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Dimitris Christopoulos : « Il faut passer à l’offensive pour sauver les droits de l’homme »

Le Grec Dimitris Christopoulos a été nommé président de la Fédération internationale des droits de l’homme samedi, pour un mandat de trois ans.

Par  (Athènes, correspondance)

Publié le 28 août 2016 à 07h33, modifié le 28 août 2016 à 11h32

Temps de Lecture 4 min.

Dimitris Christopoulos.

Il a l’énergie communicative des hommes de terrain et le verbe précis et direct de ceux qui tentent de penser des solutions pour les maux du monde. Dimitris Christopoulos, 47 ans, a passé plus de vingt ans à défendre les droits de l’homme dans son pays, la Grèce.

Un combat qui a mené la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) – son 39congrès vient de prendre fin à Johannesburg (Afrique du Sud) – à le choisir, samedi 27 août, pour être son nouveau président.

Son mandat de trois ans le conduira en Afrique – où est affecté près de 40 % du budget de la fédération – en Asie, mais aussi en Europe, où M. Christopoulos voit « un besoin urgent de mener une offensive [en faveur] des droits de l’homme face à des Etats qui aimeraient reléguer cette tradition à une espèce de gloire passéiste ».

Un militant actif

Avocat et professeur spécialiste des minorités, de la migration et de la citoyenneté à l’université Panteion des sciences sociales et politiques d’Athènes, M. Christopoulos est notamment connu dans son pays pour avoir mené ces dernières années une véritable bataille pour l’adoption d’une loi permettant de naturaliser les enfants dits « de seconde génération ».

Ce sont souvent des enfants d’Albanais ou d’Africains, nés ou scolarisés en Grèce pendant plus de dix ans, et qui n’avaient, jusqu’ici, aucun droit à la nationalité grecque au moment d’atteindre leur majorité. La loi est passée en 2015, mettant fin à plus de trente années de débats houleux dans un pays très fébrile sur les questions identitaires.

A la tête de la Ligue grecque des droits de l’homme entre 2003 et 2011, puis vice-président de la FIDH depuis 2013, M. Christopoulos a mené une étude approfondie mesurant notamment l’impact de la crise et des mesures d’austérité sur l’état des droits de l’homme en Grèce.

« La violation des droits sociaux [éducation, santé, travail] a entraîné dans mon pays un mépris du processus démocratique depuis six ans, une violation quasi systématique des droits individuels. Les politiques d’austérité renforcent l’idée selon laquelle la cohésion sociale n’est plus tant une obligation de l’Etat, mais un acte de charité », affirme-t-il.

Et même s’il ne s’agit pas pour lui – en prenant la tête de la FIDH – d’internationaliser le problème grec, il sait qu’il a aussi été choisi justement parce qu’il est grec. « Un symbole, car la Grèce concentre toutes les impasses de l’Union européenne [UE] aujourd’hui. »

« La sécurité ne signifie pas seulement la police et des armes »

Prendre la tête d’une institution engagée dans la défense des droits et des libertés est une gageure en ces temps de terrorisme où la tension entre le respect des libertés individuelles et le nécessaire besoin de sécurité n’a jamais été aussi aiguë. « Nous ne devons pas laisser se développer l’idée que la sécurité passe seulement par le renforcement d’un arsenal répressif ou par l’abandon des libertés individuelles », plaide l’avocat.

« La sécurité ne signifie pas seulement la police et des armes. La sécurité signifie des routes sûres, des jardins d’enfants qui fonctionnent, des hôpitaux sûrs, une bonne scolarisation et ainsi de suite. Cela signifie la responsabilité sociale de l’Etat. La sécurité a une dimension sociale qui est cachée par les représentations unidimensionnelles de la sécurité comme obstacle à la liberté. »

Un débat qui dépasse aujourd’hui largement l’Europe touchée par les attentats. « Ces tensions sont les mêmes en Amérique du Sud, en Afrique ou au Moyen-Orient où des gouvernements autoritaires se servent de la menace sécuritaire pour imposer des régimes antidémocratiques », souligne-t-il.

« La FIDH doit partout soutenir les lanceurs d’alerte, et toux ceux qui se battent pour défendre l’universalité et l’indivisibilité des droits de l’homme. Le grand danger, c’est l’insidieuse campagne visant à stigmatiser ces défenseurs, au mieux comme de gentils naïfs, au pire comme des agents infiltrés de puissances étrangères venus renverser l’ordre public de tel ou tel régime autoritaire. Le temps de l’offensive est revenu. »

« La dignité humaine doit toujours prévaloir »

Particulièrement sensible à la question migratoire, M. Christopoulos a cosigné, en 2016 aux éditions Papazisis, Crise des réfugiés : peut-on y arriver ?, un ouvrage qui rappelle les différentes phases et les causes de l’afflux massif de migrants en Europe en 2015.

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« L’accord UE-Turquie du 18 mars est le signe d’une panique incompréhensible. Comme si l’UE et ses 510 millions d’habitants n’étaient pas en mesure d’assimiler deux, trois, cinq millions de réfugiés. Pour un moment de panique on détruit deux cents ans de tradition européenne sur la formation du droit d’asile », se désole-t-il.

« Il faut résister à tous ceux qui instrumentalisent la différence identitaire à des fins politiques, sinon on arrive à cette situation grotesque de flics déshabillant une femme sur la plage, explique-t-il. Une société hétérogène pose des problèmes aux droits de l’homme, mais on doit y répondre de manière à y inclure tout le monde. La dignité humaine doit toujours prévaloir. »

Une conviction constitutive chez M. Christopoulos. Et qui animera sûrement son action à la FIDH dans les trois prochaines années.

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