Ce qui se passe vraiment ? L’accord entre l’UE et la Turquie, une réalité tragique

Le 18 avril 2015, un navire a chaviré au large des côtes libyennes avec à son bord environ 850 migrants. Seulement 28 d’entre eux ont survécu. Si ce naufrage est le plus meurtrier enregistré en Méditerranée par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), il s’inscrit dans une longue série de drames similaires. Au lieu de prioriser le sauvetage des vies, accroître sa capacité de réinstallation et remédier aux causes profondes des violences qui poussent les populations à fuir leur pays d’origine, la seule réponse de l’Union européenne (UE) à la crise actuelle a été de renforcer la protection de sa frontière extérieure à tout prix et d’externaliser la gestion des migrations auprès de pays qui ne sont pas en mesure de fournir des garanties suffisantes en matière de respect des droits humains.

Un an après, la FIDH expose la tragique réalité derrière l’accord cynique et dénonce, en utilisant le concept “ce qui se passe vraiment” (“what it really is”), la situation des migrants et demandeurs d’asile en Grèce, en Turquie et dans la mer Égée. Cette réalité contraste grandement avec le discours hypocrite et mensonger servi par l’Union européenne et ses États membres concernant la promotion et la protection des droits humains des personnes migrantes.

Le 18 mars, les dirigeants de l’Union européenne et la Turquie ont conclu un accord honteux prévoyant des procédures accélérées visant à renvoyer vers la Turquie tous les “nouveaux migrants irréguliers” arrivés sur les îles grecques après le 20 mars et dont la demande d’asile est considérée infondée ou irreçevable, ainsi qu’un troc de personnes migrantes particulièrement abject. Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie, l’UE réinstallera sur son territoire un réfugié Syrien se trouvant en Turquie. Les expulsions ont commencé le 4 avril. Selon les dirigeants européens, seuls ceux qui n’ont pas demandé l’asile ou dont la demande a été rejetée seront expulsés.

"Compte tenu des défaillances du système d’asile grec, il est évident que ce pays n’est pas en mesure de garantir que les demandes seront traitées conformément au droit international et au droit européen, et notamment à la directive sur les procédures d’asile."

Dimitris Christopoulos, vice-président de la FIDH

L’UNHCR a déjà exprimé des doutes quant à la légalité de l’expulsion de 13 personnes sur les 102 renvoyées le 4 avril. (Lire “Ce qui se passe vraiment en Grèce” par Dimitris Christopoulos). Compte tenu de son système d’asile tout aussi déficient et de la dégradation dramatique de la situation des droits humains dans le pays, la Turquie ne peut pas être considérée comme un pays sûr pour les personnes à la recherche d’une protection internationale.

"Lorsqu’elles ont négocié l’accord avec l’UE, les autorités turques ont utilisé la lutte contre le terrorisme et la présence sur le territoire turc d’un grand nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés comme monnaie d’échange. Il est honteux de constater que dans le but de protéger leurs frontières, les leaders européens sont prêts à qualifier la Turquie de “pays sûr” pour les réfugiés, alors que la réalité démontre le contraire."

Yusuf Alataş, vice-président de la FIDH

(Lire “Ce qui se passe vraiment en Turquie” par Yusuf Alataş).

Le 8 mars, le président du Conseil européen a déclaré que “l’époque de la migration irrégulière vers l’Europe était terminée”.

"L’UE prend ses désirs pour des réalités ! Cette obsession de sécurisation des frontières et de militarisation de la mer Égée n’est pas la solution. Le renforcement de la surveillance dans cette région allié au manque de voies de migrations légales et sûres vers l’UE auront pour seule conséquence d’inciter les migrants à choisir d’autres itinéraires plus dangereux et à mettre leur vie entre les mains de passeurs peu scrupuleux."

Dan Van Raemdonck, secrétaire général de la FIDH

(Lire “Ce qui se passe vraiment en mer Égée”, par Dan Van Raemdonck).

La FIDH demande à l’UE et à ses États membres de cesser le renforcement de leur frontière extérieure à tout prix et d’arrêter de se défausser de leurs responsabilités en matière de gestion des migrations sur des pays tiers. À la place, ils devraient développer une politique migratoire globale, cohérente et fondée sur le respect des droits humains. Ils devraient prendre des mesures urgentes consistant notamment à accroître sans condition leur capacité d’accueil et de relocalisation afin de fournir aux demandeurs d’asile la protection à laquelle ils ont droit en vertu du droit international et européen.

"En 2012, l’UE a reçu le prix Nobel de la paix. L’UE et ses États membres se voient comme des protecteurs des droits humains. Et pourtant, aujourd’hui, ils échouent lamentablement à protéger les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés. Il est grand temps qu’ils fassent preuve de volonté politique, assument leurs responsabilités et se conforment à leurs obligations . Il est grand temps que l’UE se conforme à sa réputation et à ses principes."

Karim Lahidji, président de la FIDH

(Lire “Ce qui se passe vraiment dans l’Union européenne”, par Karim Lahidji).

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