Violences sexuelles et basées sur le genre
Tout en saluant les avancées importantes dans nombreuses affaires fondées sur la compétence universelle en 2021, le rapport UJAR souligne le chemin qui reste à parcourir pour rendre justice aux victimes de violences sexuelles. Outil puissant pour lutter contre l’impunité des crimes internationaux, la compétence universelle devrait en effet servir également de recours juridique aux victimes de violences sexuelles.
Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Sur les 125 chefs d’accusation prononcés en 2021, seuls 17 concernent des violences sexuelles. Le rapport UJAR 2022 explique pourquoi et comment la compétence universelle devrait devenir un instrument plus efficace pour rendre justice aux victimes et survivant.es de ces crimes.
La compétence universelle : une justice qui dépasse les frontières.
Le rapport UJAR 2022 documente des cas de crimes internationaux relevant de la compétence universelle, parmi lesquels le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Des procédures ont été initiées par des juges et procureur.es dans le monde entier et se sont poursuivies en 2021. En tout, 125 chefs d’accusation ont été portés dans des affaires de compétence universelle, dont 34 pour crimes de guerre, 66 pour crimes contre l’humanité, 25 pour génocide. Seuls 17 chefs d’accusation ont été enregistrés pour des violences sexuelles en temps de conflit.
Qu’il s’agisse de crimes commis pendant le génocide au Rwanda, lors de la guerre en Syrie ou durant la période Jammeh en Gambie, les autorités de poursuite nationales disposent, grâce à la compétence universelle, de moyens efficaces pour s’assurer que les accusé.es répondent de leurs actes et que les voix des victimes soient entendues.
« La compétence universelle ne cesse de gagner du terrain. Avec 17 accusé.es actuellement en procès et 15 condamnations, la contribution de nombreux États à la lutte contre l’impunité pour crimes internationaux passe aussi, de manière chaque fois plus importante, par les cas recensés dans le rapport UJAR 2022 »
La compétence universelle : un outil négligé pour lutter contre les violences sexuelles
Principe juridique désormais établi et dont la contribution à la lutte contre l’impunité est reconnue, la compétence universelle ne semble pas aussi efficace dans la pratique, lorsqu’il s’agit de cas de violences sexuelles. Après des siècles d’invisibilité et négligence, ces crimes – tels que le viol, la stérilisation et la nudité forcées, l’esclavage sexuel – sont de plus en plus documentés et poursuivis. En 2021 par exemple, plusieurs cas relevant de la compétence universelle ont porté sur des crimes sexuels, comme les verdicts prononcés contre le colonel syrien Anwar Raslan en Allemagne et contre le chef de guerre libérien Alieu Kosiah en Suisse.
Malgré ces avancées, les violences sexuelles font encore trop rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites lors de cas relevant de la compétence universelle. Les raisons en sont diverses, en particulier le fait que ces crimes ne font pas souvent partie des stratégies d’enquête et que, lorsqu’ils sont poursuivis, sont souvent qualifiés d’actes de torture. Or la qualification juridique des violences sexuelles comme des actes de torture ne permet pas de refléter leur usage comme arme de guerre et comme une tactique sociale extrêmement dommageable, visant à affaiblir le tissu social des communautés vulnérables. De plus, les témoignages des victimes sont clés pour poursuivre ces crimes. Les risques de traumatisme additionnel et de stigmatisation associés à l’acte de témoigner démontrent le besoin de formation spécifique du personnel judiciaire pour mener ces entretiens.
Sur la compétence universelle
Le principe juridique de compétence universelle se fonde sur l’idée que les crimes internationaux sont d’une nature si grave qu’ils constituent une atteinte à tous les êtres humains et que la lutte contre l’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes n’a pas de frontières. En vertu de ce principe, les États ont la possibilité (et parfois même l’obligation) de poursuivre les personnes accusées de crimes internationaux sur leur territoire, et ce peu importe où ont été commis les crimes et quelle que soit la nationalité des suspects et de leurs victimes.
Sur le rapport UJAR 2022
Cette publication a bénéficié du généreux soutien de la Oak Foundation, de la Taiwan Foundation for Democracy, de UKaid et de la Ville de Genève. Il a été réalisé conjointement par la FIDH, TRIAL International, Civitas Maxima, CJA, ECCHR et REDRESS.
Lire le rapport en anglais :