Non à l’impunité, Pour une commission internationale d’enquête

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), organisations membres de la FIDH en Côte d’Ivoire, expriment leur plus vive inquiétude alors qu’est confirmée la perpétration de violations particulièrement graves des droits de l’Homme, à l’occasion des manifestations de l’opposition ivoirienne les 25 et 26 mars 2004, à Abidjan et dans le reste du pays.

Le bilan des évènements des derniers jours fait état, selon le MIDH, de 200 morts par balle et 400 blessés et disparus, là où les autorités évoquent 37 morts, et l’opposition 350 à 500.

A l’évidence, c’est l’arbitraire qui a présidé à la répression des manifestations, marquée par des crimes qu’il convient de qualifier « d’exécutions sommaires ». L’existence de charniers est évoquée.

Depuis le 25 mars, les forces de l’ordre ont procédé à de nombreuses rafles dans les zones sous contrôle gouvernemental, et notamment dans le district d’Abidjan, opérées en particulier pendant la nuit ; elles ont arrêté plusieurs centaines personnes à qui il serait reproché d’avoir participé à la manifestation. Selon les autorités, la majeure partie d’entre elles aurait été relâchée, mais plus d’une trentaine resterait aujourd’hui emprisonnée et interrogée dans les locaux de la police. Le MIDH fait en outre état d’enlèvements, de disparitions, de destructions massives, de tortures et de rackets.

La FIDH, la LIDHO et le MIDH considèrent que ces évènements extrêmement graves sont porteurs de lourdes incertitudes pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, d’autant que continue d’y prévaloir une situation d’impunité clairement et régulièrement identifiée, y compris par le Conseil de sécurité des Nations Unies, comme facteur de risque majeur de violations des droits de l’Homme (résolution 1464 du 4 février 2003).

La FIDH, la LIDHO et le MIDH soulignent une nouvelle fois la responsabilité des autorités de Côte d’Ivoire : elles ont gravement failli à leur obligation de garantir le respect des droits de l’Homme, conformément aux instruments internationaux liant la Côte d’Ivoire et aux engagements pris dans le cadre des accords de Marcoussis.

Une nouvelle fois l’exigence s’impose de la vérité sur les faits, de la justice et de la réparation pour les victimes et leurs famille. Il s’agit non seulement de répondre à un droit fondamental qu’elles réclament en vain, mais aussi de prévenir la perpétration de nouveaux crimes et, au-delà de contribuer à l’instauration d’une paix durable et à une vie politique apaisée.

Comme la FIDH le craignait (voir communiqué du 12 août 2003), les autorités ivoiriennes ont ignoré les dispositifs prévus dans les accords de Marcoussis aux fins d’enquête sur les violations des droits de l’Homme et de répression des crimes commis. L’annonce dans ces conditions d’un mécanisme national d’enquête sur les faits intervenus ces derniers jours ne peut être considérée comme crédible.

En conséquence, la FIDH, la LIDHO et le MIDH condamnent avec force la répression arbitraire et les violations des droits de l’Homme perpétrées ces derniers jours. Elles lancent un nouvel appel au calme à toutes les parties concernées.

Elles appellent la communauté internationale à la création, dans les plus brefs délais, d’une commission internationale d’enquête, et s’adressent en particulier au Secrétaire général des Nations Unies à cette fin. Cette commission devra établir les faits et les responsabilités afin que les auteurs des violations perpétrées soient effectivement traduits en justice.

La FIDH, la LIDHO et le MIDH annoncent qu’elles saisissent l’Organisation internationale de la Francophonie, aux fins d’intervention, d’une plainte pour « menace de rupture de la démocratie et violations graves des droits de l’Homme » dans le cadre de la procédure instaurée par la Déclaration de Bamako de novembre 2000 (Chapitre 5).

Nos organisations appellent enfin une nouvelle fois les autorités ivoiriennes à clarifier leur position sur la Cour pénale internationale, dont l’intervention serait certainement utile à prévenir l’aggravation de la situation et, en tout cas, à contribuer à lutter effectivement contre l’impunité.

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