Marche des fiertés en Turquie : 373 personnes et défenseur·es des droits LGBTIQ+ arrêté·es

06/07/2022
Déclaration
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Mercedes Mehling

Paris, Genève, Ankara, le 6 juillet 2022. 373 personnes ont été arrêtées alors qu’elles défilaient à la marche des fiertés à Istanbul le 26 juin 2022, dans un contexte de ciblage systématique des personnes, défenseur·es des droits et organisations LGBTIQ+. La Fédération internationale pour les droits humains et trois autres organisations de défense des droits humains appellent les autorités à mettre fin immédiatement à tous les actes de harcèlement à l’encontre des défenseur·es des droits LGBTIQ+ en Turquie.

Depuis le 20 mai 2022, plusieurs événements et marches des fiertés ont été attaqués par la police, interdits, stigmatisés ou criminalisés partout en Turquie, et de nombreux·ses manifestant·es pacifiques et défenseur·es des droits LGBTIQ+ ont été arbitrairement détenu·es. Au total, les autorités ont émis dix interdictions contre des événements du mois des fiertés (juin 2022) et 526 personnes LGBTIQ+, y compris des défenseur·es des droits LGBTIQ+, ont été détenu·es pendant 37 jours.

Le 20 mai 2022, des agent·es de police ont attaqué la 9e marche des fiertés de Boğaziçi, organisée par le Boğaziçi University LGBTIQ+ Studies Club (BÜLGBTİA+) à Istanbul. Le personnel de sécurité privé a interrompu la marche et averti la police, qui a attaqué les étudiant·es qui défilaient. 70 étudiant·es ont été arbitrairement arrêté·es, sans ordre de dispersion préalable, puis libéré·es le lendemain.

Le 5 juin 2022, des officiers de police ont attaqué des défenseur·es des droits LGBTIQ+ rassemblé·es dans le quartier de Kadıköy à İstanbul à l’occasion du mois des fiertés et a arrêté 11 d’entre eux·elles, avant de les libérer dans la soirée.

Le 10 juin 2022, des agent·es de police ont attaqué la 10e marche des fiertés de l’ODTÜ, prestigieuse université technique du Moyen-Orient à Ankara. En conséquence, 38 personnes ont été arrêtées puis libérées plus tard dans la nuit.

Le 11 juin 2022, le gouvernorat de Çanakkale a interdit la première semaine de fiertés LGBTIQ+ de Çanakkale, suite au harcèlement et aux menaces proférées sur les réseaux sociaux par des extrémistes contre les personnes LGBTIQ+. Les associations Çanakkale LGBTIA+ Initiative MUAF, Çanakkale Feminist Solidarity et Çanakkale Community Center ont porté plainte contre cette interdiction.

Un pique-nique des fiertés, organisé par l’Istanbul University Equality Society le 17 juin 2022 sur le campus, a du être annulé après qu’un groupe d’extrémistes religieux·ses et nationalistes se soit rassemblé devant le campus pour attaquer et menacer les participant·es. La police a rassemblé défenseur·es des droits LGBTIQ+, puis les a emmené·es dans un fourgon de police au prétexte de les protéger du groupe. Ce sont eux et elles qui ont été détenues arbitrairement, et non les membres du groupe extrémiste. Les rapports de la police réfèrent au pique-nique des fiertés comme un « supposé pique-nique des fiertés ». Les militant·es ont été libéré·es plus tard dans la nuit.

Le 19 juin 2022, le gouverneur de Gaziantep a ciblé la première semaine des fiertés d’Antep sur Twitter, en disant que « des posts mentionnent la tenue d’événements malsains à Gaziantep  » et en déclarant qu’il ne les autoriserait pas. Après cette déclaration, les membres du comité de la Semaine de fiertés d’Antep ont été ciblé·es sur les réseaux sociaux et reçu des menaces de mort. En conséquence, les événements ont dû être annulés.

Le 20 juin 2022 marquait le début de la 30e Semaine des fiertés LGBTIQ+ à Istanbul. Dans l’après-midi, les gouvernorats des quartiers de Beyoğlu et de Kadıköy ont interdit les événements de la semaine des fiertés, en extérieur comme en intérieur, pour une durée de sept jours, afin de « protéger la paix, la sécurité et le bien-être, et pour prévenir la commission de crimes », en vertu de la loi 2911 relative aux rassemblements et aux manifestations. L’Istanbul Pride Week Committee et la Social Policy, Gender Identity and Sexual Orientation Studies Association (SPoD) ont intenté une action en justice visant à annuler et éviter l’application de ces interdictions. C’est la première fois depuis 1993, que tous les événements de la Semaine des fiertés sont interdits à Istanbul ; depuis 2015, la marche des fiertés est interdite chaque année pour des motifs discriminatoires et illégaux. Pendant ce temps-là, les extrémistes religieux·ses ciblant les personnes LGBTIQ+ ont lancé un appel au rassemblement à Taksim le jour de la marche des fiertés pour «  protéger la famille, la génération et la ville, et dire stop à la perversion ».

Le 20 juin 2022, la police a arbitrairement empêché la projection d’un film sur la Journée mondiale des réfugié·es, qui devait avoir lieu lors de la première semaine des fiertés de Datça, dans la province de Mugla. Lorsque les participant·es se sont rassemblé·es dehors pour donner une conférence de presse, la police les a attaqué·es.

Alors que la 10e semaine des fiertés d’Izmir avait démarré le 20 juin 2022, le gouverneur d’Izmir a interdit tous les événements publics de la ville le 24 juin, sans mentionner les événements liés à cette semaine.

Le 24 juin 2022, le gouverneur d’Eskişehir a interdit tous les événements publics pour 15 jours, au moment où la marche des fiertés devait avoir lieu. À peine un mois plus tôt, des dépliants anonymes appelant à lapider les personnes LGBTIQ+ ont été distribués à Eskişehir. L’Eskişehir Pride Committee a déposé plainte et réclame l’annulation et la non-exécution de l’interdiction.

Le 26 juin 2022, la police a attaqué la marche des fiertés d’Istanbul et arrêté 373 personnes. Les personnes et défenseur·es des droits détenu·es, parmi lesquel·les 34 mineur·es, ont été portées devant la Direction de la sécurité d’Istanbul pour déposer leur déclaration. Ces personnes sont restées menottées les mains dans le dos, dans des bus durant des heures, sans eau ni nourriture. Nombre d’entre eux·elles ont signalé avoir subi des actes de torture de la part des agent·es de police. La police a également attaqué physiquement les avocat·es représentant les manifestant·es et agressé sexuellement deux avocates. Les militant·es et défenseur·es des droits détenu·es ont été libéré·es le 27 juin 2022 en début de journée.

Le 26 juin 2022, la police a attaqué la marche des fiertés d’Izmir et arrêté 12 personnes, libérées par la suite.

L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains (Fédération internationale pour les droits humains - FIDH et Organisation mondiale contre la torture - OMCT), l’Association pour les droits humains İnsan Hakları Derneği (IHD) et
la Fondation pour les droits humains en Turquie (TİHV) condamnent fermement les violentes agressions contre les manifestant·es pacifiques et les défenseur·es des droits LGBTIQ+, commises durant les différentes marches des fiertés et événements associés, en Turquie. Elles exhortent le gouvernement turc à mettre fin immédiatement à la criminalisation et au harcèlement des défenseur·es des droits LGBTIQ+ dans le pays, et d’assurer leur sécurité et leur bien-être.

L’Observatoire, l’IHD et la TIHV appellent les autorités à préserver le droit de se rassembler librement et pacifiquement, conformément à la Constitution turque et au droit international, et à cesser d’introduire des restrictions disproportionnées à l’exercice légitime des droits humains par la société civile, les citoyens et les citoyennes de Turquie.

L’Observatoire, l’IHD et la TIHV appellent enfin les autorités turques à inclure, dans les critères de discriminations prévus par la loi turque, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et garantir que les personnes LGBTIQ+ seront équitablement protégées par la loi contre les violences et les discriminations.

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  • Co-signataires

    L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains (L’Observatoire) est un partenariat créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Il vise à intervenir pour prévenir ou remédier aux situations concrètes de répression contre les défenseur·es des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseur·es des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

    L’Association des droits humains (İnsan Hakları Derneği, IHD) a été fondée le 17 juillet 1986 par 98 personnes, dont des avocat·es, des journalistes, des intellectuel·les, mais surtout des proches de prisonnier·es politiques. Le seul objectif de l’IHD est de mener des activités de défense des droits humains et des libertés fondamentales. Avec son siège, ses 27 branches et ses sept représentations, l’İHD est la plus grande organisation non-gouvernementale de défense des droits humains en Turquie et est membre de la FIDH depuis 1996. L’IHD est également membre du réseau SOS-Torture de l’OMCT.

    La Human Rights Foundation of Turkey (TİHV, Türkiye İnsan Hakları Vakfı) est une organisation de la société civile reconnue dans le monde entier qui offre des soins et des services d’accompagnement aux personnes ayant subi des tortures et d’autres formes de mauvais traitements, elles-mêmes ou leur entourage. L’association œuvre pour empêcher la violation des droits humains, notamment les actes de torture, depuis 1990.

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