Niger : Les défenseurs des droits humains doivent être libérés immédiatement et sans conditions

20/07/2018
Communiqué
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• Délibéré du verdict de leur procès ce 24 juillet
• Des peines allant de la relaxe à trois ans ferme requises
• Nouvelle procédure pour « outrage à magistrat » contre un activiste déjà en détention

Alors que le verdict du procès des défenseurs des droits humains au Niger est attendu pour mardi, il est plus que temps pour les autorités de ce pays de mettre un terme aux poursuites engagées contre eux et d’assurer leur libération immédiate et sans condition, ont déclaré aujourd’hui neuf organisations de défense des droits humains dont Amnesty International, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (FIDH-OMCT), Tournons la page et Front Line Defenders

Lors de leur procès pour « organisation et participation à une manifestation interdite », « complicité de violences », « agression » et « destruction de biens » qui s’est ouvert le 10 juillet devant le Tribunal de Grande Instance de Niamey, le procureur de la République a requis une peine de trois ans de prison ferme et une amende de 100.000 F. CFA (152 euros) contre Ali Idrissa Nani, Nouhou Arzika, et Moussa Tchangari ; un an ferme contre Lirwana Abdourahamane et une amende de 100.000 F. CFA, et la relaxe pour Ousseini Maïna et Mamoudou Seyni.

« Alors que le verdict est attendu, les autorités nigériennes ont l’occasion de montrer au monde qu’elles sont effectivement attachées à la défense des droits humains, en libérant sans condition ces activistes et tous les manifestants détenus uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, » a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« La répression des voix dissidentes, l’interdiction des manifestations pacifiques et l’arrestation d’activistes sont autant de violations qui doivent cesser au Niger. »

Depuis le vote d’une loi de finances en novembre 2017, qui prévoit de nouvelles taxes sur l’habitation et l’électricité, la société civile nigérienne, réunie au sein d’un cadre de concertation, organise des manifestations visant à dénoncer l’injustice sociale résultant de cette nouvelle loi.

Les autorités ont depuis arrêté les figures de proue de cette alliance. Ainsi Moussa Tchangari, Ali Idrissa Nani, Nouhou Arzika, Me Lirwana Abdourahamane, Ibrahim Diori, Sadat Illiya Dan Malam, Yahaya Badamassi, Maikoul Zodi et Karim Tanko sont arbitrairement détenus depuis près de quatre mois.

Alors qu’il est en détention, Me Lirwana Abdourahmane a fait l’objet d’une nouvelle procédure le 12 juillet 2018 à la suite d’une plainte du doyen des juges d’instruction pour « outrage à magistrat par voie de parole lors de l’audience du 10 juillet 2018. » Après son audition, le procureur a requis deux ans d’emprisonnement dont un an ferme et un an avec sursis à son encontre. Ce verdict est attendu le lundi 23 juillet.

« Le procès d’Ali Idrissa, Nouhou Arzika, Moussa Tchangari et leurs collègues est symptomatique d’une tendance inquiétante du gouvernement du Niger allant à l’encontre des normes et principes qu’il prétend défendre – y compris les libertés fondamentales d’expression, d’association et de rassemblement pacifique, » a déclaré Élisa Peter, directrice générale de Publiez Ce Que Vous Payez.
« La place de ces activistes pour la transparence et pour la justice fiscale n’est pas en prison. Ils doivent être immédiatement libérés et les droits d’association et de manifester pacifiquement rétablis. »

Le 25 mars dernier, une manifestation prévue avait été interdite par le président de la délégation spéciale de la capitale Niamey pour « des raisons évidentes de sécurité » et « au regard du contexte sécuritaire actuel au Niger et dans la sous-région d’une part, et d’autre part des récentes attaques terroristes. »

Malgré l’interdiction, des manifestants se sont présentés devant le point de rassemblement, encadrés par un fort dispositif de sécurité visant à les empêcher de se rassembler.

Les forces de l’ordre ont alors utilisé des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants et des heurts ont éclaté. Les membres de la société civile aujourd’hui détenus avaient pourtant appelé au calme lors des précédentes manifestations et dans leurs déclarations publiques en amont de la marche du 25 mars. Depuis lors, les demandes de manifestation de la part de la société civile ont été quasi-systématiquement rejetées par les autorités.

En dehors des défenseurs des droits humains qui ont comparu le 10 juillet dernier, cinq autres membres du cadre de concertation de la société civile, Ibrahim Diori, Sadat Illiya Dan Malam, Yahaya Badamassi, Maikoul Zodi, et Karim Tanko attendent toujours leur procès après plus de trois mois de détention.

« Le fait que ces défenseurs des droits humains aient passé près de quatre mois derrière les barreaux en dit long sur la bataille impitoyable que les autorités nigériennes ont décidé de livrer contre ceux qui défendent l’intérêt général et les droits fondamentaux, » a déclaré Laurent Duarte, coordinateur international de Tournons la Page.

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