Inde : un an après, demande de justice pour la mort en détention du père Stan Swamy

Khetfield59 / Creative Commons (CC BY-SA 4.0)

Le 5 juillet 2021, le père Stan Swamy, 84 ans, prêtre jésuite et défenseur des droits humains, est mort en détention judiciaire à l’hôpital Holy Family, à Mumbai, en Inde. À l’occasion du premier anniversaire de sa mort, nous, les 13 organisations internationales et nationales de défense des droits humains soussignées, nous souvenons de l’engagement de Stan Swamy depuis des décennies en faveur de la réalisation des droits des Dalits et des peuples autochtones en Inde, en particulier dans l’État de Jharkhand. Nous rappelons notre demande d’une enquête indépendante et efficace sur sa mort en détention et de la libération immédiate et inconditionnelle des 15 autres éminent·es défenseur·es des droits humains inculpés dans la même affaire.

Stan Swamy a fondé le Vistapan Virodhi Jan Vikas Andolan, une plateforme pan-indienne visant à garantir et à protéger les droits fonciers des Dalits et des Adivasis, et a été un défenseur de premier plan contre leurs déplacements forcés, principalement liés à des projets d’infrastructure et à l’exploitation de terres riches en minéraux. Il s’est élevé contre la discrimination et la violence systémiques à l’encontre de la communauté adivasi et a notamment documenté et défendu les arrestations massives de jeunes adivasi·es, fréquemment accusé·es par les autorités d’être des naxalites ou des maoïstes et d’inciter au terrorisme et à la violence. C’est ce travail qui constitue son héritage, mais aussi la raison des représailles dont il a fait l’objet. Il a soutenu et inspiré les communautés les plus marginalisées et les plus vulnérables de l’État de Jharkhand pour qu’elles cherchent à obtenir réparation contre la violence et la discrimination.

Le 8 octobre 2020, l’Agence nationale d’investigation (NIA) de Ranchi, dans le Jharkhand, a arrêté Stan Swamy pour ses liens présumés avec l’incident de violence fondée sur la caste qui a éclaté lors de la commémoration d’Elgar Parishad à Bhima Koregaon, dans l’État du Maharashtra, le 1er janvier 2018. Avec 15 autres éminent·es défenseur·es des droits humains, dont 13 sont toujours en détention provisoire à l’heure actuelle, il a été faussement accusé et emprisonné dans une affaire qui est devenue largement connue sous le nom d’affaire Bhima Koregaon-16 ou affaire BK-16 [1].

Au moment de son arrestation, Stan Swamy souffrait déjà de la maladie de Parkinson, d’une importante perte d’audition des deux oreilles et d’autres graves problèmes de santé sous-jacents. Cependant, selon ses propres termes, ses systèmes corporels "étaient très fonctionnels". Au cours des neuf mois de détention qui ont suivi, les mauvaises conditions de détention, la pandémie de Covid-19 et l’absence de soins médicaux adéquats ont entraîné une détérioration de son état de santé. Au départ, les autorités pénitentiaires lui ont refusé des vêtements chauds et un gobelet siphoïde dont il avait besoin en raison des effets de la maladie de Parkinson avancée. Le 22 octobre 2020, un tribunal spécial de la National Investigation Agency (NIA) a rejeté sa demande de libération sous caution provisoire déposée pour raisons médicales, malgré la pandémie de Covid-19 et les mesures nationales visant à réduire la congestion des prisons, ainsi que les propres directives de la Cour suprême de l’Inde à cet égard. Au cours de la deuxième semaine de mai 2021, ses avocat·es ont à nouveau demandé au tribunal de le libérer pour raisons médicales. À ce moment-là, il souffrait de symptômes de Covid-19, mais cette demande de libération sous caution a de nouveau été rejetée.

Son état étant devenu critique, Stan Swamy a finalement été transféré de la prison centrale de Taloja à l’hôpital Holy Family le 28 mai 2021. Là, il a été testé positif au Covid-19 et est resté dans un état critique. La libération sous caution lui a toujours été refusée, malgré son état de santé vacillant, et il vivait dans la crainte constante d’être renvoyé à la prison centrale de Taloja. De multiples demandes pour qu’il soit transféré dans son État d’origine, le Jharkhand, afin qu’il puisse être auprès de sa communauté, ont également été rejetées. Le 4 juillet 2021, Stan Swamy a fait un arrêt cardiaque et est décédé le jour suivant, le 5 juillet 2021. Ses souffrances mentales et physiques et son décès sont les conséquences directes de son incarcération et du refus des autorités de lui fournir un traitement médical efficace en temps voulu.

Un an plus tard, l’absence de justice et d’obligation de rendre des comptes pour la mort en détention de Stan Swamy et la poursuite de l’inculpation des 15 autres défenseur·es des droits humains dans l’affaire Bhima Koregaon témoignent du mépris des autorités indiennes pour les droits humains et l’état de droit. L’absence d’action de la part du gouvernement indien, des tribunaux indiens, de la Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) et du gouvernement et de l’administration pénitentiaire du Maharashtra pour faire en sorte que les responsables de la mort en détention d’un éminent défenseur des droits humains rendent des comptes illustre également l’impunité avec laquelle l’exécutif opère. En outre, à ce jour, le gouvernement indien n’a pas répondu à l’avis publié par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, qui soutient que la détention de Stan Swamy était arbitraire [2].

L’affaire Bhima Koregaon 16 n’est qu’un exemple de l’utilisation croissante par les autorités indiennes de la législation antiterroriste, en particulier de la loi de 1967 sur les activités illégales (prévention) (UAPA), pour cibler et réduire au silence les défenseur·es des droits humains du pays [3]. Cette tendance à la hausse doit cesser immédiatement. Les co-accusé·es dans l’affaire Bhima Koregaon 16, dont la majorité sont d’un âge avancé et souffrent de pathologies sous-jacentes, sont en détention provisoire depuis près de quatre ans et subissent des retards répétés dans l’ouverture de leur procès. Des enquêtes indépendantes, crédibles et bien documentées sur les ordinateurs de trois des accusés ont révélé des preuves accablantes de piratage, de surveillance et d’altération des preuves, qui auraient été soutenues par les autorités indiennes [4]. Selon ces enquêtes, les preuves sur lesquelles repose l’accusation contre les 16 de Bhima Koregaon ont été placées sur les ordinateurs et les appareils des accusés, avec la participation présumée de la police indienne [5].

À l’occasion du premier anniversaire de la mort injuste de Stan Swamy en détention, les partenaires internationaux de l’Inde doivent faire pression sur le gouvernement indien pour qu’il respecte ses obligations internationales en matière de droits humains, à savoir :
 mener rapidement une enquête efficace, indépendante et impartiale sur la mort de Stan Swamy en détention ;
 accorder une compensation à sa communauté pour les violations des droits qu’il a subies ;
 assurer sa réhabilitation légale à titre posthume ;
 veiller à ce que les personnes faussement accusées dans l’affaire Bhima Koregaon soient immédiatement libérées de leur détention injuste, qu’elles obtiennent réparation et qu’elles bénéficient d’un soutien pour poursuivre leur travail essentiel de défenseurs des droits humains ;
 mettre fin à l’utilisation de lois répressives pour réprimer la société civile et les modifier pour les mettre en conformité avec le droit international relatif aux droits humains ; et
 abroger la loi sur les activités illégales (prévention) (Uapa).

La rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseur·es des droits humains, Mary Lawlor, a déclaré en 2021 que la mort de Stan Swamy " restera à jamais une tache sur le bilan de l’Inde en matière de droits humains " [6]. Malgré sa disparition, l’esprit, le courage et la bonté de Stan Swamy continuent d’inspirer les communautés dalits et adivasis à revendiquer leurs droits. Nos organisations sont solidaires de ces communautés et de tou·tes les défenseur·es des droits humains qui les soutiennent dans cette lutte.

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  • Co-signataires

    Les organisations listées ici sont partenaires du Mémorial des défenseurs des droits humains, une initiative visant à rassembler et vérifier les informations sur les cas de défenseurs des droits humains dont le décès est considéré comme lié à leur travail en faveur des droits humains. Les objectifs du Mémorial des défenseurs des droits humains sont les suivants : fournir une base pour un plaidoyer et une campagne efficaces afin de mettre fin aux meurtres de défenseur·es des droits humains ; garder vivante la mémoire des défenseur·es, et célébrer leur courage et leurs réalisations ; et offrir une solidarité avec les familles, ami·es et collègues des défenseur·es des droits humains.]]
    ACI Participa (Honduras)
    Amnesty International
    Comité Cerezo (Mexique)
    Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains
    Front Line Defenders
    Global Witness
    HRDA (Inde)
    Karapatan Alliance (Philippines)
    El Programa Somos Defensores (Colombie)
    Red Nacional de organismos Civiles de Derechos Humanos Todos los Derechos para Todos y Todas (Red TDT, Mexique)
    SAS-e-Fekr Social and Legal Research Service Consultancy (Afghanistan)
    Social Association of Afghan Justice Seekers (SAAJS) (Afghanistan)
    Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains

  • Organisations membres - Inde
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