Menace de dé-signature du statut de la CPI : A quel jeu joue George W. Bush ?

Hier, M. Colin Powell, secrétaire d’Etat américain avait annoncé l’intention du gouvernement Bush de se désengager du Statut de la Cour pénale internationale (CPI).

Déjà, lors d’une conférence de presse, le 28 mars 2002, l’ambassadeur américain chargé des questions des crimes de guerre, Pierre-Richard Prosper, avertissait que le gouvernement américain étudiait avec attention un possible retrait du Statut de Rome signé par Bill Clinton le 31 décembre 2000. La rumeur de la dé-signature est donc de nouveau à l’ordre de jour. Elle devait se vérifier aujourd’hui lors d’une conférence de presse à Washington de Marc Grossman, sous-secrétaire d’Etat américain, et de Pierre-Richard Prosper. A la surprise générale, les Etats-Unis ont démenti l’annonce de la dé-signature américaine du Statut.

Néanmoins, les intervenants ont clairement réaffirmé leur volonté de s’opposer à la mise en œuvre et au fonctionnement de la Cour en considérant que la signature ne les engageait nullement et en rappelant qu’ils refuseront absolument de coopérer avec la CPI. Cet apparent revirement n’est qu’un leurre, les conséquences demeurent préoccupantes.

En effet, ce matin à Washington, Marc Grossman, sous-secrétaire d’Etat américain a déclaré que :
"Le Président Bush est arrivé à la conclusion que les Etats-Unis ne pouvaient pas être partie plus longtemps à ce processus. Afin que nos positions soient claires, à la fois dans le principe et dans la philosophie, et afin de ne pas créer de faux espoirs concernant l’engagement des Etats-Unis dans la Cour, le Président estime qu’il n’a pas d’autre choix que d’informer les Nations Unies, en tant que dépositaire du Traité, de notre intention de ne pas devenir partie du Statut de Rome de la Cour pénale internationale" [1]
Par ces déclarations, l’administration américaine remet pourtant en cause l’article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969, dont les Etats-Unis sont signataires. Cet article fait obligation à un Etat signataire " de s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but lorsqu’il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d’acceptation ".

En prenant de telles positions, les Etats-Unis soutiennent une justice internationale à deux niveaux. Nul doute que le gouvernement Bush continuera à mener une politique de dénigrement de la CPI et mettra tout en œuvre pour garantir l’immunité des nationaux américains de toute poursuite devant cette Cour.

Précisons que cette décision s’inscrit dans une politique systématique du refus du multilatéralisme. Ainsi, après le retrait du Traité ABM sur les missiles anti-missiles, le refus de ratifier le Traité sur les mines anti-personnelles ou encore le refus d’adhérer aux accords de Kyoto, les Etats-Unis s’engagent désormais dans une bataille acharnée contre les nouveaux mécanismes de lutte contre l’impunité.

La décision américaine de se désolidariser du Statut, intervient paradoxalement quelques jours après la création de la Cour pénale internationale le 11 avril dernier. La position américaine est en contradiction flagrante avec les négociations qui viennent de se dérouler à New York en avril dernier où les Etats tentaient de finaliser le budget de la CPI et sa mise en place à La Haye.

L’énergie dépensée par les Etats-Unis à saboter la Cour serait pourtant bien utile ailleurs par exemple pour impulser la ratification universelle du Statut de la CPI !

La FIDH lance un appel solennel à tous les Etats, afin qu’ils ne cèdent pas aux intimidations américaines, et particulièrement aux 66 Etats Parties, afin qu’ils fassent pression sur les Etats-Unis pour que ceux-ci reviennent sur une position choquante qui achèverait de les placer en marge de la communauté des Etats et des communautés de victimes.

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