Les défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption – journalistes, membres d’organisations de la société civile, lanceur·ses d’alertes, entre autres – jouent un rôle essentiel dans la prévention et la lutte contre la corruption, ainsi que dans la promotion des droits humains. Année après année, les défenseur·es contribuent grandement à enquêter sur les pratiques de corruption, à les dénoncer, à réclamer plus de transparence ainsi que l’obligation de rendre des comptes, et enfin à protéger les droits humains. Nous constatons, cependant, que celles et ceux qui oeuvrent à mettre en lumière la corruption ne sont souvent pas reconnu·es comme des défenseur·es des droits humains, et que leurs efforts sont parfois invisibles au sein de la communauté plus large des défenseur·es des droits humains, ou sont perçus de manière distincte ou connexe par rapport aux activités de défense des droits humains.
Nous constatons que le rôle et l’engagement des défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption sont largement reconnus dans de nombreux instruments régionaux et internationaux de lutte contre la corruption, notamment la Convention des Nations unies contre la corruption adoptée en 2003. Cette dernière engage, entre autres, les États parties à favoriser la « participation active » des défenseur·es qui luttent contre la corruption, en cherchant à « respecter, promouvoir et protéger la liberté de rechercher, de recevoir, de publier et de diffuser des informations concernant la corruption » (article 13). De plus, la déclaration politique sur la corruption adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 2021 réaffirme l’engagement de la communauté internationale à reconnaître le rôle prépondérant que jouent la société civile, le milieu universitaire, le secteur privé et les médias dans la détection, la prévention et la lutte contre la corruption.
Nous sommes profondément préoccupés par les allégations de plus en plus nombreuses de violence, de menaces, de harcèlement, d’intimidation, d’agression et de persécution dont seraient victimes les défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption et par l’impunité des auteur·es de ces persécutions dans plusieurs pays.
Les défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption sont toujours exposé·es au risque réel d’agression physique, d’arrestation arbitraire et de poursuites judiciaires uniquement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Et les États continuent d’adopter des lois restreignant l’accès à l’information tout en s’avérant incapables de prendre des mesures efficaces visant à empêcher les actes de harcèlement, d’intimidations et les agressions contre celles et ceux qui osent dénoncer la corruption et ses impacts sur les droits humains, ou de traduire en justice les auteur·es présumé·es de ces agressions.
Nous portons à votre attention que la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains recense dans son récent rapport plusieurs cas de violence, de menaces, d’intimidation, de harcèlement, d’agressions et de persécutions visant des défenseur·es des droits humains engagé·es contre la corruption. D’après ce rapport, des centaines de défenseur·es partout dans le monde sont la cible de campagnes de diffamation et de harcèlement judiciaire, sont passibles de poursuites et sont assassiné·es chaque année pour avoir exercé pacifiquement leurs activités de défense des droits d’autrui. Il est rare que les auteur·es de ces meurtres soient amené·es à rendre des comptes, ce qui ne fait que perpétuer le cycle infernal des homicides.
Nous constatons également que certaines attaques à l’encontre des défenseur·es sont fondées sur le genre et que beaucoup sont pris pour cible en raison de leur travail dans le contexte de la pandémie de Covid-19 ou de la lutte contre la corruption qui affecte leurs communautés locales. Les défenseures des droits des femmes qui luttent contre la corruption font souvent l’objet d’agressions non seulement pour ce qu’elles font, mais aussi pour ce qu’elles sont.
Menaces et agressions continues à l’encontre des défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption
Nous sommes continuellement informés du nombre croissant de menaces et d’agressions à l’encontre des défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption, notamment des lanceur·ses d’alerte. Ces actes constituent des violations flagrantes des droits humains reconnus à l’échelle internationale, notamment les droits à la vie, à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique, d’accès à l’information et de liberté de la presse.
Les menaces, les intimidations, le harcèlement et les persécutions constituent également un manquement aux obligations qui incombent juridiquement aux États en vertu des différents traités relatifs aux droits humains auxquels ils sont parties. Nous estimons qu’il est impératif de respecter, protéger, promouvoir et faire respecter les droits des défenseur·es luttant contre la corruption afin de garantir la promotion et la protection effectives des droits d’autrui et de renforcer le respect par les États de leurs obligations juridiques en vertu des différents traités relatifs aux droits humains et à la lutte contre la corruption auxquels ils sont parties.
Nous appelons par conséquent tous les États membres des Nations unies à :
- favoriser un environnement sûr et propice pour permettre aux défenseur·es luttant contre la corruption d’exercer librement leurs activités dans le plein respect de leurs droits fondamentaux, de défendre les droits d’autrui et de lutter contre la corruption sans crainte de représailles ;
- adopter et mettre en œuvre des mesures législatives et autres visant à protéger les défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption, si elles n’existent pas déjà, conformément aux normes relatives aux droits humains et à la lutte contre la corruption ;
- respecter, protéger, promouvoir et faire respecter, dans les faits, les droits de chacun·e à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, y compris des personnes qui œuvrent à promouvoir et à défendre les droits d’autrui, ainsi qu’à lutter contre la corruption et à la dénoncer, au titre de l’article 13 de la Convention des Nations unies contre la corruption ;
- mettre fin à l’impunité en menant des enquêtes approfondies, impartiales, indépendantes, transparentes et efficaces sur les allégations d’agressions contre les défenseur·es des droits humains dans leur pays, en traduisant en justice leurs auteur·es présumé·es, et en garantissant aux victimes l’accès à la justice et à des recours efficaces ;
- reconnaître publiquement la valeur du travail des défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption et dénoncer les menaces et les agressions à leur encontre, conformément aux dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption, de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme et des traités relatifs aux droits humains, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.