France : Lettre ouverte de la CFCPI en faveur de la levée des verrous à la mise en oeuvre de la compétence universelle pour les crimes les plus graves

© Senat

Dans le contexte de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire devant le Sénat, débattu en plénière à partir du 28 septembre, les membres de la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) soutiennent un amendement déposé à l’initiative du sénateur Jean Pierre Sueur visant à supprimer deux des verrous à la mise en œuvre de la compétence universelle :
• La condition de résidence habituelle sur le territoire français de l’auteur présumé des faits ;
• La condition de double incrimination pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Téléchargez la lettre ouverte de la CFCPI ici.

Mécanisme juridique fondamental dans la lutte contre l’impunité, le mécanisme de compétence universelle est indispensable à une justice pénale internationale efficace. Or, en France, ce mécanisme a été fortement vidé de sa substance par la mise en place de plusieurs conditions cumulatives excessivement restrictives, dans le cadre de la loi de transposition du Statut de la Cour pénale internationale en droit français, du 9 août 2010. Celles-ci portent une atteinte grave aux droits des victimes à un recours effectif.

L’amendement vise à supprimer deux importants verrous :
 1. Le premier verrou concerne la condition de résidence habituelle sur le territoire français de l’auteur présumé des faits. Il s’agit d’une limitation par rapport à la répression des crimes internationaux (terrorisme, disparition forcée, torture, etc.) pour lesquels une simple présence sur le territoire suffit (voir art. 689-1 à 689-10 du CPP). Tel est également le cas des personnes susceptibles d’être déférées devant les juridictions françaises pour les faits commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda (article 2 de la loi n°95-1 du 2 janvier 1995). Cette différence de traitement est injustifiable. Cette condition permet donc à des auteurs présumés des crimes les plus graves de venir séjourner sur le territoire français, en toute impunité.
 2. Le second verrou concerne la condition de double incrimination, qui, bien que supprimée pour le crime de génocide, a été maintenue pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Or, cette exigence n’existe que pour les délits (voir art. 113-6 du CPP) et non pour les crimes. Il est donc profondément choquant de subordonner la possibilité de poursuivre et de juger les auteurs de crimes les plus odieux à l’existence de dispositions pénales les réprimant dans la législation de l’État dont ils ont la nationalité ou du territoire où ils ont commis leurs crimes. Imposer la règle de la double incrimination revient à nier l’universalité qui sous-tend la mise en place de cette justice pénale internationale. Elle conduirait à créer en France une zone d’impunité, par exemple, aux auteurs présumés de crimes contre l’humanité si ce crime n’était pas pénalement incriminé dans leur propre pays, comme dans le cas de la Syrie.

Le présent amendement vise donc à supprimer ces verrous afin que la justice française s’aligne sur d’autres pays européens, en particulier l’Allemagne, ainsi que sur ses engagements internationaux. Cet amendement marquerait une évolution capitale du droit pour les victimes des crimes internationaux les plus graves, même si demeurera le verrou que constitue le monopole des poursuites confié au Parquet, qui en pratique prive les victimes du droit de déposer des plaintes avec constitution de partie civile.

Les membres de la CFCPI appellent les sénateurs à se saisir de cette opportunité pour supprimer deux importants verrous à l’exercice de la compétence universelle en France, contribuant ainsi aux engagements de la France contre l’impunité en permettant la poursuite et le jugement d’auteurs présumés des crimes les plus graves.

Coalition française pour la Cour pénale internationale
(Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) – Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme – Amnesty International (AI) – Association pour le Droit international humanitaire – Avocats sans Frontières (ASF) – Barreau de Paris – Barreau des Hauts-de-Seine – Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe – CIMADE – Comité d’Aide aux Réfugiés – Compagnons de la Fraternité Edmond Michelet – Confédération nationale des Avocats – DIH Mouvement de Protestation Civique – ELENA Réseau d’Avocats sur le Droit d’asile – Ensemble contre la Peine de Mort – Fédération Internationale de l’ACAT (FIACAT) – Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) – Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes – Fédération nationale des Unions de Jeunes Avocats – France Libertés – France Terre d’Asile – Handicap International – Juristes sans Frontières – Justice et Paix France – Ligue pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (LDH) – Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés – Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) – OIDBB – Reporters sans frontières (RSF) – Ruptures – Sherpa – Solidarité avec les Mères de la Place de Mai – Survie – Syndicat des Avocats de France (SAF) – Syndicat de la Magistrature (SM) – Terre des Homme – Union pour l’Europe Fédérale – UNSA Education)

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  • Co-signataires

    Les organisations composant la CFCPI sont : Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) – Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme – Amnesty International (AI) – Association pour le Droit international humanitaire – Avocats sans Frontières (ASF) – Barreau de Paris – Barreau des Hauts-de-Seine – Centre Nord-Sud du Conseil de l’Europe – CIMADE – Comité d’Aide aux Réfugiés – Compagnons de la Fraternité Edmond Michelet – Confédération nationale des Avocats – DIH Mouvement de Protestation Civique – ELENA Réseau d’Avocats sur le Droit d’asile – Ensemble contre la Peine de Mort – Fédération Internationale de l’ACAT (FIACAT) – Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) – Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes – Fédération nationale des Unions de Jeunes Avocats – France Libertés – France Terre d’Asile – Handicap International – Juristes sans Frontières – Justice et Paix France – Ligue pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (LDH) – Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés – Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP) – OIDBB – Reporters sans frontières (RSF) – Ruptures – Sherpa – Solidarité avec les Mères de la Place de Mai – Survie – Syndicat des Avocats de France (SAF) – Syndicat de la Magistrature (SM) – Terre des Homme – Union pour l’Europe Fédérale – UNSA Education

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