Déclaration de la FIDH lors de l’Assemblée des États parties au statut de la Cour pénale internationale

16/12/2022
Déclaration
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FIDH

16 décembre 2022. Paul Nsapu Mukulu, vice-président d’honneur de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et président de la Ligue des électeurs en République démocratique du Congo, a pris la parole lors de l’Assemblée des États parties au statut de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, le 6 décembre 2022. Il a rappelé les six recommandations de la FIDH et insisté sur l’importance de la participation des victimes aux procédures de la Cour. Le texte du discours est disponible ci-après en français, mais aussi en anglais et en espagnol.

Excellences,

J’ai le grand plaisir de m’adresser à la 21e Assemblée des États parties au nom de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). Nous sommes une organisation qui fédère 188 ONG issues de plus de 110 pays, dont la Ligue des électeurs, que je préside, et qui travaille en République démocratique du Congo (RDC).

Ayant mené des activités clandestines sous le régime du général Mobutu, j’ai pu co-fonder en 1990 la Ligue des électeurs, et depuis, nous avons été actif·ves dans la promotion des droits humains et la défense des victimes de l’injustice. L’enquête sur les crimes internationaux commis dans l’Est de la RDC, ouverte en 2004, a été la première enquête menée par le Bureau du Procureur. La Cour a joué un rôle clé dans la question de la lutte contre l’impunité en RDC, avec les trois condamnations dans les affaires contre Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda, et nous continuons de suivre les développements depuis.

L’année 2022, qui marque le vingtième anniversaire de la Cour, a apporté des développements prometteurs, au niveau judiciaire avec l’ouverture de nouvelles enquêtes et affaires, mais aussi au niveau des réformes structurelles et de stratégies et politiques, en application notamment de premières recommandations émises par l’examen des experts indépendant·es.

Mais la Cour est confrontée à des défis croissants de toutes parts. La capacité de la CPI à remplir son mandat dépend fortement de la coopération des États parties, mais cela reste un défi permanent, notamment en ce qui concerne la non-exécution des mandats d’arrêt en suspens. La FIDH rappelle donc à cette AEP l’importance de coopérer activement avec la Cour, mais aussi de la soutenir avec l’attribution de ressources adéquates fondées sur les besoins. Nous appelons les États parties à adopter un budget 2023 conséquent, permettant notamment aux organes en charge de la mise en œuvre significative des droits des victimes de mener les activités nécessaires.

La FIDH et ses organisations membres s’inquiètent en effet de l’état actuel de la participation des victimes aux procédures devant la Cour. Nous notons avec regret qu’un certain nombre de recommandations d’expert·es indépendant·es, relatives aux droits des victimes, continuent d’être évaluées négativement, et que beaucoup d’entre elles ont été réassignées au Greffe. Il est particulièrement inquiétant que les victimes ne puissent systématiquement participer et être représentées de façon significative lorsque leurs intérêts sont visés, y compris aux stades préliminaires de la procédure, mais aussi dans la phase de réparations. Des moyens nécessaires doivent être attribués à la CPI afin qu’elle fournisse des réparations rapides et efficaces à toutes les victimes éligibles et d’améliorer ses retards et incohérences procédurales passés, comme dans le cas de la RDC, où les victimes attendent encore.

Malheureusement, la FIDH continue de constater des occasions manquées d’échanges significatifs avec la société civile, qui restent souvent limités ou sélectifs. Le travail de la Cour serait renforcé en consacrant d’avantage de temps et de ressources à l’engagement avec les survivants et survivantes, ainsi que la société civile, tant pour la conduite d’enquêtes et de poursuites efficaces, le travail de sensibilisation et de communication, que pour le développement de politiques plus larges au sein de la CPI. Il est essentiel que cette Assemblée reconnaisse les efforts déployés et le travail vital de la société civile depuis de nombreuses années pour documenter les violations graves, dans des conditions de sécurité souvent difficiles, travailler en soutien des victimes, et lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves. Les États parties doivent s’engager à garantir les conditions adéquates pour que la société civile puisse travailler en toute indépendance et collaborer sans encombre avec la Cour.

Nous exhortons l’Assemblée des États parties à travailler pour garantir que les victimes soient placées au cœur des procédures de la CPI. Nous réitérons le besoin impératif de faire front commun pour rendre la justice que les victimes méritent. Si nous continuons à travailler à une justice pour les victimes, mais sans les victimes et les organisations de la société civile qui les soutiennent, le risque de perte de légitimité et de crédibilité de la Cour sera devenu une réalité.

Je vous remercie.

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