Crise des politiques d’accueil des réfugiés : Carton rouge pour l’Europe !

D’après le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 211.385 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la Méditerranée depuis le début de l’année [1]. La plupart viennent de pays ravagés par des conflits comme la Syrie (37%), l’Afghanistan (19%) ou l’Iraq (12%) ou tentent d’échapper à des régimes répressifs comme l’Érythrée (3%) ou l’Iran (2%). Plus de la moitié des personnes arrivées depuis le début de l’année sont des femmes et des enfants.

Alors que l’Europe est en fête et célèbre son championnat de football, la FIDH rappelle que le drame des réfugiés , continue de se dérouler sur l’ensemble du continent ainsi qu’à ses portes avec la complicité des dirigeants européens. Carton rouge pour l’Europe ! La FIDH publie une note pour dénoncer les mesures et politiques "anti-migrants" adoptées par l’Union européenne et ses États membres.

Pour atteindre l’Europe, plusieurs routes, toutes dangereuses, sont possibles : de la Turquie vers la Grèce, en passant par la terre ou la mer Égée, avant d’emprunter pour certains la route des Balkans vers l’Europe du Nord ; le Maroc, pour parvenir jusqu’aux enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et, rejoindre le reste du continent ; ou encore la Libye vers l’Italie qui implique la traversée extrêmement risquée de la Méditerranée. Depuis le début de l’année, 2856 personnes se sont noyées ou ont été portées disparues en Méditerranée d’après le HCR. Les routes les plus utilisées évoluent au gré des mesures répressives adoptées par les États et instances européennes. Lorsque l’une ferme, une autre s’ouvre. L’érection de barbelés, le renforcement de la surveillance aux frontières voire la militarisation sans offrir d’alternative légale sûre ne font que pousser migrants, demandeurs d’asile et réfugiés vers d’autres itinéraires plus dangereux et entraîner encore davantage de violations des droits humains et de décès. Tant qu’ils se battent pour leur survie et leur sécurité, migrants, demandeurs d’asile et réfugiés continueront de venir en Europe. Les passeurs s’adapteront.

Depuis l’augmentation de l’afflux de réfugiés vers l’Europe, la politique d’accueil européenne est en crise. Tant les États membres de l’Union européenne (UE) que les instances de celle-ci ont démontré leur incapacité à s’adapter à cette situation, pourtant bien moins dramatique que celle à laquelle sont confrontés certains États voisins de pays en conflit comme le Liban, la Jordanie ou encore la Turquie. Face au défi posé par la crise actuelle et dans un contexte de difficultés économiques, les États membres et les institutions européennes, ont, pour la plupart, sombré dans le repli sur soi. Rhétorique populiste et mesures « anti-migrants » souvent électoralistes se multiplient voire se banalisent, écornant au passage les droits et la dignité des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés.

L’UE poursuit la militarisation croissante de ses frontières et reconnaît une valeur juridique à des raccourcis contraires au droit d’asile destinés à distinguer les « vrais » des « faux » réfugiés. Elle externalise ses responsabilités en matière de gestion des flux migratoires auprès d’États parfois répressifs chargés de contenir les candidats à l’émigration vers l’Europe à l’intérieur de leurs frontières. Parallèlement, de nombreux États ont adopté des mesures drastiques visant à repousser ou à dissuader les exilés d’accéder à leur territoire ou à ceux d’autres États européens : érection de murs visibles ou invisibles, contrôles au faciès, quotas, violences policières, refoulements, détention systématique, notamment de mineurs, dans des conditions dégradantes, confiscation des biens... les nations européennes rivalisent d’inhumanité et de cruauté.

Comme s’en était inquiété le Rapporteur spécial sur les droits de l’Homme des migrants dès son rapport de 2013 sur la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne, une approche purement répressive des migrations alimente la peur, renforce la marginalisation et stigmatisation, exalte la discrimination et la xénophobie et risque de « contribuer à la montée des violences verbales et physiques à l’égard des migrants » [2]. Le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme faisait le même constat devant le Conseil des droits de l’Homme, le 13 juin dernier [3]. La FIDH appelle urgemment les dirigeants européens à se détacher de ces discours fondés sur la peur et à respecter leurs obligations en matière de protection des droits humains en luttant contre la xénophobie, le racisme et les violences dont sont victimes les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés.

Afin de d’assurer le respect des droits humains des migrants, demandeurs d’asile et réfugies, les États et institutions européennes doivent :

 Les États doivent développer une politique migratoire globale, cohérente et coordonnée, fondée sur le respect des droits humains.

 L’UE et ses États membres doivent veiller à ce que la coopération dans le domaine de la migration avec les pays d’origine et de transit des migrants, demandeurs d’asile et réfugiés respecte les droits humains de ces derniers et ne contribuent pas directement ou indirectement à des violations de ces droits. Des clauses doivent être introduites à cet effet au sein de tout accord de coopération en matière de migration, et les accords doivent être révoqués ou suspendus jusqu’à ce que les pays avec qui ils ont été négociés offrent des garanties suffisantes relatives au fonctionnement de leur système d’asile et du respect des droits humains.

 L’UE et ses États membres doivent s’engager pour un partage équitable des responsabilités en matière d’accueil des réfugiés et de traitement des demandes d’asile. La révision du règlement de Dublin offre à l’UE et à ses Etats membres une opportunité pour revoir les règles dans la matière.

 L’UE doit ouvrir des voies de migration légales et sûres vers l’Europe. Ceci implique une augmentation de toute urgence et sans condition des capacités de réinstallation, la garantie de l’accès au regroupement familial et l’octroi de visas humanitaires.

 L’UE et ses États membres doivent respecter leur obligations internationales en matière de droit d’asile. Cela comprend l’obligation de respecter et faire respecter les garanties procédurales prévues en droit international et européen pour l’examen des demandes d’asile et de renoncer à la notion de pays « sûrs » qui est incompatible avec le respect du droit d’asile.

 L’UE doit également s’attaquer plus efficacement aux causes profondes des violations des droits humains qui poussent les personnes à fuir leur pays d’origine.

Crise des politiques d’accueil des réfugiés : Carton rouge pour l Europe

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