NICARAGUA : L’Assemblée nationale ne doit pas approuver le projet de loi sur les « agents de l’étranger »

28/09/2020
Communiqué
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San José – Genève – Paris - Managua, 25 septembre 2020 – Les organisations signataires, considérant que le projet de loi sur l’encadrement des « agents de l’étranger » est contraire aux normes internationales en matière de droits humains et impose une restriction inacceptable de la liberté d’association et du droit à défendre les droits humains au Nicaragua, appellent la communauté internationale à activer de toute urgence les leviers dont elle dispose afin d’empêcher l’entrée en vigueur de cette loi.

L’initiative législative sur l’encadrement des « agents de l’étranger » inquiète vivement les organisations signataires, car elle imposerait de nouvelles restrictions et de nouveaux obstacles au travail des organisations non gouvernementales et aux personnes défendant les droits humains dans le pays. L’adoption de cette loi limiterait l’exercice des droits à la liberté d’opinion et d’expression, à la liberté de réunion pacifique et d’association, ainsi que le droit à la défense des droits humains. Or, de telles restrictions sont contraires aux obligations internationales auxquelles est tenu le Nicaragua par les accords en matière de droits humains qu’il a adopté.

Ce projet de loi a été présenté par des membres du gouvernement le 22 septembre, sous couvert de veiller à la sécurité de l’État face à l’ingérence étrangère. Cependant, plusieurs articles de ce projet de loi visent à imposer des restrictions inacceptables au droit à la liberté d’association et pourraient constituer un instrument de répression contre les personnes et les organisations œuvrant pour la défense des droits humains et recevant des ressources issues de la coopération internationale.

En effet, le projet de loi définit comme « agents de l’étranger » toutes les « organisations, associations ou personnes physiques ou morales, de nationalité nicaraguayenne ou autre, qui perçoivent, au Nicaragua, des fonds, des biens ou un quelconque objet de valeur provenant directement ou indirectement d’un gouvernement étranger ou d’agences, fondations, sociétés ou associations étrangères de quelque nature que ce soit. » Sont exclus de cette définition les accords commerciaux, les investissements étrangers et les personnes physiques ou morales qui réalisent des activités économiques ou commerciales.

Cette législation, si elle était approuvée, constituerait un frein considérable au travail de suivi des violations des droits humains réalisé par les organisations de la société civile, et rendrait le travail de ces organisations et des défenseur·es des droits humains passibles de poursuites, dans un contexte déjà difficile. En effet, l’article 12 du projet de loi précise que « les personnes physiques ou morales, de nationalité nicaraguayenne ou autre, qui répondent à la définition d’agents de l’étranger devront s’abstenir d’intervenir dans les affaires ou les questions de politique intérieure, sous peine de sanctions légales. » Par ailleurs, il sera interdit aux agents de l’étranger de « financer ou promouvoir le financement de toute organisation […] ou association travaillant sur des thématiques de politique intérieure au Nicaragua. »

Les termes employés dans certains articles de ce projet de loi sont relativement vagues, laissant ainsi une grande marge d’interprétation pouvant restreindre les droits civils et politiques de la société nicaraguayenne.
Cette loi obligerait les personnes physiques et morales qui recevraient de l’argent de l’étranger à s’enregistrer comme « agents de l’étranger » auprès du ministère de l’Intérieur et les soumettrait à des contrôles stricts de leurs activités et de leurs ressources. Ces mesures, déjà très restrictives en elles-mêmes, seraient un moyen pour les autorités d’agir de manière arbitraire. De plus, les entités financières du pays devraient soumettre au contrôle de l’Unité d’analyse financière (UAF) tous les fonds perçus par les « agents de l’étranger ». Tout manquement à ces obligations entraînerait non seulement des amendes et des sanctions administratives, mais également des poursuites pour atteinte à la sécurité de l’État.

Il est très préoccupant de constater que cette initiative législative intervient quelques semaines après la proposition de la part du pouvoir exécutif d’entamer une réforme visant à instaurer la peine de prison à perpétuité contre les personnes perçues comme opposantes et ayant commis des « crimes de haine » ou des crimes « contre la paix », selon les propos du président Ortega, sans que ces crimes soient clairement définis. Une telle mesure permettrait, dans certains cas, de restreindre d’autant plus l’exercice de la liberté d’expression et d’association.

Ainsi, les organisations signataires expriment leurs vives inquiétudes concernant ces deux initiatives législatives qui représentent une étape supplémentaire dans la répression des libertés au Nicaragua, en restreignant davantage la défense des droits humains par des collectifs et des organisations, et en rendant plus difficile l’évaluation de la situation par des acteurs internationaux. Or, selon l’article 13 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de solliciter, recevoir et utiliser des ressources dans le but exprès de promouvoir et protéger les droits de l’homme.

Les organisations appellent donc les organismes internationaux de protection des droits humains ainsi que le corps diplomatique de la communauté internationale à renforcer leur engagement auprès des mouvements sociaux, des organisations de défense et des défenseur·es des droits humains au Nicaragua en se positionnant contre ces projets de loi visant à limiter la participation sociale et à rendre plus difficile encore l’exercice de la défense des droits humains au Nicaragua.

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  • Co-signataires

    Signataires :
    ● Amnistía Internacional Américas
    ● Asociación de Investigación y Especialización sobre Temas Iberoamericanos
    ● Asociadas por lo Justo (JASS) Mesoamérica
    ● Bienvenida al sur (BAS)
    ● Brujas Migrantes
    ● Ca la Dona
    ● CEJIL
    ● Centro de Información y Servicios de Asesoría en Salud
    ● Colectivo de Derechos Humanos Nicaragua Nunca Más
    ● Comisión de Derechos Humanos Hispano Guatemalteca
    ● Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de las Mujeres CLADEM
    ● Cooperación Comunitaria AC
    ● Escuela para Defensoras Benita Galeana AC
    ● Federación Internacional por los Derechos Humanos (FIDH), en el marco del Observatorio para la Protección de los Defensores de Derechos Humanos
    ● Feministas Autoconvocadas Barcelona
    ● Feministas Madrid X Nicaragua
    ● Feministas por Nicaragua Euskal Herria
    ● Fundación Estudios Sindicales y Cooperación de Andalucía - FESCA
    ● FUNDACIÓN PARA EL DEBIDO PROCESO - DPLF -
    ● ICID (Iniciativas de Cooperación Internacional para el Desarrollo)
    ● Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos (IM-Defensoras)
    ● International Institute on Race, Equality and Human Rights
    ● Las Amapolas
    ● Movimiento Campesino de Nicaragua
    ● Movimiento Autónomo de Mujeres (MAM)
    ● Nuevas Ideas Nicaragua
    ● Organización Mundial Contra la Tortura (OMCT), en el marco del Observatorio para la Protección de los Defensores de Derechos Humanos
    ● Periodistas y Comunicadores Independientes de Nicaragua
    ● Red de Hondureñas Migradas
    ● Red EU-LAT
    ● Red Internacional de Derechos Humanos (RIDH)
    ● Solidaridad Internacional Andalucía
    ● Tlalij A. C.

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