La Cour pénale internationale existe, le combat pour sa mise en œuvre commence !

Il y a quatre ans à Rome, 120 Etats votaient en faveur du Statut portant création de la première Cour pénale internationale.

Depuis le 1er juillet dernier la CPI est une réalité.

La Cour pourra juger les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide commis par les nationaux ou sur le territoire des Etats Parties au Statut. Ils sont au nombre de 76 à ce jour. La création et l’entrée en vigueur rapide de la CPI est pour beaucoup le fruit d’un travail extraordinaire de la société civile et en particulier de la Coalition internationale pour la CPI, dont la FIDH est membre fondateur et partie du Comité de pilotage.

La Cour reste cependant menacée par ces Etats qui refusent de reconnaître qu’il ne saurait y avoir d’immunité pour les auteurs des crimes les plus graves. La menace d’une CPI " à la carte " reste entière et l’opposition active des Etats-Unis d’Amérique est un danger que nul ne saurait sous-estimer.

Au lendemain de la clôture de la dixième et dernière session de la Commission préparatoire pour la CPI qui s’est tenue à New York du 1er au 12 juillet 2002, la FIDH reste vigilante. Le réseau des 116 organisations de défense des droits de l’Homme qui compose la FIDH entend continuer à soutenir et participer activement à la campagne mondiale pour la ratification et la mise en œuvre du Statut de la CPI et plus globalement pour que soit mis un terme aux systèmes organisés d’impunité à travers le monde.

De très nombreux enjeux demeurent. La CPI sera gouvernée par un principe de complémentarité avec les juridictions nationales, donnant ainsi la primauté de poursuite et de juridiction aux tribunaux nationaux qui restent souverains. Dans cette optique, la CPI ne saurait fonctionner sans que les Etats n’adoptent de lois nationales harmonisant leur droit interne avec le Statut de la CPI. Ces lois doivent essentiellement comprendre des articles visant à mettre en œuvre les obligations de coopération avec la CPI qui pèsent sur chaque Etat partie ainsi que des dispositions harmonisant et adaptant le droit matériel de chaque Etat en ce qui concerne les définitions des crimes ou encore les principes généraux de droit pénal comme l’absence d’immunité quel que soit le rang officiel ou l’imprescriptibilité des crimes.

La FIDH dresse un bilan mitigé de la 10è et dernière session de la Commission Préparatoire pour la Cour pénale internationale (CPI) qui s’est tenue du 1er au 12 juillet 2002 à New York :

Une porte ouverte vers la réouverture du Statut de la CPI : la Résolution 1422 (2002) du 12 juillet 2002 du Conseil de Sécurité des Nations unies
Cette dernière session a été marquée par de nombreuses tentatives de manipulations politiques de la part des Etats-Unis, tentatives qui ont abouti au vote d’une résolution par le Conseil de Sécurité des Nations Unies remettant gravement en cause le Statut de Rome de la CPI .
Pendant plusieurs semaines, en effet, Washington a tenté d’introduire auprès du Conseil de Sécurité des dispositions visant à exclure de la compétence de la CPI tout personnel ressortissant d’un Etat non partie au Statut des Nations Unies engagé dans des opérations de maintien de la paix et, au premier chef, les nationaux américains. Pour rompre la procédure opaque et caractéristique du Conseil de Sécurité, le Canada a demandé que soit organisée une séance ouverte. Cette session s’est finalement tenue le 10 juillet dernier.
Bien que la majorité des Etats se soit auparavant prononcée contre la proposition américaine et contre la possibilité pour le Conseil de Sécurité de rouvrir le Statut de la CPI, les 15 membres du Conseil de sécurité ont finalement adopté le 12 juillet 2002 une résolution qui se veut un compromis. Pourtant, cette résolution relève davantage de la compromission, en l’occurrence avec les Etats-Unis : elle aboutit à octroyer l’immunité absolue pour les ressortissants d’Etats non partie au Statut dans le cadre d’opérations de maintien de la paix des Nations Unies pendant une période de 12 mois. En outre, cette décision est renouvelable chaque année au 1er juillet, date anniversaire de la création de la CPI. Enfin, cette résolution a été adoptée dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies sans qu’il y ait pourtant de menace à la paix et à la sécurité internationale. La FIDH considère que la résolution 1422 (2002) représente un très dangereux précédent car le Conseil de sécurité a permis, de facto, la réouverture d’une Convention internationale signée par 139 Etats et ratifiée par 76. Il s’agit ainsi d’une atteinte manifeste à l’intégrité du Statut de la Cour, ouvrant au surplus le risque de banaliser une justice internationale " à la carte ". La FIDH note avec regret que l’Union européenne n’a pas été en mesure de maintenir jusqu’au bout une position de principe ferme, allant jusqu’à contredire sa propre " position commune sur la CPI" adoptée en juin 2001. Alors que les USA considèrent n’avoir franchi qu’un premier pas vers une " solution acceptable ", il convient de toute évidence de rester vigilant en prévision des probables démarches futures émanant du gouvernement Bush. La FIDH a lancé le 1er juillet 2002 une pétition appelant la solidarité de ceux qui refusent l’instauration par les Etats-Unis d’une justice ambivalente et politique. (http://www.fidh.org/80)
Prochaine échéance, l’Assemblée des Etats Parties : Septembre 2002
Du 3 au 10 septembre prochains, se réunira à New York au siège des Nations-Unies la première Assemblée des Etats Parties. Le Règlement intérieur de l’Assemblée des Etats Parties reconnaît aux ONG le droit formel de participer aux réunions des ASP et la FIDH sera évidemment présente. Les Etats Parties devront alors formellement adopter les projets de textes négociés lors des dix sessions de la Commission préparatoire pour la CPI débutées en février 1999. Il est fort probable que certains Etats y compris les Etats-Unis, utilisent cette occasion à des fins fallacieuses pour tenter une nouvelle fois de rouvrir le Statut de Rome, son Règlement de procédure et de preuve ou tout autre texte soumis au vote.
Le Groupe de travail a adopté le projet d’ordre du jour provisoire du Secrétariat pour la tenue de la première session de l’Assemblée des Etats parties. S’agissant de la composition du Bureau de l’Assemblée des Etats parties, il a été proposé la composition initiale suivante : 5 sièges pour le Groupe des Etats africains, 3 sièges pour le Groupe des Etats d’Asie, 3 sièges pour le Groupe des Etats de l’Europe orientale, 4 sièges pour le Groupe des Etats de l’Amérique latine et des Caraïbes et 6 sièges pour le Groupe des Etats de l’Europe occidentale et autres pays.

Sous prétexte de la lutte contre le terrorisme le gouvernement américain a durci la procédure d’obtention des visas empêchant certains délégués et membres de la société civile en particulier des pays de l’Est et du Sud de la Méditerranée de participer aux négociations. La FIDH dénonce cette pratique et appelle le gouvernement américain à donner une chance égale à tous les Etats, et à toutes les ONG indépendantes concernées de participer en septembre à la première réunion de l’ASP.

Appel urgent pour un processus transparent des nominations et élections des juges de la CPI
Le Groupe de travail de la Commission préparatoire sur la nomination des juges, du procureur et du greffier n’a pas été en mesure de trouver un consensus nécessaire à l’adoption d’un texte complet. La question est donc remise à l’Assemblée des Etats Parties. Le Statut de Rome prévoit trois exigences quant à la nomination des juges : une représentation équitable homme-femme, une représentation équitable des différentes zones géographiques et la prise en compte des différents systèmes juridiques existants. Or, aucun mécanisme de contrôle n’a été mis en place pour garantir que ces critères seront appliqués ainsi ni pour remédier à l’opacité qui règne dans ce domaine tant au niveau national qu’international. La crédibilité de la Cour est en jeu. La FIDH s’oppose absolument aux Etats qui estiment que les élections des juges doivent être libres et œuvre au contraire pour que le processus d’élection contienne des impératifs de compétence, de représentation géographique et de représentation équitable entre les hommes et les femmes.

En ce 17 juillet 2002, 4è anniversaire du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, journée de la Justice Internationale, la FIDH appelle les ONG à poursuivre leur lutte contre l’impunité.

La campagne internationale de ratification n’est pas achevée et la bataille de sa mise en œuvre commence !

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