République Dominicaine : Restrictions à la liberté de circulation et atteinte au droit à l’honneur du directeur exécutif du RNDDH Haïti Pierre Espérance

RNDDH

DOM 001 / 0423 / OBS 024
Restriction à la liberté de circulation /
Stigmatisation / Harcèlement / Représailles
République Dominicaine
28 avril 2023

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir sur la situation suivante en République Dominicaine.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé des restrictions à la liberté de circulation imposées par les autorités dominicaines et atteinte au droit à l’honneur de M. Pierre Espérance, citoyen haïtien et directeur exécutif du Réseau national de défense des droits de l’Homme (RNDDH), organisation membre de la FIDH en Haïti qui, depuis 32 ans, promeut les droits humains, l’État de droit et veille à ce que les autorités et institutions étatiques respectent leurs obligations en matière de protection des droits humains.

Le 14 avril 2023, le président de la République Dominicaine, Luis Abinader, dans un communiqué portant sa signature, a publié une liste de personnalités haïtiennes interdites de séjour en République dominicaine car elles représenteraient une menace pour le pays. Sur cette liste, figure le nom de Pierre Espérance, aux côtés de criminels, de membres du secteur privé des affaires et de personnalités politiques, sans qu’aucun motif ne soit avancé pour justifier une telle inscription.

La Plateforme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains (POHDH) et Ensemble Contre la Corruption (ECC), deux plateformes auxquelles le RNDDH appartient, ont publié le 20 avril 2022, une note de principe dans laquelle elles exigent que les motifs sur lesquels se sont basées les autorités dominicaines pour faire figurer le nom de Pierre Espérance sur la liste en question, soient rendus publics.

Le RNDDH dénonce régulièrement les mauvais traitements infligés aux haïtien·nes par les autorités de la République Dominicaine, notamment lors des vagues d’expulsions et de rapatriements forcés d’haïtien·nes, au cours desquels l’organisation a constaté des cas des femmes enceintes ou en passe d’accoucher qui sont maltraitées, des mères sont séparées de leurs enfants, des femmes sont violées, des fouilles aux corps humiliantes sont réalisées et, de manière plus générale, les droits fondamentaux des rapatrié·es sont violés. Ce genre de pratiques refléteraient une politique discriminatoire et xénophobe des autorités dominicaines à l’égard d’Haïti et de son peuple.

L’Observatoire rappelle que ce n’est pas la première fois que Pierre Espérance est visé pour ses activités de défense des droits humains, et qu’il est régulièrement la cible, en Haïti, de menaces de mort et d’attaques de la part des autorités et des gangs armés haïtiens. En mars 2022, une rencontre a eu lieu à Kenscoff, au sud de Port-au-Prince, entre une dirigeante influente du Parti haïtien Tèt Kale (PHTK) et 13 autres personnes non identifiées, au cours de laquelle il a été question de futures attaques envers les membres du RNDDH et de la planification de l’assassinat de Pierre Espérance. Par ailleurs, en juin 2021, Jimmy Chérizier alias « Barbecue », chef du regroupement des gangs armés appelé G-9 an fanmi e Alye, avait publiquement proféré des menaces de mort à l’encontre de Pierre Espérance. Le 23 avril 2019, une rencontre de planification de l’assassinat de M. Espérance s’était tenue au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales en présence du Ministre lui-même et de Jimmy Chérizier alias « Barbecue », dont les hommes avaient effectué des reconnaissances à caractère intimidant aux abords du local du RNDDH. Le RNDDH a également fait l’objet d’attaques et de menaces par le passé. De nombreuses plaintes concernant ces attaques et actes d’intimidation ont été déposées devant les autorités policières, sans que celles-ci ne soient jamais suivies d’effets.

Pierre Espérance est par ailleurs victime d’un harcèlement judiciaire constant en raison de ses dénonciations de la connivence des autorités avec les bandits armés et de cas de corruption au sein de la magistrature haïtienne. Pour autant, des individus impliqués dans la perpétration et l’organisation de massacres de populations civiles dénoncés par le RNDDH, ne sont ni arrêtés, ni poursuivis. Ils sont très influents au sein de l’actuel gouvernement de facto, et menacent Pierre Espérance.

L’Observatoire dénonce l’inscription arbitraire de Pierre Espérance sur la liste des personnalités représentant une menace pour la République Dominicaine ainsi que les restrictions à sa liberté de circulation et l’atteinte à son droit à l’honneur que cette inscription engendre, en ce qu’elle ne semble viser qu’à le réduire au silence et à le sanctionner pour ses activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire rejette cette action du gouvernement dominicain qui stigmatise et menace l’intégrité physique et psychologique de Pierre Espérance qui, depuis l’apparition de son nom sur la liste, aurait vu les attaques à son encontre augmenter, notamment sur les réseaux sociaux où les incitations à attaquer les locaux du RNDDH et à s’en prendre à son directeur exécutif sont légion.

L’Observatoire enjoint les autorités dominicaines à exclure Pierre Espérance de cette liste et à mettre un terme à tout acte de harcèlement et de représailles à son encontre, ainsi qu’à l’encontre de tou·tes les défenseur·es des droits humains.

Actions requises : 
 
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités dominicaines en leur demandant de :

 exclure immédiatement Pierre Espérance de la liste des personnalités haïtiennes représentant une menace pour la République Dominicaine et interdites de séjours dans le pays ;

 mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de Pierre Espérance et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains afin qu’ils et elles puissent poursuivre leurs activités légitimes de défense des droits humains en toute sécurité, sans entrave ni crainte de représailles.

Adresses :

• M. Luis Abinader, Président de la République Dominicaine, Email : oai@diecom.gob.do, Twitter : @PresidenciaRD, @luisabinader
• Mme Raquel Peña, Vice-présidente de la République Dominicaine, Email : info@vicepresidencia.gob.do, Twitter : @ViceRDo, @RaquelPenaVice
• Mme Miriam German Brito, Procureure générale de la République Dominicaine, Email : info@pgr.gob.do, Twitter : @ProcuraduriaRD, @MGermanBrito
• M. Jesús Vásquez Martinez, Ministre de l’Intérieur et de la Police de la République Dominicaine, Email : com.estrategica@mip.gob.do, Twitter : @MinInteriorRD, @chuvasquez
• M. Roberto Alvarez, Ministre des Affaires Étrangères de la République Dominicaine, Email : relexteriores@mirex.gob.do, robalsdq@aol.com, Twitter : @MIREXRD, @RobalsdqAlvarez
• S.E. M. Héctor Virgilio Alcántara, Ambassadeur, Mission permanente de la République Dominicaine auprès des Nations Unies à Genève, Suisse, Email : onug@mirex.gob.do
• S.E. M. Iván Ogando Lora, Ambassadeur, Ambassade de la République Dominicaine à Bruxelles, Belgique, Email : embassy@dominicanembassy.be, Twitter : @RDenBelgica
• S.E. Josué Fiallo, Ambassadeur, Mission permanente de la République Dominicaine auprès de l’Organisation des États américains, Email : republicadominicana@oas.org, Twitter : @JosueFiallo

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de République Dominicaine dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 28 avril 2023

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• Email : alert@observatoryfordefenders.org
• Tel FIDH : +33 (0)1 43 55 25 18
• Tel OMCT : + 41 22 809 49 39

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