Commentaires révisés sur le projet de texte du 21 juin 2004 proposé par le Groupe de travail chargé de rédiger un instrument normatif sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

28/01/2005
Communiqué

Le Groupe de travail de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies chargé de rédiger un « projet d’instrument normatif juridiquement contraignant pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » tiendra sa prochaine session du 31 janvier au 11 février prochains.
Le texte en discussion reste celui qui avait été rédigé en juin 2004 par la présidence française puis examiné par le Groupe de travail lors de la session d’octobre 2004.

Les commentaires ci-dessous constituent donc une version révisée des commentaires produits par la FIDH en octobre 2004.

Les principales préoccupations de la FIDH, dans le cadre de ce processus portent sur les thèmes suivants : la lutte contre l’impunité des auteurs de disparitions forcées (I), les droits des victimes (II), la responsabilité de l’Etat en lien avec des actes accomplis par des entités privées (III), l’organe de suivi (IV) et la question des réserves au traité (V).

I - LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ DES AUTEURS DE DISPARITIONS FORCÉES

A - Prohibition de l’amnistie des auteurs de disparitions forcées

Article 7

La FIDH soutient avec vigueur la réintroduction d’une disposition prohibant l’amnistie des disparitions forcées. L’absence de disposition pourrait être interprété comme un précédent négatif dans la construction en cours d’une règle coutumière. Le refus du groupe de prohiber l’amnistie d’une violation aussi grave que les disparitions forcées affaiblirait considérablement la portée de l’instrument en permettant aux États de paralyser toutes leurs obligations en matière pénale et en ouvrant ainsi la voie à l’impunité des auteurs de disparition.

Pour rappel, dans son rapport sur l’établissement d’un tribunal spécial pour le Sierra Leone, le Secrétaire général des Nations Unies écrit : « Tout en reconnaissant que l’amnistie est une notion juridique acceptée et représente un geste de paix et de réconciliation à la fin d’une guerre civile ou d’un conflit armé interne, l’Organisation des Nations Unies a toujours affirmé qu’elle ne pouvait être accordée en ce qui concerne les crimes internationaux, comme le génocide, les crimes contre l’humanité ou autres violations graves du droit international humanitaire » (S/2000/915). Les accords de Lomé avaient été signés avec cette réserve expresse que l’on retrouve dans le Statut du Tribunal.

En dernier lieu, dans sa décision Kondewa - Decision on lack of jurisdiction / abuse of process : Amnesty provided by the Lomé Accord du 25 mai 2004, la chambre d’appel de la Cour spéciale pour le Sierra Leone a validé cette réserve d’interprétation en jugeant que son statut était conforme aux accords de Lomé sur ce point.

Il convient de rappeler également que, dans le cadre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention s’entend d’un recours en matière pénale lorsqu’il concerne une violation grave des droits de l’Homme (torture, disparition notamment).

Pour un panorama assez complet des développements récents en la matière, on renvoie à l’étude réalisée par Mme Diane Orentlicher sur la question de l’impunité (E/CN.4/2004/88, B - Droit à la justice, §§ 24-32). L’experte indépendante conclut au paragraphe 32 :

« L’évolution de la situation en Argentine, en Sierra Leone et dans d’autres pays montre que par prudence ainsi que par principe, les États résistent aux demandes d’amnistie qui constituent des violations de leurs obligations internationales même si le contexte ne leur permet pas d’engager immédiatement des poursuites. »

A ce stade, la question ne devrait pas être considérée comme réglée. Rien, dans le rapport du Groupe, ne laisse penser qu’un consensus a été atteint sur cette question (v. doc. E/CN.4/2004/59, §§ 73-80).

B - Extradition et « remise »

Article 9 § 2

La FIDH considère qu’il conviendrait de préciser le sens des termes « le remet à un autre État ». La notion de « remise » ne devrait pas pouvoir être interprétée comme autorisant l’État à contourner la procédure d’extradition. Elle doit s’entendre d’une procédure alternative à l’extradition, régie par une convention internationale particulière et comportant des garanties équivalentes pour l’accusé à celles qui lui sont offertes dans le cadre de la procédure d’extradition.

C - Compétence des tribunaux internationaux

Article 9 § 2

Le membre de phrase « ou s’il le remet à une juridiction pénale internationale dont il a reconnu la compétence » ne semble pas adapté au cas des tribunaux ad hoc, dans la mesure où la compétence de ces tribunaux n’est pas fondée sur le consentement des États, mais sur l’autorité des résolutions du Conseil de sécurité qui les ont créés.
Il semble de la même manière difficilement conciliable avec les hypothèses dans lesquelles la Cour pénale internationale se trouve en position d’exercer sa compétence sur une personne détenue par un État n’ayant pas ratifié le statut (lorsque la personne poursuivie a la nationalité d’un État partie ou lorsque le crime a été commis sur le territoire d’un État partie). L’État requis peut en effet très bien procéder à la remise en vertu d’un accord ad hoc sans pour autant être partie au Statut et « reconnaître la compétence » de la Cour.
Mêmes remarques à propos des formulations équivalentes dans l’article 11 § 1.

E - Jugement par des tribunaux militaires

Article 11 § 3

La FIDH appuie la réintégration dans le texte d’une disposition équivalente à l’article 16 § 2 de la Déclaration de 1992 qui a pour objet d’exclure le jugement des personnes accusées de disparitions forcées par des tribunaux militaires.

II - DROITS DES VICTIMES

A - Droit intangible de ne pas être soumis à une disparition forcée et droit à la justice des victimes

Préambule

Dans le dernier paragraphe du préambule, la FIDH propose d’ajouter :

« Affirmant le droit de toute personne de ne pas être soumis à une disparition forcée,

Reconnaissant le droit des victimes à la justice, à la réparation, et à la vérité sur les circonstances d’une disparition forcée et le sort de la personne disparue, »

B - Les disparitions forcées comme violation multiple des droits de l’Homme

La FIDH considère que le Préambule devrait comprendre le paragraphe suivant, tel qu’il figure dans le projet de la Sous Commission :

Constatant que tout acte conduisant à une disparition forcée de personnes constitue une violation des règles du droit international qui garantissent à chacun le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique, le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne et le droit de ne pas être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ce paragraphe est nécessaire à l’interprétation de la Convention, en ce qu’il établit un lien entre celle-ci et les autres instruments internationaux de protection des droits de l’Homme. Il permet de montrer que la disparition forcée constitue une violation multiple des droits de l’Homme, tant à l’égard du disparu que de ses proches.

C - Droit à l’information sur les résultats de l’enquête

Article 12

La FIDH estime qu’il est capital de réinsérer dans le texte de cet article un paragraphe équivalent au paragraphe 4 de l’article 13 de la Déclaration de 1992 qui dispose :

« Les résultats de l’enquête sont communiqués, sur demande, à toutes les personnes concernées à moins que cela ne compromette une instruction en cours. »

Le paragraphe 6 de l’article 11 du projet de Convention est également pertinent :

« Les résultats de l’enquête sont communiqués, sur demande, à toutes les personnes concernées, à moins que cela ne compromette gravement une instruction en cours. Cependant, l’autorité compétente tient les proches de la personne disparue informés régulièrement et sans délai des résultats de son enquête concernant le sort de celle-ci et le lieu où elle se trouve. »

D - Droit à une réparation intégrale du préjudice

Article 22

La FIDH souhaiterait que le Groupe de travail précise, au moment de l’adoption de cet article, ce qu’il entend par « préjudice direct », et que cette interprétation soit consignée dans le rapport. Il convient en effet de s’assurer qu’au minimum, la notion de « préjudice direct » comprend l’idée du préjudice matériel ou moral subi par la victime directe de la disparition ainsi que par sa famille.

Conformément au droit international coutumier, le droit à réparation des victimes de violations des droits de l’homme comprend le droit à restitution, indemnisation, réadaptation, la satisfaction et les garanties de non répétition. Cette définition résulte des conventions internationales des droits de l’homme, de la jurisprudence internationale, notamment interaméricaine, consolidées dans le Projet de principes fondamentaux et directives sur le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, soumis à adoption à la prochaine session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies.

Dans cet esprit, la FIDH propose de rédiger le paragraphe 3 de l’article 22 de la manière suivante :

Tout Etat partie garantit à la victime d’une disparition forcée le droit d’obtenir une réparation rapide et intégrale du préjudice qui lui a été causé.

Elle propose également de modifier la formulation de l’article 22 § 4 comme suit :

La réparation intégrale du préjudice causé visée au paragraphe 3 prend la forme de :
a) l’indemnisation
b) la restitution,
c)la réadaptation,
d) la satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de la réputation,
f) les garanties de non répétition.

III - LA RESPONSABILITE DE L’ETAT EN LIEN AVEC DES ACTES ACCOMPLIS PAR DES ENTITES PRIVEES

Article 2 § 2

La FIDH considère que l’obligation pesant sur les Etats de prendre des mesures en relation avec des disparitions forcées commises par des personnes privées est trop restreinte en l’état de la rédaction. Elle ne porte en effet que sur l’obligation d’incriminer de tels actes, là où l’Etat devrait également avoir l’obligation de prévenir, de réprimer et de réparer les conséquences des disparitions commises par des individus ou des groupes privés.

La FIDH propose en conséquence de substituer à l’actuel paragraphe 2 de l’article 2 la disposition suivante :

Lorsque les agissements définis à l’article premier sont le fait de personnes ou de groupes de personnes n’ayant pas l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’Etat, les États parties s’engagent à prendre toutes les mesures que l’on peut raisonnablement attendre d’eux, compte tenu des circonstances, pour en prévenir la commission, en sanctionner pénalement les auteurs et offrir une réparation aux victimes, conformément aux articles [3 à 15bis et 22] du présent instrument.

IV - ORGANE DE SUIVI

La FIDH souhaite la création d’un organe de suivi sous la forme d’un Comité d’experts indépendants sur la disparition forcée, sur le modèle des autres comités de supervision des traités (Comité des droits de l’Homme, Comité contre la torture etc.)

Le projet de texte actuel n’est pas satisfaisant sur un certain nombre de points. Plutôt que de formuler une critique détaillée de ces dispositions, la FIDH préfère rappeler les compétences et les pouvoirs qui, selon elle, devraient être accordés au futur Comité :

A - Examen des rapports

Les Etats devraient avoir l’obligation de soumettre un rapport initial dans un délai fixé par le Comité sur les mesures prises par lui pour mettre en œuvre ses obligations en vertu de la Convention. Ce rapport serait examiné par le Comité en présence d’une délégation de l’Etat. Par la suite, le Comité devrait conserver la faculté de demander, à tout moment, des informations complémentaires.

B - Appel urgent à caractère « humanitaire »

Le Comité devrait pouvoir être saisi en urgence de cas récents de disparitions forcées. Sur la base de cette saisine, il devrait être en mesure de faire parvenir à l’Etat concerné un appel urgent, afin que celui-ci prenne rapidement toutes les mesures nécessaires pour retrouver la personne disparue.
Suivant la pratique des différentes procédures spéciales de la Commission des droits de l’Homme et des autres mécanismes agissant en urgence, les communications transmises à cet effet ne devraient être soumises à aucune condition de recevabilité.

C - Examen des communications individuelles

Communications interétatiques : toute convention internationale en matière de droits de l’Homme constitue un système de garantie collective, dans lequel tous les Etats parties ont un intérêt juridique à l’application effective de la convention par les autres parties. En vertu de ce principe, toutes les conventions existantes prévoient un système de réclamations interétatiques. La Convention sur les disparitions ne devrait pas faire exception à cette règle.

Communications individuelles : la faculté pour les individus se prétendant victime d’une violation de la Convention par l’un des Etats parties de présenter des communications ne devrait pas être soumise à une déclaration préalable de l’Etat partie. La procédure devant le Comité devrait revêtir un caractère contradictoire et se clore par l’adoption et la publication d’une décision du Comité quant à la question de savoir si l’Etat a violé la Convention.

Mesures conservatoires : dans le cadre des procédures de communications, le Comité devrait être habilité par la Convention à indiquer des mesures conservatoires aux Etats parties. L’adoption de telles mesures peut-être nécessaire, en particulier pour préserver la vie ou l’intégrité physique et mentale de la victime directe ou des requérants.

D - Enquêtes sur place :

Le Comité devrait être habilité par la Convention à procéder à des enquêtes sur le territoire des Etats parties. Une telle compétence devrait revêtir un caractère autonome : elle ne devrait pas être rattachée à l’une ou l’autre des procédures prévues par la Convention, comme c’est actuellement le cas dans le projet de texte.
Une enquête devrait en particulier pouvoir être menée lorsque le Comité reçoit des informations selon lequelles il existe, dans le pays concerné, une pratique massive ou systématique de disparitions forcées. Les conclusions de l’enquête devraient systématiquement être rendues publiques.

E - Saisine du Secrétaire général

S’il l’estime utile, le Comité devrait également pouvoir saisir le Secrétaire général des Nations Unies ou tout autre organe compétent, en particulier lorsque des informations font état d’une pratique massive ou systématique de disparitions forcées sur le territoire d’un Etat membre de l’Organisation.

V - RESERVES

La FIDH estime qu’il est nécessaire d’insérer une clause régissant les réserves dans l’instrument. Le silence équivaut à une référence implicite au régime de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 - régime qui est notoirement insuffisant s’agissant des traités dits « objectifs » comme les traités en matière de droits de l’Homme.

Cette clause devrait simplement stipuler qu’aucune réserve n’est autorisée. Elle devrait également charger l’organe de suivi de vérifier, au moment de la date d’entrée en vigueur prévue de l’instrument, que l’État qui a ratifié ou adhéré n’a pas assorti cette ratification ou cette adhésion d’une réserve. En cas de formulation d’une réserve, l’entrée en vigueur de l’instrument concerné devrait être différée jusqu’à ce que l’État accepte de retirer sa réserve.

S’il arrivait qu’aucun consensus ne puisse être trouvé au sein du Groupe de travail en faveur de la prohibition totale des réserves, la FIDH proposerait alors d’insérer un nouvel Article III-D qui serait libellé comme suit :

1. Tout État partie peut, au moment de la signature [du présent instrument] ou du dépôt de son instrument de ratification, formuler une réserve au sujet d’une disposition particulière de [l’instrument], dans la mesure où une loi alors en vigueur sur son territoire n’est pas conforme à cette disposition. La réserve comprend un bref exposé de la loi en cause.
2. Les réserves de caractère général ou les réserves potestatives ne sont pas autorisées aux termes du présent article, non plus qu’aucune réserve incompatible avec l’objet et le but du traité ou qui aurait pour effet de paralyser le fonctionnement de [l’organe de suivi].
3. L’État partie qui a formulé la réserve prend les mesures nécessaires pour mettre en conformité sa législation nationale avec le présent instrument, en vue de retirer sa réserve dans les meilleurs délais.
4. Les réserves peuvent être retirées à tout moment par voie de notification adressée au Secrétaire général. La notification prendra effet à la date de réception.
5. [L’organe de suivi] assure le respect par l’État réservataire des conditions posées aux paragraphes 1 à 3 du présent article.

Commentaire :

Le paragraphe 1er est inspiré du libellé de l’article 57 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il limite d’emblée le champ d’application des réserves potentielles, puisque celles-ci ne peuvent porter que sur « une disposition particulière » et ne peuvent avoir pour objet que de couvrir « une loi alors en vigueur sur » le territoire de l’État partie qui n’est pas conforme à cette disposition.
Le paragraphe 2 énumère les principales conditions de validité des réserves telles qu’elles ressortent soit des conventions existantes (Convention de Vienne sur le droit des traités pour le critère principal de la compatibilité avec l’objet et le but du traité ; C.E.D.H. pour la « généralité de la réserve » ; Convention pour l’élimination de la discrimination raciale pour la « paralysie » de l’organe de supervision), soit de la jurisprudence des différents organes juridictionnels (Cour internationale de Justice, cours européenne et interaméricaine des droits de l’Homme) ou quasi-juridictionnels (Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, Commission interaméricaine des droits de l’Homme).
Le paragraphe 3 donne aux réserves un caractère provisoire, en partant du principe que la formulation d’une réserve a pour objet essentiel de ménager une période de transition et d’adaptation au droit conventionnel. La pratique du Conseil de l’Europe, en particulier, va dans le sens de ce principe de progressivité et nombre d’États formulent d’ailleurs d’eux-mêmes des réserves prévoyant leurs dates d’expiration.
Le paragraphe 4 reproduit une disposition classique indiquant les modalités selon lesquelles un État peut retirer, à tout moment, sa réserve.
Enfin le paragraphe 5 charge l’organe de suivi d’assurer le respect par l’État réservataire des conditions de validité des réserves posées aux paragraphes 1 à 3.
On pourrait détailler plus avant la procédure, en prévoyant par exemple que l’organe de suivi serait chargé d’évaluer la compatibilité des réserves avec ces dispositions juste après l’entrée en vigueur de l’instrument pour l’État réservataire puis, ensuite, de manière périodique, en vue de vérifier si l’État a bien pris les mesures nécessaires pour retirer, à terme, sa réserve. On pourrait aussi prévoir la possibilité pour l’organe de suivi de proposer à l’État des formulations alternatives de ses réserves qui, selon lui, seraient respectueuses des conditions posées par cet article. Peut-être vaut-il mieux toutefois laisser l’organe de suivi libre de définir ses propres méthodes de travail à travers son règlement intérieur, et s’épargner ainsi des négociations qui ne manqueraient pas d’être compliquées lors de la rédaction de l’instrument.

Annexe

Texte de la présidence daté du 21 juin 2004

Les indications telles que « nouveau », « restructuré », etc, visent à faciliter la comparaison avec le document E/CN.4/2004/WG22/WP.1/rev.1 du 1er décembre 2003.

Préambule (nouveau)

Les Etats Parties [au présent instrument],

Rappelant la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa résolution 47/133 du 18 décembre 1992,

Conscients de l’extrême gravité de la disparition forcée qui constitue un crime et, dans certaines circonstances, un crime contre l’humanité.

Déterminés à lutter contre l’impunité du crime de disparition forcée,

Affirmant le droit des victimes de savoir la vérité sur les circonstances d’une disparition forcée et le sort de la personne disparue,

Sont convenus de ce qui suit :

Partie I

Article premier

Aux fins [du présent instrument], on entend par disparition forcée la privation de liberté d’une personne sous quelque forme que ce soit, commise par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivie du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant ainsi à la protection de la loi.

Article-1 bis (nouveau)

1.Nul ne peut être soumis à une disparition forcée.

2.(repris de l’ancien article III E). Aucune circonstance, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée.

Article 2 (modifié)

1.Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour que la disparition forcée, telle qu’elle est définie à l’article 1er, constitue une infraction au regard de son droit pénal.

2.Tout Etat partie prend des mesures équivalentes lorsque les agissements définis à l’article 1er sont le fait de personnes ou de groupes de personnes n’ayant pas l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’Etat.

Article 2 bis (nouveau)

La pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée constitue un crime contre l’humanité et entraîne les conséquences prévues par le droit international.

Article 3 (restructuré)

Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour poursuivre et punir ceux qui commettent ou concourent à commettre une disparition forcée.

1. Sont punis :

a) les auteurs d’une disparition forcée et ceux qui s’en rendent complices.

b) la tentative de disparition forcée,

c)l’entente en vue de commettre une disparition forcée.

2. Sont également punis :

a) ceux qui ordonnent ou encouragent la commission ou la tentative d’une telle infraction, ceux qui en facilitent la commission ou la tentative en apportant leur aide, leur concours ou toute autre forme d’assistance, y compris en fournissant les moyens de cette commission ou de cette tentative,

b) le supérieur hiérarchique qui :

i)savait que ses subordonnés commettaient ou allaient commettre une disparition forcée ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement, et qui

ii)n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou faire cesser la disparition forcée, ou pour en réprimer l’exécution ou en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.

3 (ancien article 6) L’ordre d’un supérieur hiérarchique ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier une disparition forcée.

Article 4

1.Tout Etat partie rend la disparition forcée passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité.

2.Tout Etat partie peut prévoir :

a)Des circonstances atténuantes notamment en faveur de ceux qui, impliqués dans la commission d’une disparition forcée, auront contribué efficacement à la récupération en vie de la personne disparue ou auront permis d’élucider des cas de disparitions forcées ou d’identifier les auteurs d’une disparition forcée.

b)(complété) Des circonstances aggravantes, notamment en cas de décès de la victime ou envers ceux qui se sont rendus coupables d’une disparition forcée à l’encontre de femmes enceintes, de mineurs ou d’autres personnes particulièrement vulnérables.

Article 5 (modifié)

Sans préjudice de l’article 2 bis,

1.Tout Etat Partie qui, à l’égard de la disparition forcée, applique un régime de prescription, prend les mesures nécessaires pour que le délai de prescription de l’action pénale :

a)soit de longue durée et proportionné à l’extrême gravité de cette infraction ;

b)commence à courir lorsque le crime de disparition forcée cesse et que le sort de la personne disparue est établi.

2.Le délai de prescription de l’action pénale prévue au paragraphe 1 est suspendu aussi longtemps que, dans un Etat partie, toute victime d’une disparition forcée ne dispose pas d’un recours utile.

Article 6 (repris dans art. 3, § 3)

Article 7 (supprimé)

Article 8 (supprimé)

Article 9 (restructuré et modifié)

1.Tout Etat Partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître d’une disparition forcée :

a)quand l’infraction a été commise sur tout territoire relevant de sa juridiction ou à bord d’un navire battant son pavillon ou d’un aéronef immatriculé conformément à sa législation au moment des faits ;

b)quand l’auteur présumé de l’infraction est l’un de ses ressortissants, ou une personne apatride résidant habituellement sur son territoire ;

c)quand la personne disparue est l’un de ses ressortissants et que cet Etat partie le juge approprié ;

2.Tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître d’une disparition forcée quand l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur tout territoire relevant de sa juridiction, sauf s’il l’extrade ou le remet à un autre Etat, ou s’il le remet à une juridiction pénale internationale dont il a reconnu la compétence.

3.[Le présent instrument] n’écarte aucune compétence pénale exercée conformément aux lois nationales.

Article 10

1.S’il estime que les circonstances le justifient, après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d’avoir commis une disparition forcée assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette détention et ces mesures doivent être conformes à la législation dudit Etat partie ; elles ne peuvent être maintenues que pendant le délai nécessaire à l’engagement de poursuites pénales ou d’une procédure d’extradition.

2.L’Etat partie qui a pris les mesures visées au paragraphe 1 procède immédiatement à une enquête en vue d’établir les faits. Il informe les Etats parties qui pourraient être compétents conformément à l’article 9, paragraphe 1 des mesures qu’il a prises en application du paragraphe 1 du présent article, notamment la détention et les circonstances qui la justifient, et des conclusions de son enquête, en leur indiquant s’il entend exercer sa compétence.

3.Toute personne détenue en application du paragraphe 1 peut communiquer immédiatement avec le plus proche représentant qualifié de l’Etat dont elle a la nationalité ou, s’il s’agit d’une personne apatride, avec le représentant de l’Etat où elle réside habituellement.

Article 11

1.L’Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteur présumé d’une disparition forcée est découvert, s’il n’extrade pas ce dernier, ne le remet pas à un autre Etat ou s’il ne le remet pas à une juridiction pénale internationale dont il a reconnu la compétence, soumet l’affaire à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale.

2.Ces autorités prennent leur décision dans les mêmes conditions que pour toute infraction de droit commun de caractère grave en vertu du droit de cet Etat partie. Dans les cas visés à l’article 9, paragraphe 2, les règles de preuve qui s’appliquent aux poursuites et à la condamnation ne sont en aucune façon moins rigoureuses que celles qui s’appliquent dans les cas visés à l’article 9, paragraphe 1.

3.(modifié) Toute personne poursuivie pour une disparition forcée est jugée par une juridiction compétente, indépendante et impartiale, établie par la loi, et qui respecte les garanties du procès équitable.

4.(nouveau) Toute personne poursuivie pour une disparition forcée bénéficie de la garantie d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure.

Article 12 (modifié)

1.Tout Etat partie assure à quiconque alléguant qu’une personne a été victime d’une disparition forcée le droit de dénoncer les faits devant une autorité compétente, laquelle procède immédiatement à une enquête approfondie et impartiale. Des mesures appropriées sont prises le cas échéant pour assurer la protection du plaignant, des témoins, des proches de la personne disparue et de leurs défenseurs ainsi que de ceux qui participent à l’enquête contre tout mauvais traitementou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite.

2.Lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a été victime d’une disparition forcée, tout État partie soumet l’affaire à l’autorité visée au paragraphe 1, afin qu’elle ouvre une enquête, même si aucune plainte n’a été officiellement déposée.

3.(nouveau) Tout Etat partie veille à ce que l’autorité visée au paragraphe 1 :

a)dispose des pouvoirs et des ressources nécessaires pour mener l’enquête à bien, y compris par la comparution de personnes soupçonnées ou de témoins,

b)ait communication des informations nécessaires à son enquête ;

c)ait accès à tout lieu où la présence d’une personne disparue est soupçonnée.

4.(ancien art. 12, § 6 complété) Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner les actes de nature à entraver le déroulement des enquêtes. Il s’assure notamment que les personnes soupçonnées d’avoir commis une disparition forcée ne soient pas en mesure d’influer sur le cours des enquêtes par des pressions et des actes d’intimidation ou de représailles exercés sur le plaignant, les témoins, les proches de la personne disparue et de leurs défenseurs ainsi que sur ceux qui participent à l’enquête.

5.(nouveau) L’enquête prévue au présent article est conduite conformément aux principes internationaux en matière d’enquête en cas de violation des droits de l’homme, de torture, de recherche des personnes disparues, d’examen légiste et d’identification.

Article 13 (modifié)

1.Pour les besoins de l’extradition entre États parties, la disparition forcée n’est pas considérée comme une infraction politique, comme une infraction connexe à une infraction politique ou comme une infraction inspirée par des mobiles politiques. En conséquence, une demande d’extradition fondée sur une telle infraction ne peut être refusée pour ce motif.

2.La disparition forcée est de plein droit comprise au nombre des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité d’extradition conclu entre des États parties avant l’entrée en vigueur [du présent instrument].

3.Les États parties s’engagent à inclure la disparition forcée au nombre des infractions qui justifient l’extradition dans tout traité d’extradition à conclure par la suite entre eux.

4.Tout Etat partie qui assujettit l’extradition à l’existence d’un traité peut, s’il reçoit une demande d’extradition d’un autre État partie auquel il n’est pas lié par un traité, considérer [le présent instrument] comme la base juridique nécessaire pour l’extradition en ce qui concerne la disparition forcée.

5.Tout Etat partie qui n’assujettit pas l’extradition à l’existence d’un traité reconnaît la disparition forcée comme susceptible d’extradition.

6.L’extradition est, dans tous les cas, subordonnée aux conditions prévues par le droit de l’Etat partie requis ou par les traités d’extradition applicables, y compris, notamment, aux conditions concernant la peine minimale requise pour extrader et aux motifs pour lesquels l’Etat partie requis peut refuser l’extradition, ou l’assujettir à certaines conditions.

7.Aucune disposition [du présent instrument] ne doit être interprétée comme faisant obligation à l’Etat partie requis d’extrader s’il a de sérieuses raisons de penser que la demande a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique ou de ses opinions politiques, ou que donner suite à cette demande causerait un préjudice à cette personne pour l’une quelconque de ces raisons.

Article 14 (modifié)

1.Les Etats parties s’accordent l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute enquête ou procédure pénale relative à une disparition forcée, y compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure.

2.Cette entraide judiciaire est subordonnée aux conditions prévues par le droit interne de l’Etat partie requis ou par les traités d’entraide judiciaire applicables, y compris, notamment, concernant les motifs pour lesquels l’Etat partie requis peut refuser d’accorder l’entraide judiciaire ou la soumettre à des conditions.

Article 15 (modifié)

Les Etats partie coopèrent entre eux et s’accordent l’entraide la plus large possible pour porter assistance aux victimes des disparitions forcées et dans la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, dans l’exhumation, l’identification des personnes disparues et la restitution de leurs restes

Article 15 bis (ancien article 21)

1.Aucun État partie n’expulse, ne refoule ni n’extrade une personne vers un autre État s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée.

2.Pour déterminer s’il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l’existence, dans l’Etat intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme ou du droit humanitaire, graves, flagrantes ou massives.

Article 16 (restructuré et modifié ; cf. article 16 bis)

1.Tout Etat partie, dans sa législation,

a)désigne les agents de l’Etat habilités à ordonner des privations de liberté ;

b)détermine les conditions dans lesquelles de tels ordres peuvent être donnés ;

c)garantit que toute personne privée de liberté sera placée uniquement dans un lieu officiellement reconnu et contrôlé ;

d)garantit l’accès des autorités judiciaires aux lieux de privation de liberté ;

e)garantit à toute personne privée de liberté, en toute circonstance, le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue à bref délai sur la légalité de sa privation de liberté et ordonne sa libération si cette privation de liberté est illégale.

2.Tout État partie établit et tient à jour un ou plusieurs registres officiels des personnes privées de liberté. Figurent au moins parmi ces informations :

a)l’identité de la personne privée de liberté,

b)l’autorité ayant décidé la privation de liberté,

c)l’autorité assurant le contrôle de la privation de liberté,

d)le jour et l’heure de l’admission dans le lieu de détention et l’autorité responsable du lieu de détention,

e)le jour et l’heure de la libération ou du transfert vers un autre lieu de détention, la destination et l’autorité chargée du transfert.

Article 16 bis

1 Tout Etat partie garantit à la personne privée de liberté et à ses proches, à leurs représentants légaux, à leurs avocats et à toute personne mandatée par eux ainsi qu’à toute autre personne pouvant arguer d’un intérêt légitime un accès au moins aux informations suivantes :

a)l’autorité à laquelle la personne a été déférée ;

b)l’autorité ayant ordonné la privation de liberté ;

c)l’autorité assurant le contrôle de la personne privée de liberté ;

d)le lieu où se trouve la personne privée de liberté, y compris en cas de transfert ;

e)la date et le lieu de libération ;

f)l’état de santé et, en cas de décès, les circonstances et causes du décès.

2. Des mesures appropriées sont prises le cas échéant pour assurer la protection des personnes visées au paragraphe 1 ainsi que de ceux qui participent à l’enquête contre tout mauvais traitement, toute intimidation ou toute sanction en raison de la recherche d’information concernant une personne privée de liberté.

3. (nouveau) Afin de ne pas porter atteinte à la vie privée des personnes concernées, les informations fournies conformément au paragraphe 1 du présent article devront être adéquates et pertinentes par rapport à la finalité recherchée et ne devront pas être utilisées à des fins autres que la recherche de la personne privée de liberté.

Article 17

Sans préjudice de l’examen de la légalité de la privation de liberté d’une personne, l’Etat partie garantit aux proches de la personne privée de liberté ou de la personne disparue, aux représentants légaux, aux avocats et à toute personne mandatée par la personne privée de liberté ou par la personne disparue ou par ses proches ainsi qu’à toute autre personne pouvant arguer d’un intérêt légitime le droit à un recours prompt et effectif pour obtenir à bref délai les informations visées à l’article 16 bis. Ce droit à un recours ne peut être suspendu ou limité en aucune circonstance.

Article 18 (complété)

Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour que la remise en liberté d’une personne se déroule selon des modalités qui permettent de vérifier avec certitude qu’elle a été effectivement libérée. Tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour assurer l’intégrité physique et le plein exercice de ses droits à toute personne au moment de sa remise en liberté, sans préjudice des obligations auxquelles elle peut être assujettie en vertu de la loi.

Article 19

Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner des agissements suivants :

a)l’entrave ou l’obstruction au recours visé à l’article 17 ;

b)le manquement à l’obligation d’enregistrement de toute privation de liberté, ainsi que l’enregistrement de toute information dont l’agent responsable du registre officiel connaît ou devrait connaître l’inexactitude ;

c)le refus opposé par un agent de fournir des informations sur une privation de liberté, ou la fourniture d’informations inexactes, alors même que les conditions légales pour fournir ces informations sont réunies.

Article 20 (complété)

1.Tout Etat partie veille à ce que la formation du personnel civil ou militaire chargé de l’application des lois, du personnel médical, des agents de la fonction publique et des autres personnes qui peuvent intervenir dans la garde ou le traitement de toute personne privée de liberté, puisse inclure l’enseignement et l’information nécessaires concernant les dispositions [du présent instrument], en vue de :

a)prévenir l’implication de ces agents dans des disparitions forcées ;

b)souligner l’importance de la prévention et des enquêtes en matière de disparition forcée ;

c)veiller à ce que l’urgence de la résolution des cas de disparition forcée soit reconnue.

2.Tout Etat veille à ce que soient interdits les ordres ou instructions prescrivant, autorisant ou encourageant une disparition forcée. Tout Etat garantit qu’une personne refusant de se conformer à un tel ordre ne sera pas sanctionnée.

3.Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour que les personnes visées au paragraphe 1 qui ont des raisons de penser qu’une disparition forcée s’est produite ou est projetée signalent le cas à leur supérieurs et, au besoin, aux autorités ou instances de contrôle ou de recours compétentes.

Article 21 (intégré à l’article 15 bis)

Article 22 (modifié et complété)

1.Aux fins du [présent instrument], on entend par victime la personne disparue et toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait de cette disparition.

2.Tout Etat partie prend les mesures nécessaires afin que toute victime ait connaissance de la vérité concernant les circonstances de la disparition forcée et le sort de la personne disparue. Il prend en particulier les mesures nécessaires pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, la restitution de leurs restes.

3.Tout Etat partie garantit à la victime d’une disparition forcée le droit d’obtenir une réparation rapide, équitable et adéquate des dommages qui lui ont été causés.

4.Le droit d’obtenir une réparation visé au paragraphe 3 comprend l’indemnisation intégrale des dommages matériels et moraux. Il peut aussi inclure notamment :

a)la restitution,

b)la réadaptation,

c)la satisfaction,

d)le rétablissement de la dignité et de la réputation.

5.Sans préjudice de l’obligation de poursuivre l’enquête jusqu’à l’élucidation du sort de la personne disparue, tout Etat Partie prend les mesures nécessaires concernant la situation légale des personnes disparues dont le sort n’est pas élucidé et de leurs proches, dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, la garde des enfants et les droits de propriété.

Article 23 (complété)

1.Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer pénalement :

a)l’enlèvement ou l’appropriation d’enfants victimes de disparition forcée, d’enfants dont le père ou la mère sont victimes d’une disparition forcée, ou d’enfants nés pendant la captivité de leur mère victime de disparition forcée ;

b)la falsification ou la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants visés au a).

2.Tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour rechercher et identifier les enfants visés au paragraphe 1 a) et b).

Article 24

Les Etats parties se prêtent mutuellement assistance dans la recherche, l’identification et la détermination du lieu où se trouvent les enfants visés à l’article 23.

Article 25

1. Lorsqu’un enfant enlevé ou approprié dans les conditions de l’article 23 a) est retrouvé sur le territoire d’un Etat partie, la question de son éventuel retour vers sa famille d’origine est réglée, soit par la loi nationale de cet Etat partie, soit par l’accord bilatéral ou multilatéral qui le lie avec tout autre Etat dans lequel réside la famille d’origine.

2. En toute circonstance, l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale et l’enfant qui est capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion, laquelle est dûment prise en compte eu égard à son âge et à son degré de maturité.
Partie II

Article II O (nouveau)

1. Un [organe de suivi] assure le suivi de la mise en œuvre du présent instrument et du respect par les Etats parties de leurs engagements.

2. Les membres de [l’organe de suivi] bénéficient dans l’exercice de leur mandat des privilèges et immunités tels qu’ils sont énoncés dans la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies.

3. Tout Etat partie s’engage à coopérer avec [l’organe de suivi] et à prêter assistance à ses membres dans l’exercice de leur mandat.

Article II-A (modifié)

1.Tout État partie présente [à l’organe de suivi], par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, un rapport sur les mesures prises pour donner effet à ses obligations en vertu [du présent instrument], dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur [du présent instrument] à son égard.

2.Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies transmet les rapports à tous les États parties.

3.Chaque rapport est étudié par [l’organe de suivi], qui peut faire les commentaires, les observations, les recommandations et les mises en garde qu’il estime appropriés. L’État partie intéressé reçoit communication des commentaires, observations, recommandations et mises en garde, auxquels il peut répondre, de sa propre initiative ou à la demande [de l’organe de suivi].

Article II-B (modifié)

1.[L’organe de suivi] peut être saisi par un État partie, ou par les proches de la personne disparue, leurs représentants légaux, leurs avocats et toute personne mandatée par eux ainsi que toute autre personne pouvant arguer d’un intérêt légitime, d’une demande visant à chercher et retrouver une personne disparue au sens de l’article premier.

2.S’il estime que la demande présentée en vertu du paragraphe 1 n’est pas manifestement dépourvue de fondement, qu’elle ne constitue pas un abus de droit et qu’elle n’est pas incompatible avec les dispositions [du présent instrument], [l’organe de suivi] demande à tout État partie de lui fournir, dans un délai qu’il fixe, des renseignements sur la situation de cette personne.

3.Au vu de la réponse fournie par l’État partie intéressé conformément au paragraphe 2, [l’organe de suivi] présente à ce dernier une recommandation ou une mise en garde. Il peut aussi lui enjoindre de prendre des mesures adéquates et de lui en faire rapport, dans un délai qu’il fixe.

4.[L’organe de suivi] établit ses conclusions et les communique à tout État partie auquel des renseignements ont été demandés et à l’auteur de la demande visée au paragraphe 1.

5.La procédure visée par le présent article est confidentielle.

Article II-C (modifié)

1.S’il estime qu’un déplacement sur le territoire d’un État partie sous la juridiction duquel se trouverait la personne disparue est indispensable pour répondre à la demande dont il est saisi conformément à l’article II-B, [l’organe de suivi] peut demander à un ou plusieurs de ses membres de réaliser une mission d’enquête et de l’informer sans retard. Le ou les membres [de l’organe de suivi] qui effectuent la mission peuvent se faire accompagner, si nécessaire, par des interprètes, des secrétaires et des experts. Aucun membre de la délégation, à l’exception des interprètes, ne peut être ressortissant de l’État partie dans lequel la visite est effectuée.

2.[L’organe de suivi] notifie par écrit à l’État partie concerné son intention d’organiser une mission d’enquête et indique la composition de la délégation. L’État partie fait connaître sans retard à [l’organe de suivi] son accord ou son opposition à la mission d’enquête sur un territoire sur lequel il exerce sa juridiction.

3.Si l’État partie a donné son accord à la mission d’enquête, il fournit [à l’organe de suivi] toutes facilités nécessaires à l’accomplissement de cette mission. [L’organe de suivi] peut notamment :

a)Effectuer les visites qu’il jugera nécessaires pour chercher et retrouver la personne disparue ;

b)Entrer en contact librement avec toute personne dont il pense qu’elle peut lui fournir des informations utiles sur le sort de la personne disparue ;

c)Se faire présenter la personne dont la disparition forcée est alléguée et s’entretenir avec elle sans témoin et de façon confidentielle.

4.[L’organe de suivi] fait part des constatations faites pendant sa mission d’enquête :

a) À l’État partie sur le territoire duquel la mission d’enquête a été effectuée ;

b) À l’auteur de la demande visée à l’article II-B, paragraphe 1.

5.La procédure visée par le présent article est confidentielle.

Article II C bis (nouveau)

1. Si [l’organe de suivi] reçoit une communication présentée par les proches de la personne disparue, leurs représentants légaux, leurs avocats et toute personne mandatée par eux ainsi que toute autre personne pouvant arguer d’un intérêt légitime, faisant état de graves manquements d’un Etat partie à ses engagements au titre du [présent instrument], il peut s’en saisir sauf si :

a) la communication est insuffisamment motivée, ou manifestement dépourvue de fondement ;

b) la même question est en cours d’examen dans une autre instance internationale d’enquête ou de règlement ;

c) le plaignant n’a pas épuisé toutes les voies de recours effectifs internes.

2. S’il estime que la communication est conforme aux conditions fixées au paragraphe 1, [l’organe de suivi] transmet à l’Etat partie concerné cette communication et lui demande de lui fournir, dans un délai qu’il fixe, ses observations et commentaires.

3. Au vu de la réponse de l’Etat partie, [l’organe de suivi] peut décider :

a) de classer la communication ;

b) de poursuivre son examen ;

c) d’adresser à l’Etat partie une recommandation.

4. [L’organe de suivi] met fin à la procédure visée au présent article en communiquant à l’Etat partie concerné et à l’auteur de la communication, les conclusions de son enquête.

5. La procédure visée par le présent article est confidentielle.

Article II C ter (nouveau)

Si [l’organe de suivi] reçoit des renseignements qui lui semblent contenir des indications bien fondées selon lesquelles la disparition forcée est pratiquée de manière généralisée ou systématique sur le territoire d’un Etat partie, il peut saisir le Secrétaire Général des Nations Unies, après avoir recherché auprès de l’Etat partie concerné toute information pertinente sur cette situation et sur les mesures prises pour faire cesser immédiatement de telles pratiques

Article II D (intégré à l’article II O § 2)

Article II-E (complété)

1.[L’organe de suivi] n’est compétent qu’à l’égard des privations de liberté ayant débuté postérieurement à l’entrée en vigueur [du présent instrument].

2.Si un État devient partie [au présent instrument] après l’entrée en vigueur de celui-ci, ses obligations vis-à-vis [de l’organe de suivi] ne concernent que les privations de liberté ayant débuté postérieurement à l’entrée en vigueur [du présent instrument] à son égard.

3.(nouveau) Tout Etat partie peut, à tout moment, déclarer qu’il reconnaît, pour ce qui le concerne, à [l’organe de suivi] une compétence concernant les disparitions forcées ayant débuté antérieurement à l’entrée en vigueur du [présent instrument].

Article II-F (modifié)

1. [L’organe de suivi] présente aux États parties et à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies un rapport annuel sur les activités qu’il aura réalisées en application [du présent instrument].

2. (nouveau) Si les procédures engagées au titre des article II B et II C bis révèlent un refus manifeste de coopérer de la part de l’Etat partie concerné ou ne se traduisent par aucun résultat effectif, [l’organe de suivi] peut décider de rendre publique une observation relative à la question ou à la situation dont il a eu à connaître.

3. (nouveau) La publication de l’observation visée au § 2 du présent article doit être préalablement annoncée à l’Etat partie concerné et accompagnée des réponses, commentaires ou observations transmis par l’Etat partie à [l’organe se suivi] dans le délai que celui-ci aura fixé.
Partie III

Article III-O (ancien article 2 § 2)

[Le présent instrument] est sans préjudice de tout autre instrument international ou de toute loi nationale qui contient ou peut contenir des dispositions de portée plus large.

Article III-O bis (nouveau)

Les informations personnelles, y compris les données médicales ou génétiques, qui sont transmises dans le cadre de la recherche d’une personne disparue ne peuvent pas être utilisées à d’autres fins que celle de la recherche de la personne disparue.

Article III-A

1.[Le présent instrument] est ouvert à la signature de [...].

2.[Le présent instrument] est soumis à la ratification de [...]. Les instruments de ratification seront déposés auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

3.[Le présent instrument] est ouvert à l’adhésion de [...]. L’adhésion se fera par le dépôt d’un instrument d’adhésion auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

Article III-B

1.[Le présent instrument] entrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt du [Nème] instrument de ratification ou d’adhésion.

2.Pour tout État qui ratifiera [le présent instrument] ou y adhérera après le dépôt du [Neme] instrument de ratification ou d’adhésion, [le présent instrument] entrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt par cet État de son instrument de ratification ou d’adhésion.

Article III-C

Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies notifiera à tous les États Membres de l’Organisation des Nations Unies et à tous les États qui auront signé [le présent instrument] ou y auront adhéré :

a) Les signatures, les ratifications et les adhésions reçues en application de l’article III- ;

b) La date d’entrée en vigueur [du présent instrument] en application de l’article III-B.

Article III-D

Les dispositions [du présent instrument] s’appliquent, sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives des États fédéraux.

Article III- D bis (nouveau)

1. Tout Etat, lors de la signature, de la ratification ou de l’accession, peut déclarer que [le présent instrument] s’étendra à tout territoire dont il est responsable au titre des relations internationales. Une telle déclaration prendra effet lorsque [le présent instrument] entrera en vigueur pour l’Etat concerné.

2. A tout moment, une telle extension pourra faire l’objet d’une notification adressée au Secrétaire général des Nations Unies et prendra effet, à compter de (...) après le jour de réception par le Secrétaire général des Nations Unies de cette notification.

Article III-E (intégré à l’article 1 bis § 2)

Article III-F

[Le présent instrument] est sans préjudice des dispositions du droit international humanitaire, y compris les obligations des Hautes Parties contractantes des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et ses protocoles facultatifs du 8 juin 1977, ou de la possibilité qu’a tout Etat d’autoriser le Comité international de la Croix rouge à visiter les lieux de détention dans les cas non prévus par le droit international humanitaire.

Article III- G

1.Tout État partie [au présent instrument] peut proposer un amendement et déposer sa proposition auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Le Secrétaire général communique la proposition d’amendement aux États parties [au présent instrument] en leur demandant de lui faire savoir s’ils sont favorables à l’organisation d’une conférence d’États parties en vue de l’examen de la proposition et de sa mise aux voix. Si, dans les quatre mois qui suivent la date d’une telle communication, le tiers au moins des États parties se prononce en faveur de la tenue de ladite conférence, le Secrétaire général organise la conférence sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies. Tout amendement adopté à la majorité des deux tiers des États parties présents et votants à la conférence sera soumis par le Secrétaire général à l’acceptation de tous les États parties.

2.Un amendement adopté selon les dispositions du paragraphe 1 du présent article entrera en vigueur lorsque les deux tiers des États parties [au présent instrument] l’auront accepté conformément à la procédure prévue par leurs constitutions respectives.

3.Lorsque les amendements entreront en vigueur, ils auront force obligatoire pour les États parties qui les auront acceptés, les autres États parties demeurant liés par les dispositions [du présent instrument] et par tout amendement antérieur qu’ils auraient accepté.

Article III-H

1.[Le présent instrument], dont les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe font également foi, sera déposé auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
2.Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies fera tenir une copie certifiée conforme [du présent instrument] à tous les États.

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