Maroc / Sahara occidental : Dégradation de l’état de santé en détention de Mme Mahfouda Bamba Lefkir

06/02/2020
Appel urgent

Nouvelles informations
MAR 004 / 1219 / OBS 101.1
Détention arbitraire /
Mauvais traitements /
Dégradation de l’état de santé
Maroc / Sahara Occidental
6 février 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Maroc / Sahara Occidental.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire et de la dégradation de l’état de santé en détention de Mme Mahfouda Bamba Lefkir, défenseure sahraouie pour le droit à l’auto-détermination et membre du collectif Gdeim Izik[1].

Selon les informations reçues, les conditions difficiles dans lesquelles est détenue Mme Mahfouda Bamba Lefkir depuis son arrestation ainsi que le refus systématique d’accès aux soins de la part des autorités pénitentiaires engendrent une détérioration générale de son état de santé.

En effet, depuis le début de son placement en détention le 15 novembre 2019 (cf. rappel des faits), Mme Mahfouda Bamba Lefkir connaît diverses complications de santé dues à son manque d’accès aux soins au sein de la prison. Plus particulièrement, elle souffre d’une maladie chronique au niveau des sinus qui risque de s’aggraver si elle ne prend pas de médicaments. Elle souffre également d’asthme et de sensibilité cutanée.

Depuis le début de sa détention, tout transfert dans un hôpital en dehors de la prison ainsi que la visite de son médecin lui ont été refusés. Les autorités pénitentiaires refusent également de lui prodiguer des soins ou de lui fournir des médicaments. En raison de son asthme et de ses difficultés respiratoires, elle a cependant pu être transférée dans une petite clinique au sein de la prison, où elle a eu accès à un appareil d’oxygène mais n’a pas pu consulter de médecin.

Par ailleurs, son état psychologique se dégrade en raison des agressions verbales qu’elle subit régulièrement de la part d’une détenue de droit commun encouragée par le personnel pénitentiaire.

L’Observatoire est préoccupé par le fait que Mme Mahfouda Bamba Lefkir n’ait pas accès à des soins de santé adéquats et condamne fermement la poursuite de sa détention arbitraire qui ne semble viser qu’à sanctionner ses activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire appelle les autorités marocaines à prodiguer les soins nécessaires à l’amélioration de l’état de de santé de Mme Mahfouda Bamba Lefkir et à procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle ainsi qu’à celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains détenus au Sahara occidental.

Rappel des faits :

Le 15 novembre 2019, Mme Mahfouda Bamba Lefkir a été arrêtée après avoir pris la parole pour dénoncer les injustices contre les prisonniers sahraouis lors du procès de son cousin M. Mansour Othman al Moussaoui, condamné ce jour-là à un mois de prison en raison de sa participation à des manifestations à Laâyouneappelant à l’auto-détermination et à un référendum sur le Sahara occidental. Elle a alors été interrogée pendant plusieurs heures par le Procureur du Roi au sein même du Tribunal avant d’être transférée au commissariat local pour y être de nouveau interrogée par la police judiciaire au sujet de son militantisme et de ses liens supposés avec le Front Polisario. Durant ce transfert, elle a été maltraitée physiquement par les policiers, passant presque toute la journée les mains menottées. Elle n’a pas eu accès à un avocat pendant toute la durée de ces interrogatoires.

Le 16 novembre 2019, Mme Mahfouda Bamba Lefkir a été transférée à la prison de Lakhal, où elle reste détenue à ce jour.

Durant les cinq premiers jours de sa détention, toute visite lui a été interdite et elle n’a pu obtenir ni couverture, ni médicament. Elle a, depuis, pu recevoir la visite de sa famille mais pas celle de son avocate et n’a toujours pas accès aux soins dont elle a besoin.

Le 27 novembre 2019, Mme Mahfouda Bamba Lefkir a été condamnée à six mois de prison ferme par le Tribunal de première instance de Laâyoune pour « obstruction à la justice » (article 609 alinéa 4 du Code pénal et articles 341 à 345 du Code de procédure pénale) et « humiliation d’un agent public » (article 263 du Code pénal). Cette condamnation a été confirmée en appel le 12 décembre 2019.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités marocaines en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Mme Mahfouda Bamba Lefkiret de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Sahara occidental ;

ii. Garantir l’accès de Mme Mahfouda Bamba Lefkir aux soins et aux médicaments nécessaires à l’amélioration de son état de santé ;

iii. Garantir l’accès de Mme Mahfouda Bamba Lefkir à son avocate en toutes circonstances ;

iv. Procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle ainsi qu’à celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains détenus au Sahara occidental ;

v. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de Mme Mahfouda Bamba Lefkir et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Sahara occidental ;

vi. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant aux allégations de mauvais traitements décrits ci-dessus, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

vii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Maroc.

Adresses :

M. Saad-Eddine El Othmani, Premier Ministre du Maroc. Fax : +212 37 76 99 95/37 76 86 56
M. Nasser Bourita, Ministre des affaires étrangères et de la coopération, Maroc. Fax : +212 - 37-76-55-08 / 37-76-46-79. Email : ministere@maec.gov.ma
M. Mohamed Aujjar, Ministre de la justice, Rabat, Maroc. Fax : +212 37 72 68 56. Email : ccdh@ccdh.org.ma
M. Mustapha Ramid, Ministre d’état chargé des droits de l’Homme, Maroc. Fax : +212 5 37 67 11 55, Email : contact@didh.gov.ma
Mme. Amina Bouayach, Présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Email : cndh@cndh.org.ma
Représentant Permanent du Royaume du Maroc auprès de l’Office des Nations Unies à Genève et des autres Organisations Internationales en Suisse - 18a Chemin François Lehmann, 1218 Grand Saconnex, Fax : + 41 022 791 81 80. Email : mission.maroc@ties.itu.int
S. E. M. Alem Menouar, Ambassadeur, Mission du Royaume du Maroc auprès de l’Union européenne. Avenue Franklin Roosevelt 2, 1050 Bruxelles, Belgique. Email : mission.maroc@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève,le 6 février 2020

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : +33143552518 / +33143551880
Tel et fax OMCT : +41228094939 / +41228094929

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[1] Collectif de soutien aux 24 prisonniers incarcérés suite aux affrontements survenus lors du démantèlement du camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik en 2010 par les autorités marocaines.

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