Mettre fin aux représailles des défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption

09/12/2022
Déclaration
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Nadine Shaabana / Unsplash

9 décembre 2022. Alors que, ce 9 décembre 2022, le monde entier célèbre la Journée internationale de lutte contre la corruption et le 24e anniversaire de l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, nous, organisations et particuliers signataires, appelons tous les États membres des Nations unies à mettre un terme aux représailles visant les défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption et à respecter, protéger, promouvoir et mettre en œuvre les droits fondamentaux de toutes et tous, y compris de celles et ceux qui œuvrent pour la promotion et la défense des droits d’autrui et qui combattent et dénoncent la corruption.

Les défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption – journalistes, membres d’organisations de la société civile, lanceur·ses d’alertes, entre autres – jouent un rôle essentiel dans la prévention et la lutte contre la corruption, ainsi que dans la promotion des droits humains. Année après année, les défenseur·es contribuent grandement à enquêter sur les pratiques de corruption, à les dénoncer, à réclamer plus de transparence ainsi que l’obligation de rendre des comptes, et enfin à protéger les droits humains. Nous constatons, cependant, que celles et ceux qui oeuvrent à mettre en lumière la corruption ne sont souvent pas reconnu·es comme des défenseur·es des droits humains, et que leurs efforts sont parfois invisibles au sein de la communauté plus large des défenseur·es des droits humains, ou sont perçus de manière distincte ou connexe par rapport aux activités de défense des droits humains.

Nous constatons que le rôle et l’engagement des défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption sont largement reconnus dans de nombreux instruments régionaux et internationaux de lutte contre la corruption, notamment la Convention des Nations unies contre la corruption adoptée en 2003. Cette dernière engage, entre autres, les États parties à favoriser la « participation active » des défenseur·es qui luttent contre la corruption, en cherchant à « respecter, promouvoir et protéger la liberté de rechercher, de recevoir, de publier et de diffuser des informations concernant la corruption » (article 13). De plus, la déclaration politique sur la corruption adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 2021 réaffirme l’engagement de la communauté internationale à reconnaître le rôle prépondérant que jouent la société civile, le milieu universitaire, le secteur privé et les médias dans la détection, la prévention et la lutte contre la corruption.

Nous sommes profondément préoccupés par les allégations de plus en plus nombreuses de violence, de menaces, de harcèlement, d’intimidation, d’agression et de persécution dont seraient victimes les défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption et par l’impunité des auteur·es de ces persécutions dans plusieurs pays.

Les défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption sont toujours exposé·es au risque réel d’agression physique, d’arrestation arbitraire et de poursuites judiciaires uniquement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Et les États continuent d’adopter des lois restreignant l’accès à l’information tout en s’avérant incapables de prendre des mesures efficaces visant à empêcher les actes de harcèlement, d’intimidations et les agressions contre celles et ceux qui osent dénoncer la corruption et ses impacts sur les droits humains, ou de traduire en justice les auteur·es présumé·es de ces agressions.

Nous portons à votre attention que la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains recense dans son récent rapport plusieurs cas de violence, de menaces, d’intimidation, de harcèlement, d’agressions et de persécutions visant des défenseur·es des droits humains engagé·es contre la corruption. D’après ce rapport, des centaines de défenseur·es partout dans le monde sont la cible de campagnes de diffamation et de harcèlement judiciaire, sont passibles de poursuites et sont assassiné·es chaque année pour avoir exercé pacifiquement leurs activités de défense des droits d’autrui. Il est rare que les auteur·es de ces meurtres soient amené·es à rendre des comptes, ce qui ne fait que perpétuer le cycle infernal des homicides.

Nous constatons également que certaines attaques à l’encontre des défenseur·es sont fondées sur le genre et que beaucoup sont pris pour cible en raison de leur travail dans le contexte de la pandémie de Covid-19 ou de la lutte contre la corruption qui affecte leurs communautés locales. Les défenseures des droits des femmes qui luttent contre la corruption font souvent l’objet d’agressions non seulement pour ce qu’elles font, mais aussi pour ce qu’elles sont.

Menaces et agressions continues à l’encontre des défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption

Nous sommes continuellement informés du nombre croissant de menaces et d’agressions à l’encontre des défenseur·es des droits humains qui luttent contre la corruption, notamment des lanceur·ses d’alerte. Ces actes constituent des violations flagrantes des droits humains reconnus à l’échelle internationale, notamment les droits à la vie, à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique, d’accès à l’information et de liberté de la presse.

Les menaces, les intimidations, le harcèlement et les persécutions constituent également un manquement aux obligations qui incombent juridiquement aux États en vertu des différents traités relatifs aux droits humains auxquels ils sont parties. Nous estimons qu’il est impératif de respecter, protéger, promouvoir et faire respecter les droits des défenseur·es luttant contre la corruption afin de garantir la promotion et la protection effectives des droits d’autrui et de renforcer le respect par les États de leurs obligations juridiques en vertu des différents traités relatifs aux droits humains et à la lutte contre la corruption auxquels ils sont parties.

Nous appelons par conséquent tous les États membres des Nations unies à :

  • favoriser un environnement sûr et propice pour permettre aux défenseur·es luttant contre la corruption d’exercer librement leurs activités dans le plein respect de leurs droits fondamentaux, de défendre les droits d’autrui et de lutter contre la corruption sans crainte de représailles ;
  •  adopter et mettre en œuvre des mesures législatives et autres visant à protéger les défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption, si elles n’existent pas déjà, conformément aux normes relatives aux droits humains et à la lutte contre la corruption ;
  • respecter, protéger, promouvoir et faire respecter, dans les faits, les droits de chacun·e à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, y compris des personnes qui œuvrent à promouvoir et à défendre les droits d’autrui, ainsi qu’à lutter contre la corruption et à la dénoncer, au titre de l’article 13 de la Convention des Nations unies contre la corruption ;
  • mettre fin à l’impunité en menant des enquêtes approfondies, impartiales, indépendantes, transparentes et efficaces sur les allégations d’agressions contre les défenseur·es des droits humains dans leur pays, en traduisant en justice leurs auteur·es présumé·es, et en garantissant aux victimes l’accès à la justice et à des recours efficaces ;
  • reconnaître publiquement la valeur du travail des défenseur·es des droits humains luttant contre la corruption et dénoncer les menaces et les agressions à leur encontre, conformément aux dispositions de la Convention des Nations unies contre la corruption, de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme et des traités relatifs aux droits humains, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
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  • Co-signataires

    Accountability Lab,États-unis/Afrique du sud
    Action pour les personnes vulnérables (APV), Guinée
    African Centre for Media & Information Literacy (AFRICMIL), Niger
    AfricanDefenders, Ouganda
    American University Washington College of Law, États-unis
    Amnesty International, Royaume-uni/Sénégal
    Appui à la Promotion du Développement Intégré (APRODI), Guinée
    Article 19, Royaume-uni
    Asian Forum for Human Rights and Development (FORUM-ASIA), Thailande
    Association Songtaaba des femmes unies pour le développement ASFUD, Burkina Faso
    AWTAD Anti-Corruption Organization, Yémen
    Be Just, Inc., États-unis
    Bekker Compliance Consulting Partners, LLC, États-unis
    Blueprint for Free Speech, Royaume-uni
    Bunge Mashinani Initiative, Kenya
    Centre de Recherche sur L’Anti-Corruption, République démocratique du Congo
    Centre d’Excellence du Droit de l’Environnement (CEDE), Guinée
    Centre for Free Expression, Canada
    Centre for Human Rights, University of Pretoria, Afrique du sud
    CiFAR - Civil Forum for Asset Recovery e.V., Allemagne
    CIVICUS, Afrique du sud
    Coalition des Défenseurs des Droits de l’Homme au Bénin (CDDH-Bénin), Bénin
    Commission nationale des droits humains, Burkina Faso
    Conseil Consultatif des enfants et jeunes de Guinée, Guinée
    Corporate Crime Observatory, Royaume-uni
    Créativité et développement (C-DEV), Guinée
    Defenders Coalition, Kenya
    Environmental Investigations Agency, États-unis
    Federation of Environmental and Ecological Diversity for Agricultural Revampment and Human Rights (FEEDAR & HR), Cameroun
    FIDH (Fédération Internationale pour les Droits Humains), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains, France
    Front Line Defenders, Irlande
    Global Witness, Royaume-unis
    Government Accountability Project, États-unis
    Gulf Centre for Human Rights, Liban
    Haki Africa, Kenya
    Improve Your Society Organization (IYSO), Yémen
    Institute for Public Policy Research (IPPR), Namibie
    International Commission of Jurists Kenya (ICJ-Kenya), Kenya
    International Service for Human Rights (ISHR), Suisse
    Les Mêmes Droits pour Tous (MDT), Guinée
    Ligue Congolaise de Lutte contre la Corruption (LICOCO), République démocratique du Congo
    Lutte pour le Changement (LUCHA), République démocratique du Congo
    Malagen, Gambie
    Mexiro AC, Mexique
    Protect, Royaume-unis
    Platform to Protect Whistleblowers in Africa (PPLAAF), Sénégal/Afrique du sud
    Publiez Ce Que Vous Payez, Sénégal
    Réseau de Lutte Contre la Faim (RELUFA), Cameroun
    Réseau des Associations Guinéennes des Volontaires pour le Développement (RAGVD-GUINEE), Guinée
    Réseau des Organisations de la Société Civile pour l’Observation et le Suivi des Elections en Guinée (ROSE), Guinée
    Réseau Guinéen des Maisons et Foyers des Jeunes et de la Culture (REGUIMAJEC), Guinée
    Sembrando Sentido, États-Unis
    Sherpa, France
    Siasa Place, Kenya
    Social justice centres Working Group, Kenya
    SpeakOut SpeakUp Ltd, Royaume-unis
    The Daphne Caruaza Galizia Foundation, Malte
    The Global Initiative Against Transnational Organized Crime, Suisse
    The Institute for Social Accountability (TISA), Kenya
    The Sentry, États-Unis
    Tiger Eye Social Foundation, Ghana
    Tournons La Page Togo, Togo
    Transparency International Bangladesh, Bangladesh
    Transparency International Cambodia, Cambodge
    Transparency International Italy, Italie
    Transparency International Secretariat, Allemagne
    Transparency International Zimbabwe, Zimbabwe
    Uzbek Forum for Human Rights, Ouzbekistan/Allemagne
    WAFRICA Guinée, Guinée
    Whistleblower-Network, Allemagne
    Whistleblower International Network (WIN), Royaume-uni
    Women Human Rights Defenders Hub, Kenya
    Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains, Suisse
    Xnet, Espagne
    Yemen organization for combatting human trafficking, Yémen
    الإنسان - Watch for Human Rights (Watch4HR), Yémen

    Liste d’individus

    Ms. Bangoura Aminata Edith, Women’s rights activist, Guinée
    Professor David Lewis, Head of the Whistleblowing Research Unit, Middlesex University, Royaume-unis
    Dr Aled Williams, Principal Adviser, U4 Anti-Corruption Research Centre, Chr. Michelsen Institute, Norvège
    Dr Costantino Grasso, Reader in Business and Law, Manchester Metropolitan University, Royaume-unis
    Amb. (ret) Francisco Villagran de Leon, Lecturer, Elliott School of International Affairs, États-unis
    Mr Feras Hamdouni, Development professional, Syrie


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