Déclaration de la FIDH lors de l’ouverture de la Conférence de Révision du Statut de la Cour pénale internationale

Par Dismas Kitenge, Vice-Président de la FIDH

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

J’ai le grand honneur de représenter à cette conférence la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses 164 organisations membres de plus de 100 pays, et de m’adresser à vous en ma qualité de Vice-Président.

Engagée aux côtés des victimes des crimes les plus graves, la FIDH a plaidé pour la mise en place d’une Cour pénale internationale permanente dès 1922. Elle a applaudi à l’adoption de son Statut à Rome en 1998. Depuis, elle œuvre pour que la Cour, et les principes de son statut, soient universels, et que la Cour dispose de tous les moyens indispensables à son action. La FIDH accompagne devant la Cour, les victimes et les représentants de la société civile, dans leur quête de justice et de réparation.

Aujourd’hui, dans un contexte international drastiquement différent de ce qu’il était il y a 12 ans, cette conférence revêt une importance singulière. Alors que le soutien à la justice internationale semble souvent apparaître secondaire, vous pouvez, vous devez, affirmer, et renforcer, votre soutien à la Cour pénale internationale, à la mise en oeuvre effective du système de Rome. Ainsi, vous tendrez à réaliser l’objectif de la Cour de mettre fin à l’impunité des crimes les plus graves qui heurtent profondément la conscience humaine et qui menacent la paix et le bien être du monde.

Concernant les points sur lesquels vous travaillerez lors des deux prochaines semaines, nous souhaitons partager certains des éléments de notre analyse, concernant d’abord le bilan du travail de la Cour et des Etats parties.

Ainsi, nous avons pu constater que la mise en œuvre des droits des victimes a entraîné une reconnaissante croissante de la dignité des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont subi des crimes atroces qui heurtent la conscience de l’humanité. Elle a également contribué à une meilleure connaissance par les victimes de leurs propres droits. Toutefois, il nous semble encore très important que la Cour puisse accroître ses efforts visant à informer les victimes des procédures en cours, facilitant aussi leur participation. En ce sens, le Fonds au profit des victimes a besoin de votre soutien, et de davantage de contributions. La FIDH vous appelle aussi à oeuvrer pour l’intégration et l’application effective des droits de victimes au niveau national.

Il est également de première importance que ceux qui assistent les victimes et soutiennent la Cour dans la mise en ouvre de son mandat, les intermédiaires, bénéficient d’une protection renforcée, tant de la part des Etats que de la Cour.

L’absence encore importante de procédures nationales dans de nombreux pays où des crimes graves sont commis, le défaut de volonté politique réelle, mais également des restrictions de plus en plus nombreuses à la mise en oeuvre du principe de compétence universelle doivent vous amener à considérer l’adoption des moyens qui permettraient la mise en oeuvre effective du principe de complémentarité, gage d’efficacité du système de Rome tout entier.

A cet égard, le soutien aux efforts du Bureau du Procureur de mettre en oeuvre une complémentarité dite « positive » et la mise en place d’un mécanisme de suivi des discussions sur la complémentarité au sein de l’Assemblée des Etats parties sont incontournables.

En outre, nous tenons à réaffirmer ici que la justice est un élément indispensable à la réalisation de la paix. En effet, il n’est pas possible d’atteindre une paix durable sans devoir rendre compte des crimes les plus odieux, en bafouant à nouveau les droits des victimes. La Cour ne peut être l’otage d’évènements politiques extérieurs, qui l’écarteraient de l’oeuvre de justice qui est la sienne.

Il est d’ailleurs à cet égard très dommageable que la CPI reçoive une coopération encore trop défaillante.

Certaines conclusions des rapports de la Cour sur la coopération sont particulièrement préoccupantes. Tous les efforts doivent être déployés pour que les mandats d’arrêts de la Cour soient exécutés. Il en va de la crédibilité de l’institution, et de celle aussi de l’engagement des Etats parties. La FIDH tient également à rappeler que le soutien politique et diplomatique font partie intégrante des obligations que les Etats parties ont assumé lors de l’adoption du Statut.

Enfin, pour ce qui concerne les propositions d’amendements, la FIDH vous appelle à supprimer l’article 124. L’adoption de l’amendement proposé à l’article 8 nous semble indispensable pour l’harmonisation des règles applicables aux conflits armés internes et internationaux. Enfin, pour ce qui concerne l’insertion du crime d’agression, la FIDH vous demande de veiller au respect de l’indépendance de la Cour et de l’intégrité de son Statut.

Nous vous appelons à réaffirmer, et prolonger, vos engagements pris depuis 12 ans, pour que les victimes des crimes les plus terribles d’ici et d’ailleurs, sachent que leur espoir de justice et de paix n’est pas vain.

Je vous remercie de votre attention.

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