Séminaire « Globalisation de la justice : la CPI »

organisé par la FIDH en partenariat avec
Amnesty International, la Coalition pour la CPI (CICC) et
ICC-India/Women’s initiative for women’s research and action group

Rapport de synthèse du séminaire

organisé par la FIDH en partenariat avec
Amnesty International, la Coalition pour la CPI (CICC) et
ICC-India/Women’s initiative for women’s research and action group


Le séminaire, qui a duré six heures, était divisé en deux sessions d’une égale durée portant l’une sur la campagne mondiale pour la CPI, l’autre sur la pertinence de la CPI dans le « Sud global ».

Au cours de la première session, présidée par Rhonda Copeland (Women’s initiative for gender justice), sont intervenus successivement :

1. Sur la campagne pour la CPI :
Sidiki Kaba, président de la FIDH, sur l’importance de l’inclusion de la CPI dans l’agenda du Forum social mondial 2004 ;
Joydeep Sengupta (CICC), sur le rôle de la CPI dans la globalisation de la justice ;
Raji Sourani, Vice-président de la FIDH et Président du Palestinian Center for human rights, sur le défi de l’impunité (Raji Sourani, ayant été interdit de voyage par le gouvernement israélien, a transmis un message qui a été lu à la tribune du séminaire) ;
Amal Basha, Directrice exécutive de Sister’s arabic forum for human rights (Yemen), sur les acquis de l’expérience yéménite pour la campagne pour la ratification du traité CPI dans la région arabe.

2.Sur la CPI confrontée aux questions de genre :
Vahida Nainar (Women’s initiative for gender justice) sur le traitement du statut de Rome en termes de genre et ses conséquences sur un monde globalisé ;
Shirin Ebadi, avocate iranienne, Prix Nobel de la Paix 2003, sur la question de la place à trouver pour les femmes dans le droit international et du rôle de la CPI à cet égard.

Au cours de la seconde session, présidée par Sidiki Kaba, président de la FIDH, sont intervenus successivement :

1.Sur la question générale de la pertinence de la CPI dans le « Sud global » :
Ian Gibson (Amnesty international) sur l’opposition des USA à la CPI et ses conséquences globales ;
Gilbert Kalinde (Groupe Lotus, République démocratique du Congo) sur la CPI vue par les victimes ;
Rhonda Copeland (Women’s initiative for gender justice) sur la question de savoir ce que peut la justice internationale pour les victimes du Gujarat.

2.Sur l’Inde face à la CPI :
Usha Ramanathan (chercheur en droit, membre d’honneur du Centre pour l’étude des sociétés en développement) sur les soucis et les réponses du gouvernement indien ;
Mihir Desai (avocat indien spécialisé dans les droits de l’Homme, directeur du Centre indien pour les droits de l’Homme et l’avocat) sur le besoin d’une campagne indienne sur la CPI ;
Saumya Uma (coordinatrice de ICC-India et codirectrice de Women ‘s research and action group.

Le présent rapport de synthèse sera ordonné thématiquement selon le plan suivant :

1.Etat des lieux
2.Difficultés
3.Actions menées (internationale et nationales)
4.Buts visés

1. Etat des lieux

11. En Inde

111. Sur la situation au Gujarat

Rhonda Copeland a mis en lumière le cercle infernal des violences en miroir et l’ampleur de la responsabilité du gouvernement indien. Usha Ramanathan a souligné combien cette inefficacité des réactions judiciaires au niveau national a fait évoluer l’opinion indienne sur l’idée de l’utilité d’une juridiction internationale.

112. Sur la situation générale indienne

Mihir Desai puis Saumya Uma ont décrit les progrès de la campagne indienne pour la ratification du traité CPI, qui s’est notamment appuyée sur la dénonciation de l’inefficacité des structures judiciaires et policières indiennes face aux violences « communalistes ». Même si de nombreux jeunes ont rejoint la campagne pour la CPI, il reste encore beaucoup à faire, surtout compte tenu des pressions US pour le sabotage de la CPI.

12. Au Maghreb et au Moyen-Orient

121. Sur la situation générale du monde arabe

Amal Basha a caractérisé la faiblesse des sociétés civiles, la dominance de cultures oppressives et patriarcales et de la corruption. On ne s’étonne donc pas de ne compter encore que 2 ratifications sur 22 Etats de la région. Que faire alors, s’interroge une militante irakienne ? Réponse de Joydeep Sengupta : des coalitions nationales...

122. Sur le cas spécifique de l’Irak

Interpellée par les militantes irakiennes présentes, Shirin Ebadi répond, joignant le geste à la parole : « Main dans la main », femmes iraniennes, irakiennes et des autres pays de la région, contre violences et occupations, pour que les peuples puissent librement choisir leur destin... car les droits de l’Homme ne s’imposent pas par les bombes.

123. Sur le cas de l’Iran

Shirin Ebadi a expliqué que comme dans le monde arabe, les violences contre les femmes en Iran sont nombreuses... et sont autorisées par la loi. La question des « crimes d’honneur » est ici aussi grave qu’emblématique.

2. Difficultés particulières

21. Réticences et hostilité des Etats

Vahida Nainar a rappelé à quel point les réticences des Etats sont privées de fondement sérieux dès lors que la compétence de la CPI est subsidiaire (principe de complémentarité). Pour autant, on ne peut que constater la virulence de la campagne de sabotage de la CPI orchestrée par les USA (Ian Gibson). Et l’on sait que les USA ont notamment, dans la dernière période, exercé des pressions souvent couronnées de succès sur des Etats plus ou moins fragiles ou dépendants pour paralyser la compétence de la CPI : Usha Ramanathan a évoqué l’accord secret intervenu le 26 décembre 2002 entre les gouvernements des USA et de l’Inde ; Saumya Uma a noté corrélativement que le gouvernement indien a fait pression sur de grandes organisations afin de les dissuader de participer à la campagne pour la CPI.

22. Interrogations sur l’efficacité de la CPI

Raji Sourani a souligné dans son message que la nécessité du consentement de tous les Etats concernés par un litige donné ne pouvait qu’engendrer le scepticisme sur l’efficacité de la CPI. Il est ainsi évident qu’Israël refusera toute intervention de la Cour, alors que les crimes de guerre sont en Palestine une réalité quotidienne. Mais il n’en affirme pas moins l’absolue nécessité de se battre pour la justice internationale au nom des victimes.


3. Actions menées

31. Action internationale

Joydeep Sengupta a présenté dans une perspective historique l’action de la Coalition internationale pour la CPI, dont l’organisation comprend aujourd’hui des réseaux régionaux et nationaux qui prennent en compte la diversité d’approches idéologiques et culturelles...

32. Actions nationales

Rhonda Copeland a affirmé avec force la nécessité de mener le combat universaliste aussi sur des bases nationales. Après Sidiki Kaba, elle a souligné l’importance de l’engagement des ONG, en particulier pour populariser le rôle de la CPI, ce dont ont à leur tour témoigné, à partir de leur expérience nationale, Amal Basha (Yemen) et Saumya Uma (Inde).

4. Buts visés

41. Le rôle historique de la CPI

Joydeep Sengupta a caractérisé l’importance de l’innovation qu’a représenté l’institution de la CPI comme le tournant le plus important dans la vie du droit international depuis la fondation de l’ONU : il s’agit, dans un monde qui reste dominé par les cultures de violences (voir en particulier le « communalisme » en Inde), de construire un ordre international fondé sur le droit. Il s’agit au premier chef du service des victimes, toujours au nombre des plus vulnérables et des plus oubliés (Joydeep Sengupta, Gilbert Kalinde).

42. La CPI gage d’effectivité du droit international

Sidiki Kaba a souligné combien le droit international avait encore besoin d’effectivité, et à quel point l’effectivité des droits dépendait de l’institution d’une justice pour tous sur cette planète. Shirin Ebadi a fait remarquer à ce propos qu’il s’agit de la première occasion historique pour les victimes d’être représentées à l’échelle internationale.

43. La CPI gage d’universalité et d’égalité en droits

Shirin Ebadi a considéré que le principal apport de la CPI tenait à ce qu’elle soit en mesure d’imposer le respect des droits fondamentaux à l’échelle universelle. Sidiki Kaba a mis en lumière la place à cet égard centrale de la lutte contre les discriminations, en particulier sur le terrain des inégalités entre hommes et femmes, et ce à la fois au Nord et au Sud. De ce point de vue, Vahida Nainar a établi l’importance de la problématique de « gender integration » dans le statut de la CPI (s’agissant notamment de viols, de grossesses forcées, de trafic d’êtres humains, et en général de violences sexuelles) et dans le fonctionnement de celle-ci.

44. La CPI, la bonne et la mauvaise mondialisation

Sidiki Kaba a opposé la bonne mondialisation, celle de la justice, à la mauvaise, celle des injustices et des discriminations. Shirin Ebadi a rappelé dans le même sens que la FIDH n’est pas hostile au principe de la mondialisation mais à ses orientations actuelles. Pour Sidiki Kaba, la lutte contre les nouvelles formes d’impunité (s’appliquant aux firmes multinationales) participe de la lutte contre la mondialisation libérale qui est à la racine des crimes commis par ces firmes.

Ainsi l’engagement de la FIDH pour la CPI se situe-t-il nécessairement sur un double terrain, juridique (le progrès du droit international) et politique (la construction d’un rapport de forces nécessaire à l’évolution de ce droit vers une plus grande universalité et une plus grande effectivité), le mot d’ordre qui unifie les deux facettes de ce combat étant « Justice pour tous ».

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