Les plus hautes autorités ivoiriennes sont responsables des massacres du 25 mars : un rapport accablant, un impératif de justice

Vivement demandée par la FIDH le 30 mars 2004, quelques jours après la répression dans le sang d’une manifestation de l’opposition, une Commission internationale d’enquête du Haut Commissariat des droits de l’Homme, mandatée par le Secrétaire général des Nations unies, finalise un rapport accablant pour les plus hautes autorités ivoiriennes.

Si la Commission d’enquête met en avant la responsabilité politique des partis de l’opposition dans leur volonté de maintenir la manifestation malgré la tension ambiante, elle est sans commune mesure avec celle portée par les forces de sécurité et les milices pro-gouvernementales appelées forces parallèles dans la perpétration « planifiée » des actes criminels des 25 et 26 mars 2004. Surtout, la Commission d’enquête accable les plus hautes autorités de l’Etat ivoirien, au premier rang desquelles le Président de la République, chef des armés et directement responsable des actes des milices. La Commission rappelle que Laurent Gbagbo exprimait publiquement le 27 mars sa satisfaction quand à l’action des forces de sécurité et leur loyauté.

Selon la Commission d’enquête, l’interdiction de la manifestation par les autorités, la réquisition des forces armées, l’établissement d’une zone de sécurité autour du palais présidentiel et les déclarations des officiels ont favorisé un climat de haute tension autour de cet évènement. Surtout, la répression de la manifestation a été commise alors qu’aucune menace ne pesait sur les forces armées : aucune infiltration d’éléments du nord du pays ne prouvait la thèse d’une insurrection ; Les manifestants n’étaient pas armés. La répression était donc « disproportionnée » et « injustifiée ». Un vrai « massacre ». Pour cette manifestation, les autorités avaient même réquisitionné des tanks, des lances rockets, des hélicoptères et les forces navales !

La Commission d’enquête insiste sur le fait que les forces de sécurités n’ont pas uniquement visé les manifestants dans la rue mais aussi des individus dans leur domicile. Les « assassinats » ont été commis
« sans provocation de la part des manifestants » et « dirigées sur des bases communautaires », notamment contre des ressortissants de pays voisins. Deux charniers ont été constatés par des témoins occulaires. La Commission d’enquête a dénombré au moins 120 morts et 247 blessés parmi la population civile, chiffres qu’elle considère non définitifs. Outre ces « exécutions sommaires », la Commission d’enquête a mis en évidence d’autres graves violations des droits de l’Homme commises sur les même critères : « torture, arrestations et détentions arbitraires, disparitions ».

Ainsi, les conclusions de la Commission d’enquête confirment et étayent les graves violations des droits de l’Homme dénoncées par la FIDH* et la responsabilité directe portée par les plus hautes autorités nationales. La FIDH salue la recommandation de la Commission d’enquête faisant de la lutte contre l’impunité des auteurs des crimes commis depuis septembre 2002 l’élément indispensable de la fin des cycles de violence en Côte d’Ivoire. La Commission rejoint ainsi la préconisation réitérée depuis plusieurs années** par la FIDH comme l’ensemble des instances intergouvernementales, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies et ses deux commissions d’enquête précédentes*** Leurs recommandations, tout comme le dispositif de répression des crimes internationaux prévus dans les Accords de Marcoussis, sont restées lettre morte. A l’aune de ce nouveau rapport, l’impératif de justice doit être enfin entendu et suivi d’effets, quelle que soit la qualité et le niveau de responsabilité des auteurs des crimes.

La FIDH prend note des recommandations de la Commission d’enquête concernant notamment la création d’un Tribunal à caractère international et d’une Commission vérité réconciliation, tout en s’interrogeant sur leur faisabilité à court terme. La FIDH demande une nouvelle fois aux autorités ivoiriennes de clarifier leur position sur la Cour pénale internationale après qu’elles eurent annoncé, en février 2003, leur décision de la saisir*** Selon la FIDH, les faits en cause entrent dans la définition des crimes de guerre donnée par l’article 8 du Statut de Rome, et la Cour pénale internationale est en fonction et compétente pour connaître des crimes commis depuis juillet 2002.

Contact presse : +33 1 43 55 25 18/14 12
Gaël Grilhot, Daniel Bekoutou

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