Les États doivent prendre des mesures pour protéger et renforcer la Cour pénale internationale

28/11/2019
Communiqué
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Alors que les États parties à la Cour pénale internationale (CPI) se réuniront la semaine prochaine à La Haye pour l’Assemblée annuelle des États Parties (AEP), la FIDH souligne le besoin urgent de renforcer le travail de la Cour, et de la défendre contre les efforts politiques visant à l’intimider et à fragiliser son mandat. Si la Cour fait l’objet d’inquiétudes légitimes sur ses performances, elle fait également l’objet d’importantes menaces extérieures. C’est pourquoi la FIDH appelle les États parties à augmenter son budget 2020 afin de lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat, plus important que jamais.

Elles les appellent également à adopter une résolution garantissant que les élections de l’année prochaine (qui désigneront un nouveau Procureur et six nouveaux juges sur 18) soient fondées sur le mérite des candidats. La FIDH se félicite de la résolution proposée pour une révision du système de la CPI et du système du Statut de Rome et exhorte les États Parties à l’adopter, tout en soulignant la nécessité pour la société civile de participer à ce processus et de garantir une approche centrée sur la victime.

La délégation FIDH participant à l’Assemblée se composera des représentants des organisations membres ou partenaires de la FIDH en provenance d’Afghanistan, du Burundi, de Colombie, de Côte d’Ivoire, des États-Unis, de Géorgie, de Guinée, de Libye, du Mexique, de Palestine, du Soudan et des États-Unis. Elle sera dirigée par deux membres de son Bureau International : Guissou Jahangiri et Drissa Traoré.

Face aux graves menaces extérieures, le soutien indispensable des États parties.

Cette année, l’Assemblée des États Parties se tiendra dans un contexte de menaces politiques flagrantes et continues contre la Cour et ses fonctionnaires. Plus tôt cette année, les États-Unis ont révoqué le visa de la Procureure de la CPI Fatou Bensouda. Cette mesure de représailles face à la décision de la Procureure d’ouvrir une enquête sur des crimes de guerre présumés commis en Afghanistan, notamment par les forces américaines et la CIA. Les responsables américains ont annoncé à plusieurs reprises que des mesures supplémentaires, telles que des sanctions économiques, pourraient être prises si la Cour venait à enquêter sur l’Afghanistan ou la Palestine. Ces actes constituent une tentative flagrante d’entraver le travail de la Cour.

Les audiences visant à déterminer si la CPI ouvrira ou non une enquête sur l’Afghanistan se dérouleront en parallèle de l’AEP, du 4 au 6 Décembre. Il est à craindre que les responsables américains n’en profitent pour fragiliser le travail de la Cour et pour annoncer de nouvelles sanctions contre l’institution et son personnel.

Anticipant ce risque, la FIDH appelle les États Parties à se positionner moins timidement en soutien à la Cour, et à répondre explicitement aux menaces qui pourraient être proférées lors de ces audiences. La FIDH exhorte également les États à démontrer qu’ils coopéreront pleinement avec la CPI dans toutes les situations qu’elle examinera, y compris si elle venait à enquêter sur les crimes commis en Afghanistan.

Élections de 2020 et évaluation du travail de la Cour

Les élections, qui se dérouleront en 2020, du nouveau Procureur et de six nouveaux juges de la CPI seront également déterminante dans l’efficacité du travail de la Cour. Dans sa note de position, la FIDH se félicite de la résolution proposée, tout en recommandant de renforcer le processus de nomination et d’élection des juges. Celui-ci devrait être aussi équitable que possible, permettant aux candidats les plus qualifiés d’être élus sur la base de leur mérite, plutôt que de s’enliser dans des considérations politiques.

Cette Assemblée sera également l’occasion de discuter de la performance de la CPI et du système du Statut de Rome. La jurisprudence de la Cour au cours des deux dernières années a suscité, à juste titre, des questions et des préoccupations sur sa capacité à apporter vérité, justice et réparations aux victimes de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocides.

Suite aux appels lancés par la FIDH et d’autres organisations, un processus visant à renforcer la CPI sera officialisé la semaine prochaine par le biais d’une résolution présentée à l’AEP. Cette dernière instaure principalement un Examen expert indépendant et nomme les experts qui auront la charge de cette évaluation à partir de janvier 2020. La résolution demande également aux États de traiter de problématiques spécifiques, par le biais des groupes de travail déjà existants et des groupes de facilitation de l’AEP. Il est impératif que cet examen soit totalement indépendant, transparent, inclusif, et centré sur les victimes.

Nécessité de coopération des États avec la Cour et de ressources suffisantes

Comme à chaque session de l’Assemblée des États Parties, la question de la coopération des États avec la Cour et son budget annuel seront débattus. La FIDH estime que des facteurs externes, notamment les insuffisances de coopération et de contributions financières des États, ont affecté les résultats de la CPI, qui dépend de leur soutien pour s’acquitter de son mandat. Une bonne coopération est entre autres nécessaire dans l’arrestation et la remise à la Cour des suspects, le partage des éléments de preuve, la protection des témoins, ou encore la recherche et la saisie des avoirs.

Les 15 mandats d’arrêt en attente d’exécution concernent des ressortissants du Soudan, Libye, Kenya, Ouganda et République démocratique du Congo. Le manque de coopération en la matière continue d’entraver les progrès accomplis dans la poursuite des responsables présumés d’atrocités et engendre des frustrations. La coopération en demi-teinte des États avec la Cour dans la conduite des examens préliminaires et de ses enquêtes nuit gravement à leur succès et à leur rapidité.

La CPI a par ailleurs besoin de fonds suffisants pour lui permettre d’engager la responsabilité des auteurs des crimes les plus graves perpétrés dans le monde. Toutefois, le budget actuel s’est avéré insuffisant pour l’aider à mener à bien ses travaux.

Compte tenu de la charge de travail supplémentaire prévue pour 2020, la Cour aura cruellement besoin de ressources supplémentaires. La faible augmentation de 1,8 % qu’elle a demandée doit recevoir le plein soutien des États parties. Ils ne doivent pas perpétuer le modèle de budgétisation à "croissance nominale zéro", qui laisse la Cour sans moyens adéquats. La stagnation du budget annuel de la Cour affecte non seulement l’avancement des affaires et des enquêtes de la CPI, mais limite également sa capacité à atteindre les victimes et sensibiliser les communautés affectées.

Recommandations de la FIDH.

L’Assemblée des États parties - un forum crucial pour discuter et prendre position sur le fonctionnement de la CPI et du système du Statut de Rome - est enrichie par la participation des organisations de la société civile. La FIDH et ses organisations membres participeront aux sessions de l’Assemblée des États Parties afin d’examiner ces questions et mettre en lumière les obstacles à la justice, aux niveaux national et international.

Dans notre note de position, nous formulons cinq recommandations clés à l’intention des États parties pour l’AEP 2019 :

1. Qu’ils garantissent un examen expert indépendant transparent et inclusif de la performance et du fonctionnement de la CPI.
2. Qu’ils réaffirment publiquement leur soutien à la CPI et leur pleine volonté de coopération.
3. Qu’ils modifient l’article 8 du Statut de Rome selon la proposition suisse, afin d’inclure la famine en tant que crime de guerre dans les conflits armés non internationaux ;
4. Qu’ils donnent à la Cour les ressources financières nécessaires à l’exécution de son mandat ;
5. Qu’ils veillent à ce que l’élection du prochain Procureur et des prochains juges soit menée au terme d’un processus transparent, et que cette élection soit fondée sur le seul mérite.

Evénements FIDH

Pendant cette session, la FIDH a prévu une série d’événements parallèles (voir ci-dessous).

FIDH side events at #ASP18 :

“A Civil Society Conversation on ICC Review : Towards a Victim-Centered Assessment of ICC Performance” (hosted by FIDH, Human Rights Watch and the American Bar Association ICC project)
Monday, 2 December 2019, 13:00-15:00, Kilimanjaro 1&2 Room

“Should the ICC open a preliminary examination in Mexico ? Discussion about allegations of crimes against humanity in Mexico” (co-hosted by Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos - CMPDHD, Id(H)eas, Litigio Estratégico ;
FIDH, the Coalition for the International Criminal Court (CICC), and Reporters Without Borders (RSF))
Monday, 2 December, 13:00-15:00, Antarctica Room

“Towards Ethical and Equitable Engagement : Formalising a mutual guided relationship between the Court and intermediaries” (hosted by FIDH and Lawyers for Justice in Libya)
Tuesday, 3 December 2019, 18:00 - 20:00, Africa Room

“Colombia : the role of the ICC in the context of an unfinished transition” (co-hosted by Comisión Colombiana de Juristas, Colectivo de Abogados José Alvear
Restrepo, Sisma Mujer, Colombia Diversa, Corporación Humanas, Avocats Sans
Frontieres- Canada, FIDH, and the CICC)
Wednesday, 4 December 2019, 13:00-15:00, Africa Room

• “Guinea : A decade Later, victims of 2009 massacre still being denied justice” (hosted by FIDH, the Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen OGDH, Mêmes droits pour tous MDT and Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 AVIPA)
Wednesday, 4 December 2019, 18:00-20:00, Africa Room

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