RDC : Libération de MM. Mbuya, Tshibitshabu, Mbuya Kwecha et Mulenda et poursuite du harclèment judiciaire à leur encontre

14/02/2018
Appel urgent

Nouvelles informations
COD 004 / 0817 / OBS 085.5

Libération /
Harcèlement judiciaire /
Condamnation
République démocratique du Congo
14 février 2018

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l ’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC) .

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libération de M. Timothée Mbuya, avocat, président de Justicia Asbl et membre de la coalition de 33 ONG militant pour le respect de la constitution, Jean Pierre Tshibitshabu, membre de la Société Civile du Congo (SOCICO) et journaliste à la Radio télévision Kabekas de Kasumbalesa, Patrick Mbuya Kwecha, membre de la Fondation Bomoko [1] et Jean Mulenda, membre du mouvement Lutte pour le changement (LUCHA).

Selon les informations reçues, le 13 février 2018, M. Timothée Mbuya a été libéré de la prison de Kasapa après plus de six mois de détention arbitraire. La libération de M. Mbuya fait suite à la publication de sa condamnation en appel à douze mois de prison avec sursis et à sa radiation du barreau pour une durée de dix ans. L’audience d’appel s’était tenue le 26 janvier 2018 devant le Tribunal de grande instance de Lubumbashi.

Par ailleurs, le 28 décembre 2017, MM. Jean Pierre Tshibitshabu, Patrick Mbuya Kwecha et Jean Mulenda ont été libérés de la prison de Kasapa après avoir purgé leur peine de cinq mois de prison ferme en appel.

Les quatre défenseurs ainsi que M. Erick Omari Omba avaient été arrêtés le 31 juillet 2017 à Lubumbashi et accusés de « provocation et incitation à des manquements envers l’autorité publique » pour avoir participé à une manifestation pacifique exigeant la publication du calendrier électoral suivant l’accord du 31 décembre 2016 (voir rappel des faits).

Les quatre défenseurs des droits humains entendent saisir la Cour suprême de justice pour contester les décisions de condamnations en appel du Tribunal de grande instance Lubumbashi.

L’Observatoire se réjouit de la libération de M. Timothée Mbuya mais continue de condamner le harcèlement, y compris au niveau judiciaire, dont les quatre défenseurs des droits humains font l’objet.

En conséquence, l’Observatoire demande aux autorités congolaises de mettre un terme à toute forme de harcèlement à leur encontre, y compris au niveau judiciaire et à lever la radiation du barreau assortie à la peine de M. Timothée Mbuya, en ce qu’elle ne vise qu’à empêcher celui-ci de mener à bien ses activités pacifiques et légitimes de défense des droits humains.

Plus largement, l’Observatoire a documenté depuis 2017 une tendance quasi-systématique d’arrestation, de criminalisation et de harcèlement de la part des autorités congolaises envers les défenseurs des droits humains participant aux manifestations demandant la mise en œuvre de l’accord de la Saint Sylvestre et/ou des membres de mouvements citoyens tels que la LUCHA, Filimbi et Compte à Rebours [2].

Beaucoup ont été détenus pendant des semaines ou des mois dans des lieux tenus secrets, sans que des chefs d’accusation n’aient été formulés à leur encontre et sans accès à leurs familles et avocats. Certains affirment avoir été maltraités ou torturés et quelques-uns souffrent de graves problèmes de santé. Beaucoup ont été poursuivis en justice sur la base de chefs d’accusation fabriqués de toutes pièces [3].

L’Observatoire demande ainsi aux autorités congolaises de garantir en toute circonstances le respect de la liberté de manifestation pacifique telle que prévue par la Constitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC est partie, ainsi que de s’assurer que les défenseurs des droits humains en RDC puissent exercer leur activités légitimes et pacifiques librement et sans craintes de représailles.

Rappel des faits :

Le 31 juillet 2017, les forces de sécurité congolaises ont arrêté MM. Timothée Mbuya, Jean Pierre Tshibitshabu, Erick Omari Omba, Jean Mulenda, Patrick Mbuya Kwecha, Colins Djuma Musompo et Mme. Mireille Mbuyi Keleku alors que ceux-ci se trouvaient devant la Chapelle Régina Mundi à Lubumbashi où devait se tenir une messe suivie d’une marche pacifique organisée par la LUCHA [4]. Les forces de sécurité congolaises ont aussi dispersé les manifestants alors que les organisateurs de la manifestation avaient informé les autorités auparavant comme requis par l’article 26 de la Constitution. La marche avait pour but de déposer un Mémorandum auprès de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) du Haut – Katanga pour réclamer la publication du calendrier électoral et la tenue des élections au mois de décembre 2017, conformément aux accords du 31 décembre 2016.

Lors de l’arrestation, MM. Timothée Mbuya, Jean Pierre Tshibitshabu, Erick Omari Omba, Jean Mulenda et Patrick Mbuya Kwecha ont été menottés l’un à l’autre . Ils ont d’abord été détenus au cachot de la police des services spéciaux en Lubumbashi, puis transférés le même jour au cachot du Parquet de grande instance de Lubumbashi.

M. Colins Djuma Musompo et Mme Mireille Mbuyi Keleku ont été libérés le jour même sans charge.

Le Parquet de grande instance a ouvert un dossier sous le RMP 11147/PRO21/PSM à l’encontre des cinq défenseurs détenus en les accusant de « provocation et incitation à des manquements envers l’autorité publique » (Article 135 du Code pénal livre II) en lien avec la marche prévue ce même jour.

Le magistrat instructeur a décidé de placer les cinq défenseurs sous mandat d’arrêt provisoire et de les transférer le soir même à la prison de la Kasapa.

Le 4 août 2017, les cinq défenseurs ont été présentés en audience devant les juges du Tribunal de paix de Lubumbashi-Kamalondo en chambre de conseil pour statuer sur leur détention préventive.

Le 7 août 2017, le Tribunal de paix de Lubumbashi-Kamalondo a confirmé la détention préventive des cinq défenseurs par ordonnance.

Suite au recours introduit par les 5 défenseurs contre cette ordonnance, le Tribunal de grande instance de Lubumbashi a confirmé le 9 août la décision du Tribunal de paix.

Le 15 août 2017, le Tribunal de paix Lubumbashi-Kamalondo a ouvert un nouveau dossier à l’encontre de M. Timothée Mbuya, accusé pour les mêmes faits, le dissociant de celui de ses co-accusés. Les avocats de M. Timothée Mbuya ont donc introduit une requête devant le Tribunal de grande instance de Lubumbashi en renvoi de juridiction pour suspicion légitime, qui a été défendue durant l’audience publique du 13 septembre 2017.

Le 29 août 2017, dans l’affaire inscrite sous RP 9070, le Tribunal de paix Lubumbashi-Kamalondo a condamné à huit mois de prison ferme quatre des cinq défenseurs initialement accusés, à savoir MM. Jean Pierre Tshibitshabu, Erick Omari Omba, Patrick Mbuya Kwecha, et Jean Mulenda. Ces derniers ont interjeté appel de la décision.

Le 27 octobre 2017, le Tribunal de grande instance de Lubumbashi qui examinait l’appel de MM. Jean Pierre Tshibitshabu, Erick Omari Omba, Patrick Mbuya Kwecha, et Jean Mulenda, condamnés en première instance à huit mois de prison ferme, a renvoyé l’audience au 3 novembre 2017. Le juge du Tribunal de grande instance de Lubumbashi a reporté l’audience afin de retrouver la feuille d’audience datée du 13 octobre 2017 devant être lue lors de la réouverture des débats.

Le même jour, le Tribunal de paix de Katuba a renvoyé au 10 novembre 2017 l’audience contre M. Timothée Mbuya. Au cours de l’audience du 27 octobre 2017, le ministère public a accusé M. Timothée Mbuya de provocation et incitation à des manquements envers l’autorité publique pour avoir organiser une marche anarchique, sur la base de l’article 135 bis du Code pénal livre 2.

Le 3 novembre 2017, lors de l’audience devant le Tribunal de grande instance de Lubumbashi qui examinait l’appel de MM. Jean Pierre Tshibitshabu, Erick Omari Omba, Patrick Mbuya Kwecha, et Jean Mulenda, condamnés en première instance à huit mois de prison ferme, le Ministère public a requis une confirmation de la condamnation en première instance.

Le 10 novembre 2017, lors de l’audience devant le Tribunal de paix de Katuba, le Ministère public a requis trois ans de prison ferme à l’encontre de M. Timothée Mbuya.

Le 20 novembre 2017, le Tribunal de paix de Katuba a condamné M. Timothée Mbuya à douze mois de prison ferme. M. Timothée Mbuya a fait appel de la décision.

Le 1 décembre 2017, le Tribunal de grande instance de Lubumbashi, qui examinait l’appel de MM. Jean Pierre Tshibitshabu, Erick Omari Omba, Patrick Mbuya Kwecha, et Jean Mulenda, condamnés en première instance à huit mois de prison ferme, a acquitté M. Erick Omari Omba, et condamné MM. Jean Pierre Tshibitshabu, Patrick Mbuya Kwecha, et Jean Mulenda à cinq mois de prison ferme. M. Erick Omari Omba a été libéré le 2 décembre 2017.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de MM. Timothée Mbuya, Jean Pierre Tshibitshabu, Jean Mulenda, Patrick Mbuya Kwecha, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

ii. Lever la radiation du barreau assortie à la peine de M. Timothée Mbuya, en ce qu’elle ne vise qu’à empêcher celui-ci de mener à bien ses activités pacifiques et légitimes de défense des droits humains ;

iii. Garantir le respect de la liberté de manifestation pacifique telle que prévue par la Constitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC est partie ;

iv. S’assurer que les défenseurs des droits humains en RDC puissent exercer leur activités légitimes et pacifiques librement et sans craintes de représailles ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemb lée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1 et 12.2 ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120
· M. Bruno Tshibala, Premier Ministre, E-mail : cabinet@primature.cd
· M. Alexis Tambwe Mwamba, Ministre de la Justice, Fax : + 243 88 05 521, E-mail : minjustdh@gmail.com ;
· Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droits humains min-droitshumains@yahoo.fr
· M. Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République ; E-mail : florykan@yahoo.fr, pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com
· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82
· S.E. M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 14 février 2018

Merci de bien vouloir informer l ’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de l’OMCT y la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT y la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l ’Observatoire, appeler La Ligne d ’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

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