Les sanctions imposées par Donald Trump aux juges de la Cour pénale internationale menace la redevabilité des auteur·es de crimes internationaux

06/06/2025
Déclaration
en es fr
© ICC-CPI

L’Initiative mondiale contre l’impunité (GIAI) condamne énergiquement la décision du gouvernement des États-Unis d’imposer des sanctions à quatre juges de la Cour pénale internationale (CPI) en raison de leur travail sur les situations en Palestine et en Afghanistan. Les États-Unis ne ciblent pas seulement des cas concrets, ils menacent plus largement tout le travail de la Cour.

6 juin 2025. Des juges indépendantes sont sanctionnées pour avoir simplement exercé leurs fonctions officielles, en autorisant des enquêtes indépendantes et en délivrant des mandats d’arrêt concernant les situations en Palestine et en Afghanistan. Elles se sont prononcées sur des sujets impliquant des crimes internationaux présumés, commis par des ressortissant·es des États-Unis et d’Israël : des actions qui relèvent complètement du mandat de la CPI.

Sanctionner les juges de la CPI va totalement à l’encontre de la justice internationale, et envoie un message terrible : les personnes impliquées dans la redevabilité des atrocités de masse risquent des sanctions, alors que celles soupçonnées de crimes internationaux sont protégées. Cela est dévastateur, pas uniquement pour le personnel de la CPI et la société civile qui soutient le travail de la Cour, mais aussi pour les victimes et les communautés affectées en Palestine, en Afghanistan et ailleurs, qui placent leurs espoirs dans la Cour. Ces sanctions anéantissent toute espoir.

Ces sanctions, appliquées par décret de Donald Trump et par l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) des États-Unis, ont été conçues à l’origine pour démanteler les réseaux terroristes et combattre les violations des droits humains, par pour attaquer les institutions de justice internationale. Les diriger à l’encontre du personnel de la CPI constitue un abus de pouvoir dangereux de la part du pouvoir exécutif. Ces sanctions visent à protéger non pas la sécurité nationale, mais les allié·es puissant·es comme le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Elles envoient un avertissement clair : « ne coopérez pas avec la Cour ». C’est bien cela leur objectif : les sanctions de Donald Trump contre la CPI soutiennent l’impunité, et non la redevabilité.

Les quatre juges sanctionnées sont Solomy Balungi Bossa (Ouganda), Luz del Carmen Ibáñez Carranza (Pérou), Reine Alapini-Gansou (Bénin) et Beti Hohler (Slovénie). Si les sanctions font référence aux situations en Palestine et en Afghanistan, leurs conséquences ont une portée beaucoup plus vaste. Les quatre juges avaient toutes collaboré à des procédures de la CPI dans d’autres situations, parmi lesquelles le Bélarus/Lituanie, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Libye, le Mali, le Myanmar/Bangladesh, les Philippines, le Soudan, l’Ouganda et le Venezuela.

La GIAI se félicite de la condamnation sans équivoque exprimée par les Pays-Bas, ainsi que la proposition de la Slovénie d’activer sans délai la loi de blocage de l’Union européenne visant à protéger les citoyen·nes européen·nes et les institutions de justice internationale contre de telles mesures coercitives.

La GIAI appelle :
 les 125 États parties au Statut de Rome à dénoncer publiquement et sans réserve ces sanctions, et à réaffirmer leur engagement aux valeurs de la CPI ;
 l’Union européenne à honorer son engagement sans faille en faveur de l’indépendance de la CPI et à mettre en pratique la récente déclaration de la Présidente Ursula von der Leyen qui affirme « l’Europe se tiendra toujours aux côtés de la justice et du respect du droit international  » dans une déclaration publique, en inscrivant ce sujet à l’agenda des négociations en cours avec les États-Unis, en activant et élargissant immédiatement la loi de blocage de l’Union européenne, comme l’a demandé la Slovénie, pour protéger le personnel et les institutions de la CPI contre les attaques politiques ;
 les gouvernements du monde entier à coordonner une réponse juridique et diplomatique ferme, avec des mesures de réciprocité et le refus d’appliquer des sanctions à des fins politiques ;
 le Bureau du Procureur de la CPI à enquêter sur toute personne suspectée d’« atteintes à l’administration de la justice » en vertu du paragraphe 1, alinéa e) de l’article 70 du Statut de Rome, qui érige en infraction les représailles contre le personnel de la Cour dans le cadre de leurs fonctions officielles ;
 le Congrès des États-Unis à condamner cette dérive dangereuse de la loi sur les sanctions et à rétablir son soutien à la justice internationale ;
 les organisations de la société civile, les barreaux et d’autres parties prenantes à prendre la parole d’urgence pour défendre l’indépendance de la justice, à dénoncer le recours abusif à des sanctions en vue d’entraver l’exercice de la justice, et à mettre en lumière l’effet dissuasif qu’elles exercent sur les efforts de lutte contre l’impunité.

Lorsque des juges sont sanctionné·es parce qu’ils et elles exercent leurs fonctions, c’est la justice, partout dans le monde, qui est menacée. Le message envoyé au monde entier est terrible, en attaquant des juges et la justice de la CPI, la juridiction de dernière instance chargée de déterminer les responsables des crimes les plus graves de la planète. Ce type d’attaques crée une onde de choc, et donne le sentiment aux organes judiciaires qu’ils sont vulnérables. La communauté internationale doit répondre aux exigences du moment en faisant preuve de solidarité et de courage, et s’exprimer sans ambiguïté pour condamner ces attaques contre l’état de droit. Si l’on accepte que des juges soient sanctionné·es pour appliquer la loi, ce sont les fondements mêmes de la justice, la redevabilité et les droits des victimes, qui sont menacés.

À propos de l’Initiative mondiale contre l’impunité (GIAI)

À propos de l’Initiative mondiale contre l’impunité (GIAI) pour les crimes internationaux et les violations graves des droits de l’homme : faire fonctionner la justice (GIAI) est un consortium constitué de huit ONG internationales et de la Coalition pour la CPI. Co-financée par l’Union européenne, elle a pour vocation de contribuer à la lutte contre l’impunité en soutenant une approche holistique, intégrée et inclusive de la justice et de l’établissement des responsabilités pour les auteur•rices de graves violations des droits humains et de crimes internationaux. Animée par cet engagement, la GIAI a lancé récemment sa Plateforme de gestion des connaissances, un espace numérique inclusif, multilingue conçu comme un centre de ressources pour la collaboration, l’apprentissage et le partage d’information.

Lire la suite