République démocratique du Congo : Encore 8 défenseurs détenus depuis la vague d’arrestation contre les membres du mouvement Compte à Rebours et la Lucha

01/02/2017
Appel urgent

APPEL URGENT - L’OBSERVATOIRE

COD 001 / 0217 / OBS 014
Arrestations arbitraires / Détentions arbitraires /
Mauvais traitements / Libérations
République Démocratique du Congo
1er février 2017

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par des sources fiables de la vague d’arrestation ayant visé plusieurs membres de mouvements citoyens pro démocratie, dont huit restent détenus à ce jour, à savoir MM. Chris Shematsi, John Ngandu et Samuel Bosasele, membres du mouvement Compte à Rebours [1], MM. Patrick Musasa Tshibanda, Faustin Dunia, Glody Ntambwe, Jacques Muhindo et Fabrice Kubuya, membres du mouvement Lutte pour le changement (Lucha).

Selon les informations reçues, entre le 24 octobre et le 21 décembre 2016, 37 membres de mouvements citoyens pro-démocratie ont été arrêtés. Huit d’entre eux, membres de Compte à Rebours et la Lucha, sont toujours détenus.

Le 24 octobre 2016, plusieurs membres de la Lucha, dont MM. Faustin Dunia, Glody Ntambwe et Jacques Muhindo, ont été kidnappés et battus à Goma par des jeunes leaders de la majorité présidentielle [2] alors qu’ils sensibilisaient la population civile sur un sit-in organisé les jours suivants sur le mandat présidentiel. Inculpés d’ « incitation à la révolte », de « trouble à l’ordre public », de « violation de domicile », d’« usurpation de fonctions » et de « menaces de mort », MM. Faustin Dunia, Glody Ntambwe et Jacques Muhindo encourent jusqu’à deux ans de prison ferme. Détenus à la prison centrale de Goma, le verdict du Tribunal de grande instance de Goma était attendu pour le 1er février 2017.

Le 1er décembre 2016, MM. Franck Bahati , Déogratias Kiza, Lombo Batiti, Célestin Tambwe et Luc Malembe, membres de la Lucha, ont été arrêtés à Bunia lors de la conférence de presse de lancement de la campagne « Bye Bye Kabila » [3] en Ituri. Accusés d’« incitation à la révolte contre l’autorité », ils ont été libérés provisoirement le 23 décembre 2016. Aucune charge formelle ne leur a pour l’instant été notifiée.

Le 8 décembre 2016, M. Justin Mutabesha, membre de la Lucha, a été arrêté à Goma par des agents de renseignement militaire alors qu’il récupérait des tee-shirts portant la mention « LUCHA – Lutte pour le Changement » sur le devant et « #FreeLUCHA » au dos. Selon les informations reçues, il aurait été torturé pendant sa période de détention à l’ANR. Le 9 janvier 2017, le Parquet général de Goma a ordonné sa libération sans charge, faute d’infraction.

Le 13 décembre 2016, MM. Chris Shematsi, John Ngandu et Samuel Bosasele, membres du mouvement Compte à Rebours [4] et M. Carbone Beni Wa Beya, chargé de la mobilisation et du déploiement au sein du collectif Filimbi [5] ont été arrêtés alors qu’ils participaient à un sit-in pacifique devant le lieu où se déroulaient des négociations politiques au siège de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) à Kinshasa, pour appeler au respect de la Constitution. M. Carbone Beni Wa Beya a été détenu au camp militaire Tshatshi, division présidentielle T2 avant d’être transféré dans les locaux de l’ANR le 26 décembre 2016. Il a été libéré le 11 janvier 2017 après 29 jours de détention. Selon les informations reçues, M. Carbone Beni Wa Beya aurait souffert de mauvais traitements lors de sa détention au camp militaire de Tshatshi. Les trois membres de Compte à Rebours restent détenus au cachot des « Zulu » dans les locaux de l’Agence nationale de renseignement (ANR) à Kinshasa/Gombe sans accès à leur avocat. Aucune charge formelle n’a été retenue contre aucun des quatre défenseurs. De plus, une plainte pour arrestations arbitraires et séquestrations a été déposée par l’avocat des quatre défenseurs le 26 décembre 2016, alors que ce dernier a été privé de tout accès à ses clients lors de leur détention.

Le 16 décembre 2016, deux membres de la Lucha, Mme Gloria Sengha Shala et M. Patrick Musasa Tshibanda, ont été enlevés à Kinshasa par de présumés agents de l’ANR. Tous deux ont été détenus au camp militaire de Tshatshi avant d’être transférés dans les locaux de l’ANR à Kinshasa/Gombe le 26 décembre 2016. Mme Gloria Sengha a été libérée sans charge le 27 décembre 2016. M. Musasa Tshibanda reste détenu au secret dans un lieu inconnu sans accès à son avocat et sa famille.

Le 19 décembre 2016, M. Fabrice Kubuya a été kidnappé et battu à Goma par des jeunes leaders de la Majorité présidentielle pendant les manifestations pacifiques du 19 décembre 2016 suite à sa participation à la campagne « Bye Bye Kabila » le 19 décembre 2016. Détenu à la prison centrale de Goma, les charges à son encontre ne sont pas encore connues. M. Fabrice Kubuya doit être entendu par le tribunal le 8 février 2017.

Le 20 décembre 2016, MM. Nicolas Mbiya Kabeya, Jean Paul Mualaba, Jymmy Kamunga, Arsene Katolo, Josué Cibwabwa et Cedrick, membres de la section locale de la Lucha, ont été arrêtés par des agents de l’ANR à Mbuji-Mayi au cours d’une réunion privée, suite à leur participation à la campagne « Bye Bye Kabila ». Cinq d’entre eux ont été libérés le jour suivant, alors que MM. Nicolas Mbiya Kabeya et Jean-Paul Mualaba étaient détenus à la prison de Mbuji-Mayi. Leurs avocats ont déposé une demande de mise en liberté provisoire. Accusés d’ « appartenance à un mouvement insurrectionnel », MM. Nicolas Kabeya et Jean Paul Mualaba ont été acquittés par le tribunal le 1er février 2017.

Le 21 décembre 2016, la police a arrêté à Goma 19 membres de la Lucha alors que ceux-ci participaient à un sit-in devant le bureau du gouverneur du Nord-Kivu dans le cadre de la campagne « Bye Bye Kabila ». Il s’agit de MM. Alvin Bendera, Amitié Muhindo, André Batundi, Espoir Muhisa, Gloire Mwanzavalere, Hercule Biringetse, Juvin Kombi, Luc Nkulula, Mubalama Kitungu, Parfait Muhani, Pascal Muhindo, Patrick Djuma, Paulin Mahamba, Oswald Kulimushi, Rodrigue Kyamwami, Shimi Bahati et William Bahati ainsi que Mmes Claudia Chuma et Rebecca Kabugho. Tous ont été libérés sans charge le 28 décembre 2016.

L’Observatoire demande aux autorités congolaises de procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de MM. Chris Shematsi, John Ngandu, Samuel Bosasele, Patrick Musasa Tshibanda, Faustin Dunia, Glody Ntambwe, Jacques Muhindo et Fabrice Kubuyaainsi que de tous les membres de la Lucha, Compte à rebours ou Filimbi détenus.

L’Observatoire condamne fermement la vague massive d’arrestation en ce qu’elle vise clairement à intimider les défenseurs des droits humains dans un contexte de crise électorale et demande aux autorités congolaises de mettre un terme à tout harcèlement judiciaire à l’encontre de tous les défenseurs des droits humains en RDC.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de tous les membres de la Lucha, de Comte à Rebours et de Filimbi ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

ii. Libérer immédiatement et inconditionnellement MM. Chris Shematsi, John Ngandu, Samuel Bosasele,Patrick Musasa Tshibanda,Faustin Dunia, Glody Ntambwe, Jacques Muhindo etFabrice Kubuyaainsi que tous les membres de la LUCHA détenus ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de tous les membres de la Lucha, de Comte à Rebours et de Filimbi ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1, 6, 8, 9 et 12.2 ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120
· M. Samy Badibanga, Premier Ministre et Président du Comité de Pilotage de l’entité de liaison pour les droits de l’Homme ; E-mail : cabinet@primature.cd
· M. Alexis Tambwe Mwamba, Ministre de la Justice et des Droits Humains, Fax : + 243 88 05 521, E-mail : minjustdh@gmail.com ; min-droitshumains@yahoo.fr
· M. Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République ; E-mail : florykan@yahoo.fr, pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com
· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82
· S.E. M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 1er février 2017

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

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