République de Guinée : Libération de M. Oumar Sylla

Nouvelles informations
GIN 002 / 0420 / OBS 039.2
Libération
République de Guinée
28 août 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République de Guinée.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libération de M. Oumar Sylla, alias Foniké Mengué, coordinateur national adjoint de Tournons la page - Guinée[1] et responsable de la mobilisation et des antennes du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC)[2].

Selon les informations reçues, le 27 août 2020, M. Oumar Sylla a été libéré de la prison centrale de Conakry, où il était détenu depuis plus de quatre mois, après que la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Dixinn a jugé que le délit dont il était accusé n’était pas constitué.

M. Oumar Sylla avait été arrêté le 17 avril 2020, une heure après avoir donné une interview sur la radio Espace FM et était notamment poursuivi pour « diffusion de fausses informations » (voir rappel des faits).

L’Observatoire salue cette libération mais rappelle que M. Oumar Sylla n’aurait jamais dû être détenu en premier lieu, sa détention étant arbitraire en ce qu’elle ne visait qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains ainsi que l’exercice de sa liberté d’expression.

L’Observatoire appelle les autorités guinéennes à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre ainsi qu’à celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains dans le pays et à veiller à ce qu’ils puissent exercer leurs activités sans entraves ni peur de représailles.

Rappel des faits :

Le 17 avril 2020, en début d’après-midi, des agents de police ont arrêté M. Oumar Sylla à son domicile de Commandanya, dans la banlieue de Conakry sans mandat d’arrêt. Il a été conduit à la Villa 40, le siège des renseignements généraux guinéens à Conakry, où il a passé la nuit, sans accès à un avocat ni à sa famille.

L’arrestation de M. Oumar Sylla est survenue une heure après son passage dans l’émission « Les Grandes Gueules » sur la radio Espace FM, au cours de laquelle il a dénoncé les violences de N’zérékoré qui ont fait de nombreux morts et blessés[3], ainsi que les arrestations arbitraires et le harcèlement judiciaire à l’encontre des leaders et membres du FNDC.

Le 18 avril 2020, M. Oumar Sylla a été transféré par la brigade de répression du banditisme (BRB) à la direction centrale de la police judiciaire, toujours sans accès à son avocat. Il y a reçu une visite de son épouse, venue lui apporter de la nourriture, et qui a rapporté que M. Oumar Sylla n’avait reçu à manger que des pommes en plus de 24 heures de détention.

Le 24 avril 2020, le Tribunal de première instance de Dixinn à Conakry a inculpé M. Oumar Sylla de « diffusion de fausses informations » (article 519 du Code pénal). D’autres accusations présentées par la direction de la police judiciaire, à savoir « participation à un mouvement insurrectionnel » et « tentative de déstabilisation du régime en place », ont été rejetées par le procureur de la République. M. Oumar Sylla a été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Conakry suite à son audience. Il encourrait entre six mois et un an de prison.

Le 11 mai 2020, la Cour d’appel de Conakry a rejeté la demande de libération provisoire de M. Oumar Sylla, le maintenant en détention malgré la situation sanitaire dégradée au sein de la prison centrale de Conakry suite à la contamination d’une dizaine de détenus et aux décès de certains d’entre eux dus au Covid-19.

Le 13 août 2020, lors de la seconde audience de son procès, le Tribunal de première instance de Dixinn a refusé la demande de libération provisoire de M. Oumar Sylla au motif que celle-ci risquerait de provoquer des troubles à l’ordre public.

Le 20 août 2020, le Procureur a requis deux ans de prison contre M. Oumar Sylla.

L’Observatoire rappelle que de nombreux autres membres du FNDC font, depuis avril 2019, l’objet de menaces, d’arrestations arbitraires et de harcèlement judiciaire en raison de leur protestation pacifique contre la réforme constitutionnelle adoptée lors des élections législatives et référendaires de mars 2020, qui permettrait au Président Alpha Condé de se présenter pour un troisième mandat présidentiel consécutif en 2020. Parmi eux, MM. Abdourahamane Sanoh, Mamadou Baïlo Barry, Alpha Soumah, Abdoulaye Oumou Sow, Mamadou Bobo Bah[4], ainsi qu’Ibrahima Diallo, et Sékou Koudouno, qui restent tous deux sous contrôle judiciaire depuis le 13 mars 2020[5].

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités guinéennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Oumar Sylla et de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;

ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Oumar Syllaet de l’ensemble des défenseurs des droits humains en République de Guinée ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République de Guinée.

Adresses :

· M. Alpha Condé, Président de la République de Guinée, Twitter : @President_GN @Sekhoutoureya
· M. Ibrahima Kassory Fofana, Premier Ministre, chef du Gouvernement, Twitter : @IbrahimaKFofana @PrimatureGN
· M. Mamadou Lamine Fofana, Ministre de la Justice par intérim, Garde des sceaux, Email : contact@justice.gov.gn
· M. Mouctar Diallo, Ministre de la Jeunesse et de l’emploi jeune, Email : info@jeunesse.gouv.gn
· M. N’Famara Camara, Secrétaire général du Ministère de l’Unité nationale et de la citoyenneté, Email : jpfamara@gmail.com
· M. Ousmane Sylla, Ambassadeur de la République de Guinée à Bruxelles, Email : ambaguibruxelles@mae.gov.gn/ ambaguinee.bruxelles@yahoo.fr
· Représentation permanente de la République de Guinée auprès des Nations unies à Genève, Suisse, Email : consulat.guineegeneve@gmail.com/ mission.guinea@ties.itu.int

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la République de Guinée dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 28 août 2020

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29


[1]Tournons la page (TLP) est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles africaines dont l’objectif est la promotion de l’alternance démocratique en Afrique, en menant des actions pacifiques et non partisanes. Le mouvement est aujourd’hui actif dans 10 pays africains (Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, RDC, Tchad, Togo).
[2]Le FNDC désigne une série de manifestations sporadiques qui ont lieu depuis le 14 octobre 2019 en Guinée pour protester dans un premier temps contre la modification ou l’adoption d’une nouvelle constitution qui pourrait conduire le président Alpha Condé à un troisième mandat, puis contre l’arrestation et la condamnation des leaders du FNDC.
[3]Dans le cadre des élections législatives et référendaires du 22 mars 2020, des violences ont éclaté à N’Zérékoré, dans le sud-est du pays, opposant partisans et détracteurs de la nouvelle Constitution.
[4]Cf.appel urgent de l’Observatoire GIN 001 / 1019 / OBS 084, publié le 24 octobre 2019.
[5]Cf. appel urgent de l’Observatoire GIN 001 / 0320 / OBS 024, publié le 19 mars 2020.

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