Déclaration de la FIDH à la 20ème session de l’Assemblée des États parties au Statut de la CPI

08/12/2021
Déclaration
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Le 8 décembre, Guissou Jahangiri, vice-présidente de la FIDH et directrice d’OPEN ASIA | Armanshahr, a prononcé le discours de la FIDH lors du débat général de l’#ASP20. Voir l’enregistrement vidéo et lire le texte complet (version longue) ci-après.

Excellences,

J’ai le grand plaisir de m’adresser à la 20ème Assemblée des États parties en tant que vice-présidente de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). Nous sommes une organisation qui fédère 192 ONG issues de 117 pays, dont OPEN ASIA - Armanshahr, une organisation qui travaille en Afghanistan et dont je suis la directrice exécutive.

Je suis féministe et, au cours des 29 dernières années, j’ai travaillé en Asie centrale et notamment en Afghanistan, un pays où la violence permanente fait des ravages au sein de la population. Mon équipe et d’autres organisations afghanes mènent depuis 16 ans une documentation sur les crimes internationaux et d’autres travaux liés au mandat de la CPI, en allant à la rencontre des victimes, en particulier des filles et des femmes, souvent en prenant de grands risques. L’année dernière, un collègue a été tué un jour après une réunion dans nos bureaux. En août dernier, après le retrait des troupes américaines, mon organisation OPEN ASIA - Armanshahr a dû évacuer son personnel, dont une grande partie se trouve encore dans le pays et court de grands risques. Nous n’avons pas seulement perdu la capacité des personnes qui s’efforçaient de renforcer la responsabilité des crimes internationaux. Nous avons également dû détruire des documents et du matériel sur lesquels nous avons travaillé pendant des années. Il n’est pas exagéré de dire que nous avons perdu le travail de toute une vie. Pendant ce temps, la CPI est restée largement absente.

Nous nous félicitons de l’ouverture récente par le Bureau du Procureur de l’enquête en Afghanistan, mais nous sommes profondément préoccupés par le fait que le Procureur ait restreint l’enquête au point d’exclure certains auteurs présumés, qui n’auront désormais pas affaire à la justice. Pour reprendre les termes de la Chambre préliminaire dans sa récente décision relative aux droits des victimes : " ...une enquête digne de ce nom doit d’abord se concentrer sur les crimes, puis sur l’identification des personnes responsables de ces crimes. "

La responsabilité des auteurs de crimes internationaux commis en Afghanistan est loin d’être établie. Nous n’avons pas réussi à rassembler et à préserver correctement les preuves qui pourraient éventuellement être utilisées à l’avenir pour amener les auteurs de ces crimes à rendre des comptes. Il faut faire davantage et nous ne pouvons plus nous contenter d’assister à la destruction de preuves cruciales. Nous appelons les États parties à coopérer efficacement avec la Cour et à faire pression pour obtenir des solutions technologiques modernes afin de pouvoir protéger et préserver des informations essentielles avant qu’il ne soit trop tard.

La FIDH est également préoccupée par les ressources financières limitées de la Cour. Sans un budget qui suit une approche basée sur les besoins et un flux de trésorerie suffisant, la Cour ne peut tout simplement pas remplir son mandat ni fonctionner. Vous ne serez pas surpris de m’entendre dire que la Cour a besoin de plus de fonds pour mener des enquêtes et des poursuites appropriées, des activités de sensibilisation auprès des survivants, des victimes et des communautés affectées et de meilleures campagnes d’information publique, plus localisées. Les survivants, les victimes et les communautés affectées sont au cœur du travail de la Cour et nous ne respecterons l’esprit du Statut de Rome que lorsque nous leur fournirons des informations adéquates et opportunes sur les questions qui affectent leurs droits.

Les organisations de la société civile jouent un rôle crucial en aidant la Cour à s’engager auprès des communautés concernées. Dans des situations comme celle de l’Afghanistan, mais aussi dans de nombreuses autres où les risques pour les défenseurs des droits humains sont élevés, il est plus important que jamais qu’un dialogue s’instaure entre toutes les parties prenantes. J’encourage l’AEP à faire pression en faveur d’un plus grand dialogue entre toutes les parties prenantes, y compris dans le traitement des conclusions et la mise en œuvre des recommandations de l’examen mené par des experts indépendants, un dialogue qui va au-delà des simples formalités et implique des consultations véritables et significatives qui tiennent compte des réalités des pays où une situation est en cours. Il est urgent que nous fassions front commun et que nous nous unissions pour rendre la justice que les victimes méritent.

Merci.

Guissou Jahangiri
Vice-présidente de la FIDH
Directrice d’OPEN ASIA/Armanshahr

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