À l’attention des États membres et observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations unies
Lors de sa quarante-neuvième session, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU doit examiner un projet de résolution relative aux défenseur.e.s des droits humains travaillant en situation de conflits et post-conflits. Cet examen, utile et pertinent, pourra servir à la mise en œuvre d’une série de recommandations, notamment celles que renferme le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne en 2020.
Il est important pour le Conseil d’adopter une résolution reflétant la gravité et la réalité de la situation des défenseur.e.s au quotidien, et conçue pour répondre aux besoins de protection spécifiques qui leur sont nécessaires. Nos organisations appellent les membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à s’assurer que la résolution adoptée par le Conseil, de la façon la plus claire qui soit :
– reconnaisse le rôle essentiel des défenseur.e.s des droits humains pendant les conflits et post-conflits, notamment celles et ceux qui signalent des violations des droits humains flagrantes et systématiques et des violations systématiques ciblées à l’encontre de populations et communautés particulières, car ils peuvent lancer l’alerte au sujet d’un conflit qui s’intensifie ;
– reconnaisse la précarité dans laquelle les défenseur.e.s des droits humains peuvent se trouver en travaillant en période de conflit et post-conflit, en raison de l’interruption soudaine de l’approvisionnement des biens et services de première nécessité, et des risques sécuritaires accrus, tout cela venant s’ajouter au risque associé au simple fait de défendre les droits humains ;
– reconnaisse les dimensions intersectionnelles de la discrimination, des violations et des abus à l’encontre de groupes spécifiques de défenseur.e.s des droits humains, notamment les défenseures des droits humains, les populations autochtones, les populations afro-descendantes, les enfants, les populations issues de minorités, les défenseur.e.s travaillant sur des questions liées à l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, les personnes âgées et les communautés rurales et marginalisées, et exhorte les États à prêter une attention particulière aux besoins de protection des divers groupes travaillant en période de conflit et au lendemain des conflits, et à adopter une approche respectueuse de l’âge et du genre des personnes concernées ;
– précise les éléments constituant un environnement sûr et favorable, et réaffirme que les États ont pour obligation de créer et préserver de tels environnements notamment en période de conflit et au lendemain des conflits ;
– inclut dans cette perspective le besoin de lever en urgence toute restriction abusive des droits à la liberté d’association et à la négociation collective, à la réunion et à l’expression pacifiques, notamment les lois restrictives en matière d’ONG, les lois sur les agents et financements étrangers, les lois sur la prévention du terrorisme, les lois sur les fausses nouvelles (fake news) et celles qui visent en particulier les femmes et les organisations et défenseur.e.s LGBTQ+ ;
– exprime la consternation face au recours à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme pour justifier le ciblage, la menace, ou la restriction des activités et de l’accès aux sources de financement des défenseur.e.s des droits humains travaillant en période de conflit ou au lendemain des conflits, que ce soit en ligne ou hors ligne ;
– souligne le fait que l’usage d’outils de surveillance numérique doit être régulé pour s’assurer que ces derniers ne portent pas atteinte aux droits humains, notamment en ciblant les défenseur.e.s des droits humains ou les journalistes, et que les réseaux mobiles et l’accès à Internet ne doivent pas être coupés ;
– appelle à la mise en place d’instruments de protection et de soutien pour les défenseurs et défenseuses des droits humains dans de tels contextes, conformément aux meilleures pratiques identifiées par le Rapporteur spécial -ces derniers devraient admettre le fait que dans certains cas, les acteurs du secteur public et privé orchestrent la façon dont les défenseurs et défenseuses paraissent encourager les hostilités ; ces instruments devraient également souligner que les attaques à l’encontre des défenseurs et défenseuses constituent des « dommages collatéraux » lors des hostilités- ;
– admette que l’impunité et l’absence de protection et d’accès à un recours effectif prévalent dans plusieurs conflits et post-conflit, notamment s’agissant des attaques à l’encontre des défenseur.e.s des droits humains, qui peuvent alimenter le conflit ;
– reconnaisse le rôle des défenseures des droits humains et des femmes œuvrant à la consolidation de la paix via la prévention, la médiation et la résolution des conflits, et reconnaisse le lien entre leur implication et l’efficacité et la durabilité sur le long terme de ce travail ;
– admette que les défenseures des droits humains sont la cible de violences et soumises à des actes d’intimidation et de représailles en raison de leur travail visant à garantir les droits des femmes, notamment les droits à la santé sexuelle et reproductive, et du fait de la lutte qu’elles mènent contre l’impunité en matière de violences sexuelles et féminicides, en constante augmentation ;
– appelle les États à réaffirmer le rôle positif, important et légitime des défenseur.e.s des droits des enfants en période de conflit et post-conflit, et le rôle des organisations œuvrant à la protection des droits des personnes âgées dans de tels contextes ;
– appelle les États à endosser pleinement leurs responsabilités en matière de protection contre les abus des droits humains par des acteurs privés, notamment des entreprises, notamment en période de conflit lorsque la supervision des activités des entreprises peut être amoindrie et que les défenseur.e.s des droits humains peuvent de ce fait se trouver sans protection alors qu’ils luttent contre des abus à l’échelle des entreprises ;
– appelle les États à surveiller et à rendre compte de la mise en œuvre de cette résolution de façon exhaustive et systématique, et à partager des mises au point sur les défis à relever et les progrès réalisés lors des dialogues et débats de l’ONU s’y prêtant.
Nous demandons aux États de soutenir activement la rédaction d’une résolution qui reconnaisse le travail essentiel des défenseur.e.s des droits humains travaillant en situation de conflit et post-conflit, qui précise les moyens à disposition pour garantir l’exercice de leur travail malgré le contexte d’incertitude lié au conflit, et qui formule des requêtes concrètes auprès des États, des entreprises et tou.ts les acteur.rices doté.e.s du pouvoir de protéger et de promouvoir le droit de défendre les droits. Nous exhortons également les États à lutter contre les actions visant à ébranler ou affaiblir cette résolution.
Cordialement,