouvement du 23 mars (M23). Ces groupes se rendent régulièrement responsables de violations graves des droits humains à l’encontre des populations vivant dans ces régions. Depuis la mi-juin 2022, au moins 29 civil·es ont été exécuté·es par les rebelles du M23.

Nos organisations appellent les autorités congolaises, dans le cadre de leur action urgente pour rétablir la paix et la sécurité à l’est, à définir des stratégies d’action adaptées, globales, centrées sur la protection des populations civiles et dans le strict respect du droit international humanitaire et des droits humains.

S’agissant de la situation de l’état de droit, les restrictions apportées à l’espace démocratique, en particulier dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu sous état de siège, ainsi que la reprise des arrestations et détentions arbitraires par l’Agence nationale de renseignement, inquiètent particulièrement nos organisations. Elles appellent à l’arrêt des attaques à l’encontre des journalistes et de la société civile, à l’image de celles que subissent actuellement au Nord-Kivu Henry Hererimana Serushago, reporter à La Voix de Mikeno (Racom).

Alors que les élections générales sont prévues en 2023, il est essentiel que toutes les conditions pour un dialogue politique véritable, inclusif, transparent et apaisé soient réunies afin de contribuer à un processus électoral crédible, juste, respectueux des principes démocratiques et des droits humains.

« Le gouvernement congolais doit tout mettre en œuvre pour permettre l’organisation des élections conformément aux délais constitutionnels. »

Paul Nsapu, vice-président de la FIDH

«  Il doit aussi s’assurer que l’espace civique et démocratique soit renforcé, dans le respect des libertés fondamentales des congolais·es et des engagements régionaux et internationaux pris par l’État congolais en la matière », poursuit Paul Nsapu.

Nos organisations appellent les partenaires internationaux et les organisations internationales, au premier rang desquelles se trouvent l’Union africaine et les Nations unies, à véhiculer l’appel au calme et au dialogue. Tout en continuant d’encourager le gouvernement congolais à assurer la protection des civil·es dans l’est de la RDC et à poursuivre ses efforts pour veiller au respect de l’état de droit et des droits humains dans l’ensemble du pays.

Lire aussi la note de la FIDH et ses partenaires sur l’état de la situation des droits humains dans le pays, près d’un an avant la fin du premier mandat du Président Félix Tshisekedi en 2023.

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